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Mobilisation à gauche ou opération électorale ?

10 février 2004

La gauche plurielle, qui a volé en éclats lors du désaveu électoral infligé en 2002, est-elle en train de renaître de ses cendres ? Là voilà en tout cas prête à dénoncer à l’unisson les projets de réforme du Code du Travail annoncés par Fillon-Raffarin. La déclaration commune signée du PS, du PCF, des Verts, du Parti des Radicaux de Gauche et du Mouvement Républicain Citoyen, affirme « condamner vivement » le « projet de loi de mobilisation pour l’emploi qui est une grave menace pour notre modèle social » et qui apparaît, « avec la dernière touche apportée par le rapport De Virville comme une remise en cause du droit du travail, en particulier des contrats à durée indéterminée. »

La précarité quand la gauche était au pouvoir

La lutte contre la précarité, nouveau cheval de bataille de la gauche ? Voilà qui constituerait un véritable reniement de toute les mesures qu’elle a mises en place quand elle était au pouvoir ! Car si dans les « 110 propositions » du candidat Mitterrand de 1980 figurait la promesse que « le contrat de travail à durée indéterminée redeviendra la base des relations de travail », la gauche, une fois au gouvernement, a œuvré dans le même sens que la droite en matière de remise en cause du CDI, servant les mêmes buts pro-patronaux. Après l’ordonnance de janvier 1982 développant la flexibilité du travail, le développement des « contrats aidés » allait encore le confirmer.

Sous Mitterrand, on a vu apparaître en 1982 les stages de préparation à la vie professionnelle, en 1983 les Contrats emploi formation, en 1984 les contrats de qualification et d’adaptation et les TUC (Travaux d’Utilité Collective), en 1985 les SIVP (stages d’insertion à la vie professionnelle). En 1985, 390.000 jeunes se retrouvaient ainsi dans ces contrats bidon et sans avenir. La loi du 25 juillet 1985 élargissait les cas de recours, au contrat à durée déterminée et à l’intérim. Le code du travail a été réduit en peau de chagrin par les lois Auroux (1982), Delebarre (1985) enfin les lois de 1989 et 1990.

Dès 1997, Jospin a poursuivi dans la même veine, transformant des emplois de fonctionnaires en emplois « contractuels », donc précaires, développant les Contrats Emploi Solidarité dans la Fonction Publique, puis créant les « emplois-jeunes », nouvelle version des TUC. Les patrons, pour multiplier le recours aux emplois précaires, remplacer des emplois en CDI par des contrats provisoires, n’ont pas rencontré la moindre opposition de Jospin. Les gouvernements successifs ont laissé l’intérim atteindre 40 à 50 % des emplois dans certains secteurs comme la production automobile et 80 % des nouveaux emplois. La loi des 35 heures (loi de la flexibilité en réalité) et la loi de modernisation sociale allaient préparer les attaques actuelles de Raffarin comme le rapport Rocard avait préparé l’attaque sur les retraites.

Casser le code du travail, précariser les salariés, remplacer les salariés en fixe par des CDD, des intérimaires, des contrats aidés, des emplois jetables, c’est la politique de Raffarin mais cela n’a-t-il pas été aussi celle des gouvernements de gauche ? Ces périodes n’ont-elles pas produit leur lot de travailleurs précaires par millions ? On a ainsi connu les travailleurs pauvres des ères Mitterrand et Jospin. Selon les statistiques de l’INSEE, la croissance des emplois précaires a été continue de 1981 à 2000, sous des gouvernements de droite comme de gauche, les faisant passer d’un million et demi à 4 millions et demi !

Changement de ton de la gauche dans l’opposition, mais après ?

Par ses récentes déclarations, la gauche envisage-t-elle maintenant de rompre avec sa politique passée, voire d’impulser une mobilisation sociale pour la défense du Code du Travail ? Il est permis de douter que les partis qui la composent cherchent à développer une lutte sociale d’ampleur, eux qui n’y ont nullement pensé ces derniers mois alors que se développait l’offensive gouvernementale. François Hollande, dirigeant du PS, qui appelle maintenant à se mobiliser, était bien silencieux lors des grèves pour la défense des retraites au printemps dernier. Les calculs électoralistes à la base de leur posture de futurs défenseurs du code du travail, sont à peine camouflés. La LCR, sans doute involontairement, en a fourni un révélateur en... proposant à la gauche de s’associer à sa démarche. Le PS a refusé, répondant qu’ « il était paradoxal de demander une unité d’action et de faire qu’elle ne se retrouve pas sur le plan électoral en termes de désistement au deuxième tour. »

Elections ou pas, l’action la plus large possible de tous les travailleurs contre les projets gouvernementaux et patronaux est nécessaire et même indispensable. Les militants de gauche auraient toute leur place dans une telle lutte, mais leurs directions ne visent qu’à détourner leurs aspirations pour se refaire une virginité, apparaître auprès de l’électorat malgré leur passé comme des défenseurs des classes populaires, et - qui sait ? - revenir bientôt aux affaires. Peu probable ensuite qu’ils annulent les lois mises en place par la droite, alors que leur passage au gouvernement n’a fait jusque-là que les aggraver. Les travailleurs doivent s’en souvenir, ne pas se laisser illusionner par le branle-bas de combat électoral des François Hollande et Cie et ne compter que sur leur mobilisation.

Simone CANETTI

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