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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 29, septembre-octobre 2003 > DOSSIER : Altermondialisation : réforme ou révolution ?

DOSSIER : Altermondialisation : réforme ou révolution ?

Attac : sous les pavés, la gauche

Mis en ligne le 26 septembre 2003 Convergences Politique

Du côté des socialistes, Martine Aubry, Bertrand Delanoë et d’autres ont lancé leurs piques contre l’extrême gauche à leur université d’été, et François Hollande a conclu en incitant les secrétaires fédéraux à une mobilisation massive pour le Forum social européen de Saint-Denis.

Du côté des communistes, la fête de l’Humanité a invité José Bové et Jacques Nikonoff (le président d’Attac) à parler sur la grande scène, avant le discours du dimanche de Marie-Georges Buffet. Selon elle, le mouvement altermondialiste en plein essor préfigurerait cette nouvelle gauche pluraliste et unitaire qui marierait l’action des partis politiques avec le syndicalisme et les mouvements associatifs. Cette « nouvelle construction politique » serait la voie salvatrice, entre les bras du PS et les griffes de l’extrême gauche.

Une gauche aux allures d’ONG

Une bonne part du public des rassemblements et manifestations alter-mondialistes, intellectuels, jeunesse scolarisée ou militants syndicaux, fait partie de l’électorat traditionnel de la gauche. Mais la partie déçue, plus ou moins consciente d’avoir été trompée, cherchant autre chose : pour elle l’altermondialisme est tombé à pic.

Car si ses responsables, à commencer par les dirigeants d’Attac, sont pour la plupart issus ou encore membres des partis de l’ex-gauche plurielle (ancien président, Bernard Cassen, chevène men tis te ; nouveau président, Jacques Ni ko noff, membre du PCF), ils ont choisi pour label l’indépendance formelle vis-à-vis des partis. Ainsi leur refus d’accoler aux participants du Forum social européen leurs étiquettes politiques, quand ils en ont. La parole est réservée aux personnalités, associations, syndicats ou « réseaux » (un terme générique recouvrant de multiples formes de relations ou collaborations). Prière de laisser sa casquette politique au vestiaire.

Pourtant le Comité d’initiative organisant le prochain FSE n’en a pas moins étudié et dosé à l’aune de leur sensibilité politique les « acteurs sociaux » invités à intervenir aux « séances plénières », « séminaires » et « ateliers ». Histoire de filtrer les participants, pour laisser aux débats le rose politique dominant, qui est celui des initiateurs du mouvement - le Collège des fondateurs d’Attac.

Accessoirement, l’apolitisme de façade permet de neutraliser l’influence de l’extrême gauche, dont le mouvement alter-mondialiste s’accommode de l’énergie militante davantage que des idées.

Contre-pouvoirs… et contre-allées du pouvoir

Attac justifie ces choix.

« C’est dans [une] dialectique compliquée entre pouvoir et contre-pouvoir qu’il faut situer les rapports entre Attac et les partis politiques », est-il expliqué dans la brochure Tout sur Attac (mai 2002). Les partis ont pour mission de se présenter aux élections, d’exercer ou de viser à exercer le pouvoir. Les « contre-pouvoirs » dont se revendique Attac auraient pour mission de combattre ou de conseiller et infléchir l’action des premiers.

Aux premiers rangs de ces contre-pouvoirs, les associations et les syndicats qu’Attac ambitionne d’intégrer à ses « réseaux » et d’influencer. Ce sont eux qui donnent au mouvement une base, apportent souvent des dizaines de milliers de manifestants à ses initiatives, lui permettent d’intervenir sur le terrain des luttes sociales. Cela dit, leurs appareils, aujourd’hui très intégrés au fonctionnement de l’Etat par tous les rouages des négociations sociales et par les organismes de gestion auxquels ils participent, font partie de ces « décideurs » de gauche qu’Attac prétend conseiller.

