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Grèves en Allemagne de l’Est : L’IG-Metall se déballonne

15 juillet 2003

Après quatre semaines de grèves dans la métallurgie d’Allemagne de l’Est, le dirigeant de l’IG-Metall (syndicat de la métallurgie), Klaus Zwickel, a appelé le 28 juin à la reprise. Alors que rien n’était obtenu. Alors que l’assemblée syndicale qui devait voter la fin d’un conflit n’avait pas été consultée, contrairement à la réglementation !

La grève avait été déclenchée par l’IG-Metall, pour l’alignement de la durée de travail de l’Est sur l’Ouest. Les 35 heures pour tous ! (qui existent légalement en Allemagne de l’Ouest depuis 1995, même si la réalité est tout autre !). Mais avant même d’avoir appelé à la grève, la direction syndicale mettait la veilleuse : « En matière d’introduction des 35 heures, l’IG-Metall est prête à des compromis qui tiennent compte de la situation économique des entreprises ». De toutes façons, comme dans la sidérurgie d’Allemagne de l’Est où quelques jours de grève venaient de conduire à un accord, il était question au mieux d’arriver aux 35 heures par étapes, d’ici le 1er avril 2009, avec report d’application si la situation économique l’exigeait. Pour les patrons de la métallurgie, c’était encore trop. Ils proposaient les 37 heures d’ici 2005, mais avec une marge de 35 à 40 heures, c’est-à-dire la possibilité légale de faire travailler 40 heures. Bref, l’allongement du temps de travail plutôt que sa réduction. Tellement gros que le syndicat ne pouvait l’accepter, mais il se serait contenté des 35 heures à terme bien éloigné, avec des compromis entreprise par entreprise, façon de saborder un peu plus les conventions collectives de branches et/ou régionales.

L’IG-Metall était prête aux compromis, mais les patrons à aucun ! Une vaste campagne fut orchestrée contre cette grève, par le milieu patronal et gouvernemental dans les médias. Haro sur ceux qui demandaient de travailler moins alors qu’ils avaient un travail ! Haro sur ceux qui mettaient l’économie en péril par le blocage de la production ! Haro sur ces grévistes de sous-traitants de grosses firmes automobiles ouest-allemandes, qui menaçaient de bloquer les chaînes de Volkswagen ou Opel ! Cette campagne n’a pas remonté le moral des grévistes, déjà peu stimulé par les traditionnelles méthodes d’appareil du syndicat. C’est ce dernier et lui seul qui avait choisi quelles entreprises allaient se relayer dans le mouvement et selon quel calendrier. C’est le syndicat qui avait choisi le terrain de l’harmonisation du temps de travail, à terme. Certes, treize ans après la réunification, le non alignement de la durée hebdomadaire légale sur l’Ouest était ressenti comme une injustice. Mais il y avait aussi le chômage qui atteint presque 20 %, les salaires plus bas. Les travailleurs se sont interrogés sur le sens de cette grève. Elle a été mal suivie. Au plus fort, le 19 juin, elle a touché 11 400 salariés de 16 entreprises à Berlin, Brandebourg et Saxe. Même si 75 % des syndicalistes consultés se sont exprimés en faveur de la grève, à son démarrage, l’incertitude était tangible aux piquets de grève. Pas de moral d’acier. Crainte pour l’emploi. Une bonne partie des grévistes n’avaient pas le sentiment de mener leur propre lutte. Et le ressentiment à l’égard du syndicat en fut d’autant plus grand, quand il s’est déballonné.

Le patronat allemand, par contre, a pu se montrer intraitable.

Depuis l’arrivée de la coalition « rouge-verte », dirigée par le social-démocrate Schröder, en 1998, l’austérité est à l’honneur. Diminution des retraites et des allocations sociales. Diminution des impôts pour les entreprises et les actionnaires (des trusts comme Siemens ne payent plus d’impôts du tout, voire font plus de bénéfices après « déduction » d’impôts qu’avant !). Contre les chômeurs, les premières mesures de la « commission Hartz » (chef du personnel de Volkswagen et néanmoins social-démocrate) sont entrées en vigueur : extension massive de l’intérim et pression accrue sur les chômeurs pour qu’ils prennent un travail mal payé, avec pression sur tous les salaires ! Les ANPE se transforment en agences d’intérim, et pratiquent directement le louage aux entreprises. La bureaucratie syndicale a participé à la mise en place du système et négocié des conventions collectives pour l’intérim, qui sanctionnent un niveau de salaires inférieur à celui des contrats fixes.

Dernières attaques gouvernementales en date, un lot de mesures projetées, baptisées « Agenda 2010 » : réduction de la durée d’indemnisation du chômage, allocations de fin de droits rabaissées au minimum social, obligation de prendre un travail même à l’autre bout du pays sous peine de perte d’allocation pour plusieurs semaines, diminution du montant des retraites, de 70,4 % du dernier salaire à 64 % et recul de l’âge de départ de 65 ans à 67 ans d’ici 2030, coûts totaux des dépenses maladie à assumer par les malades eux-mêmes passant de 5 milliards à 13 milliards d’euros, enfin facilité de licenciements pour les PME.

Les dirigeants syndicaux se sont dits surpris et indignés... mais davantage par le fait que Schröder ne les ait pas consultés que par le contenu des mesures. Contre l’ « Agenda 2010 », ils n’ont organisé que quelques journées d’action régionales, éparpillées. C’est dans ce contexte qu’ils ont choisi d’engager une grève à l’Est, sur un problème important mais subsidiaire, façon d’afficher quelques velléités de lutte, sans attaquer de front le gouvernement social-démocrate ni le patronat. Et surtout, sans orienter la lutte sur les revendications générales à tous les travailleurs du pays, de l’Est comme de l’Ouest, qui pourraient et devraient les rassembler, et les rendre plus forts dans la lutte contre le patronat. Tous ensemble.

Ce que les bonzes syndicaux craignent, autant que le patronat.

Tonio ROBERT

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