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Voile et extrême droite

20 janvier 2004

Succès ou pas, les manifestations de samedi appelées par le PMF, Parti des musulmans de France, sous le prétexte de protester contre la future loi qui interdirait le port du voile islamique à l’école ?

Par le nombre certainement pas. Celle de Paris, n’aurait finalement attiré que quelques milliers de personnes, bien que en dernière heure d’autres se soient joints à l’appel du PMF, dont l’UOIF, liée aux Frères Musulmans et un des groupes du Conseil français du culte musulman que le gouvernement prétendait avoir amadoué en lui donnant de l’argent et du poids au nom de l’organisation officielle de la communauté musulmane.

Les calculs de Sarkozy

Mais le nombre n’était pas forcément ce que visait Mohammed Latrèche, le leader du PMF. La première à avoir parlé d’un possible cortège de 20 000 personne fut d’ailleurs… la police. Cette insistance à grossir le nombre des manifestants comme l’énorme déploiement policier autour du cortège, complaisamment rapporté par les médias, n’était sans doute pas le simple fait de l’aveuglement des stratèges du ministère de l’intérieur. Grossir les dangers (réels ou imaginés) de l’extrême droite, de l’insécurité et de l’immigration est l’axe de la politique de Sarkozy. Plus facile ainsi de montrer inflexibilité et capacité à y faire face ! Les milliers de flics qui entouraient les maigres troupes du PMF n’étaient pas là pour celles-ci, mais pour les millions de téléspectateurs de France et de Navarre, pour flatter leurs préjugés et fouetter leurs craintes. C’est ceux-là qu’elles entendaient convaincre que loi ou pas (d’autant plus que le ministre s’était dit défavorable à celle-ci) le principal rempart contre les hordes islamistes restait… Sarkozy lui-même.

Et c’est sans doute le même calcul qu’a fait Latrèche. Simplement renversé, et pour un autre public que Sarkozy. Qu’importe pour lui de n’avoir pas réuni beaucoup de monde entre République et Nation, si des millions de musulmans ont pu le voir, eux aussi, à la télé ! Et enregistrer qu’il était le plus radical et le plus virulent à dénoncer les maux dont ils souffrent dans ce pays, même si en réalité c’est en tant que prolétaires et non en tant que musulmans.

Ceux de Latrèche

La démagogie d’un Latrèche (et de tous ses nombreux concurrents dans le milieu musulman réactionnaire) c’est de tenter de faire croire que l’interdiction du voile à l’école serait le symbole de toutes les attaques dont souffrent des musulmans dans ce pays (racisme, vexations policières et exclusion, en particulier des jeunes, vivant dans les cités de banlieue et subissant de plein fouet les conséquences du chômage et de la dégradation sociale) comme dans le monde (la guerre permanente de l’Etat d’Israël contre les Palestiniens et la guerre anglo-américaine contre l’Irak).

Porté par la montée de la pratique religieuse et de l’islamisme, y compris dans les milieux de l’immigration en France, le PMF peut-il atteindre son but qui est d’établir un parti d’extrême droite prétendant représenter les intérêts de la population musulmane de ce pays ? L’évocation d’un régime qui imposerait la charia dans certaines cités ou à une partie des cités en France semble une divagation. Et pourtant aujourd’hui même la situation des filles dans des familles maghrébines d’un certain nombre de ces cités, mise en lumière par le mouvement « Ni putes, ni soumises », montre comment, dans le cadre et sur le territoire de la République française, on peut écraser une partie de la population pauvre en s’appuyant sur les préjugés d’une autre. Jusqu’où cela ne pourrait-il aller si ces préjugés étaient cultivés, utilisés et encadrés par une organisation de démagogues décidés à s’imposer de gré ou de force et sans scrupules sur les moyens à employer ?

Au-delà de la loi

Nous ne savons pas encore comment sera formulée la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école, ni même si elle sera passée (un certain nombre de politiciens sont réticents), encore moins comment elle sera utilisée. A priori une telle loi devrait permettre aux jeunes filles du milieu maghrébin de refuser plus facilement le port forcé du voile et faire face à la pression islamiste. Permettre aussi aux enseignants d’aider ces jeunes filles. A condition qu’il y ait des gens pour militer et se battre contre l’oppression des femmes. Et pas seulement les jeunes filles des familles musulmanes ou les seuls enseignants. Surtout si des organisations d’extrême droite s’implantaient dans la population musulmane et y faisaient régner leur loi à elles.

Un PMF implanté dans le milieu populaire musulman serait l’équivalent d’un FN implanté dans les milieux populaires de ce pays. Alors pour combattre l’extrême droite il ne faudrait certainement compter ni sur l’Etat, ni sur une loi, ni sur les forces politiques, de gauche ou de droite, liées à la bourgeoisie. Celles-ci serait les premières à proposer à un Le Pen ou à un Latrèche qui engrangeraient les succès, de leur faire la place et leur laisser le pouvoir qu’ils demandent. Elles l’ont fait dans le passé ou dans d’autres pays.

A la pression de l’extrême droite (musulmane, catholique, juive ou païenne) il faut exercer une contre-pression, aux préjugés qu’elle ressasse il faut opposer des idées libératrices, au repli sur eux-mêmes qu’elle propose aux opprimés il faut opposer des perspectives d’une autre vie et d’une autre société.

C’est pourquoi la simple question de l’interdiction du voile à l’école aujourd’hui est un combat militant qui est non seulement celui des femmes, mais celui de tous les travailleurs conscients et de tous les militants du mouvement ouvrier.

Robert PARIS

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