Attac s’est aussi efforcé de regrouper (au départ sur le thème fort limité de la taxe Tobin) des parlementaires, députés ou sénateurs, réunis dans une « coordination des élus membres d’Attac ». Les dirigeants d’Attac affirment qu’en travaillant avec eux, le mouvement altermondialiste pourrait « peser politiquement sur les institutions ». Mais lorsqu’il a fallu adopter la loi Fabius sur l’épargne salariale, premier pas vers la création de fonds de pension, la « coordination des élus membres d’Attac » a flanché devant les pressions du gouvernement. « Les dirigeants de l’association n’en déjeunent pas moins, une fois par mois, avec les parlementaires qui leur sont proches », selon Le Monde du 24 août 2003. A défaut de contre-pouvoirs, restent les entremets.

C’est dans le même esprit qu’Attac a institué l’adhésion à son mouvement de municipalités, a mis en place un « réseau des collectivités locales », organisé des colloques pour les élus locaux et essayé de multiplier dialogues et collaborations. La plupart de ces municipalités sont dirigées par la gauche plurielle, mais ce n’est pas exclusif, à en juger par la participation d’un député-maire UDF du Loir-et-Cher.

Un partage des tâches ?

Les dirigeants socialistes se sont bien gardés jusqu’à présent d’attaquer les mesures anti-sociales du gouvernement Raffarin (tout au plus critiquent-t-il ses méthodes pour les faire passer). Ils semblent attendre seulement que la droite s’use au pouvoir et lui laisse la place. Mais l’ex-gauche gouvernementale n’est pas assurée de conserver, au printemps prochain, ses présidences de conseils régionaux et généraux ou ses députés européens. C’est sa principale préoccupation de rentrée. Rien d’étonnant si, à la recherche de l’électorat perdu, ses yeux se tournent vers les milieux alter-mondialistes.

Les dirigeants alter-mondialistes ont les coudées plus franches. Ils ont condamné la réforme des retraites, dénoncé les licenciements et les privatisations, et sont restés en phase avec ceux qui ont manifesté et lutté. Du moins en phase avec les directions syndicales. Car Jacques Nikonoff montre autant de sens des responsabilités (vis-à-vis de la bourgeoisie) qu’elles quand il rend responsables de l’échec du mouvement de mai-juin dernier (dans Le Monde) les manifestants qui ne se seraient pas dispersés assez vite en fin de manifestation, place de la Concorde, ou les enseignants qui ont continué la grève !

L’essentiel pour les dirigeants altermondialistes reste de se démarquer des partis politiques. Certes. Mais précisément pour laisser à la gauche gouvernementale le terrain et le monopole de la politique proprement dite et pour ne pas lui faire concurrence sur ce terrain. Ce partage des tâches est jusqu’à nouvel ordre la ligne de conduite des dirigeants d’Attac. Passe encore que des brebis égarées du Larzac y aient démonté un stand du Parti socialiste. Mais pas question de lui casser sa baraque au printemps 2004.

Olivier BELIN


Nikonoff et les « gauchistes diviseurs »… Air connu !

Avec autant de virulence que les leaders socialistes, le président d’Attac, a profité de l’université d’été de son mouvement pour partir en guerre contre l’extrême gauche. « Au lieu de rassembler, l’extrémisme divise. Le verbiage, la violence, les gesticulations, le sectarisme qui marquent l’extrême gauche annonceraient la défaite du mouvement si ce dernier devait y céder » a-t-il déclaré dans Libération du 18 août. Et de récidiver dans Le Monde du 23.

Ces déclarations auraient suscité « de sérieux tangages » à l’université d’été d’Attac, écrit Rouge, hebdomadaire de la LCR. Surtout qu’une partie des présents étaient de ces militants d’extrême gauche qui ont vu dans le mouvement altermondialiste un nouveau « pôle de radicalité ». Le coup de semonce de Nikonoff les vise.

Attac n’aurait pas vocation à participer aux élections. Mais à plusieurs mois des échéances électorales de l’année 2004 ses dirigeants autant que les états-majors du PCF ou du PS se bousculent pour agiter le spectre d’une candidature commune de l’extrême gauche. C’est plus qu’un aveu, c’est un programme.

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