Le sale été de Chirac et Raffarin
21 juillet 2003 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Fin avril, le gouvernement avait déjà fait passer le taux de remboursement de 617 médicaments de 65 % à 35 % : ce n’était qu’un avant-goût. Le ministre de la santé Jean-François Mattei vient de rendre publique une liste de 84 nouveaux médicaments qui ne seront plus remboursés du tout par la Sécurité sociale. Le docteur gouvernemental tient pourtant à nous rassurer : pour lui, « les malades qui ne prendront plus ces médicaments ne s’en porteront pas plus mal, et probablement même s’en porteront-ils mieux » ! Aïe… entendre les membres de l’équipe Chirac-Raffarin se pencher ainsi sur notre santé, il y a de quoi s’inquiéter ! Mattei a le front de prétendre que la décision n’est pas avant tout économique, qu’elle ne fera épargner sur notre santé « que » 42 millions d’euros par an au gouvernement. Mais son objectif étant de décupler la dose, les 84 médicaments ne devraient être que les premiers d’une liste de 650, étalée sur deux ans. Quant à ceux qui, n’en déplaise à Mattei, voudront continuer à prendre ces remèdes, le « bon docteur » leur explique que « cela relèvera d’un choix d’auto-médication ». Pour le gouvernement, ceux qui pourront payer auront le droit de recourir à la médecine qu’ils souhaitent ; aux autres, les phrases de Mattei.
Cette attaque n’est elle-même qu’une partie de la grande offensive que promet le gouvernement sur la Sécurité sociale. Il y a quelques mois, le ministre de la santé envisageait de ne plus faire prendre en charge par la Sécu que « les maladies graves ». Maintenant, le ministre du travail déclare que la CSG pourrait être augmentée pour financer le trou que continuent de creuser le chômage, les bas salaires et les cadeaux au patronat sur les charges sociales. Les discours du gouvernement sont encore flous, mais sa volonté de mener la prochaine grande offensive sociale dès l’automne l’est moins. Et il n’a pas attendu pour commencer à la mettre en oeuvre.
Il attaque en même temps sur d’autres fronts. Après avoir fait baisser les impôts des riches, Raffarin s’en prend aux économies des milieux populaires : le taux d’intérêt du Livret A devrait passer de 3 % à 2,25 %. Un casse de professionnels : l’opération devrait permettre à l’Etat de récupérer un milliard d’euros sur les petits épargnants ! (Que fait Sarkozy ?) Cela devrait aussi satisfaire la Fédération des Banques françaises, notre argent l’intéresse comme on sait, qui trouve que le Livret A lui fait une concurrence déloyale. Mais c’est bien sûr avec un autre prétexte que le gouvernement justifie son racket : le ministère des finances jure se soucier d’abord des logements sociaux, financés par cette forme d’épargne. Le gouvernement préoccupé du logement social, vraiment ? On avait l’impression qu’en matière d’immobilier il était plutôt porté sur les prisons…
Les coups contre le niveau de vie des travailleurs ne s’arrêtent pas là : il y a les prix d’EDF qui ont augmenté de 3 %, le coût de la SNCF, les transports urbains (+ 4,1 % à la RATP et davantage pour la « carte orange »), et encore les tarifs de France Télécom… Les licenciements continuent. L’offensive est générale, et ne connaît pas de trêve estivale.
La résistance aux mauvais coups ne cesse pas non plus. A peine sorti des mois de grèves et de manifestations contre son plan anti-retraites, le gouvernement espérait souffler un peu avant de reprendre le chantier de la Sécu à la rentrée. Chirac se préparait à un discours de triomphateur pour le 14 juillet. Raté ! Depuis un mois les intermittents du spectacle, directement menacés par le Medef, ont créé un festival de luttes. Les électeurs corses, qui sont aussi des travailleurs, ont transformé le dernier référendum en désaveu de l’équipe Chirac. Et quand il voyage, Raffarin continue à avoir besoin de bataillons de policiers pour le protéger de « la France d’en bas », comme à Epinal encore la semaine dernière, où une centaine de manifestants étaient venus l’accueillir.
Le printemps a été chaud, l’été est loin d’être tiède : avec ses attaques qui continuent, le gouvernement aurait bien des raisons de se méfier du climat de cet automne.