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L’hommage à Thibault

19 juin 2003

Les congressistes du PS l’avaient ovationné. Normal. Son horizon est le leur. Une « bonne » réforme des retraites, telle que Rocard l’avait conçue, Balladur reprise, Jospin peaufinée. Bref, une réforme Raffarin à « négocier » entre partenaires, à « amender » sur l’arène parlementaire.

Cette fois, l’hommage vient d’ailleurs. Pas des grévistes ni des manifestants. Thibault a été hué à Marseille aux cris de « grève générale ». Le texte de sa « consultation » aux salariés accueilli avec des rires et des sarcasmes dans les assemblées de grévistes. Bon nombre de militants de la CGT n’osent même pas le faire circuler. La vague de grèves a reflué, mais le baratin confédéral est mal passé.

L’hommage vient de François Fillon.

Le Monde, 17 juin, article de Patrick Roger rendant compte des débats à l’assemblée :

« … François Fillon a d’ailleurs tenu à rendre hommage à la CGT et à son secrétaire général, Bernard Thibault, pour son « attitude responsable ». En soulignant ainsi l’ « opposition raisonnable » de la CGT, « même dans les moments de tension », le ministre du travail sait gré à la centrale de Montreuil de s’être évertuée à empêcher la généralisation d’un mouvement qui risquait d’échapper à son contrôle. Confiné dans l’enceinte du Palais-Bourbon, même si une nouvelle journée d’action est annoncée jeudi 19 juin, le débat apparaît désormais à peu près maîtrisé… ». Fin de citation.

Le commentaire est du Monde, les propos de Fillon ne sont pas cités in extenso. Mais il semble que l’esprit y soit. Le gouvernement a échappé à l’épreuve de force - du moins la première manche. Il triomphe dans l’enceinte sécurisée du Palais-Bourbon. Merci Thibault.

Chirac disait la semaine dernière qu’il n’y aurait ni vainqueurs ni vaincus. Propos de vainqueur présumé. Mais à peine cette première vague de grève a-t-elle reflué, que des consignes sont données d’en haut pour faire payer les supposés vaincus. On envoie des gaz lacrymogènes sur les manifestants et on en fait défiler plusieurs au tribunal. Pour l’exemple. A la SNCF, à la Poste, à titre d’intimidation et en violation de la jurisprudence, on invente au bluff une nouvelle réglementation du préavis de grève déclarant en « absence irrégulière » tous ceux qui rejoignent la grève après le premier jour de préavis.

Et puis il y a la petite surenchère de ceux qui se croient les « vainqueurs » du moment. Peut-être, espérons-le, l’une de ces bourdes préparant une deuxième vague de colère plus explosive que la première : une lettre inter-ministérielle datant de la semaine dernière incitant les directions de la fonction publique à appliquer le plus sévèrement possible les retenues sur salaires pour grève : une journée pour une heure de grève ; le week-end pour un vendredi ; si possible pas d’étalement des retenues sur plusieurs mois, etc. Quant aux enseignants, carrément à l’amende : prélèvement des jours non travaillés « pris en sandwich » entre deux jours de grève. Le prof qui aura fait 30 jours de grève pourra ainsi en payer 60… les vacances de Pâques pourront sauter, etc. Reste à savoir s’il sera si facile d’appliquer lesdites consignes.

Bref, si Thibault a appelé à continuer la lutte sur la « durée », sous forme d’une consultation-pétition, sages journées d’action et autres démonstrations « responsables », le gouvernement balance ses consignes punitives dans l’instant… tout en annonçant déjà la réforme de la sécu pour la rentrée.

Certaines assemblées départementales de la CGT où ont été invités les secrétaires de section ont été passablement houleuses, ne reflétant d’ailleurs que faiblement les explications à la base. La justification majeure des responsables d’UD, suite aux propos de Thibault, c’est qu’il « faut s’inscrire dans la durée », « que le privé n’a pas suivi ». Ce à quoi répond, simple exemple, en termes d’ailleurs très mesurés, une militante d’une petite boîte privée en grève de Haute Garonne : « Nous sommes 32 salariés dans la boîte. Nous sommes en grève reconductible. Dans le texte de la consultation nationale, il n’y a pas le retrait du plan Fillon. Dans les petites boîtes, on a besoin de repères forts… ». Ces repères que la CGT s’est si fortement interdit de donner. Un autre militant de la même assemblée : … « qu’on l’appelle grève générale ou autrement, il y a une responsabilité de la confédération qui aurait du coordonner, donner l’impulsion pour convaincre les indécis. Une pétition : on peut commencer par ça, mais ce n’est pas par ça qu’on finit… »

En réalité, si le gouvernement salue à sa juste valeur le rôle des confédérations ces dernières semaines, ce rôle, forcément, n’a guère été perceptible pour les millions de travailleurs que les grévistes n’ont pas réussi à entraîner. En revanche, il a été parfaitement perçu par les dizaines de milliers de grévistes qui ont milité activement et directement pour la généralisation de cette grève, lesquels, contrairement à d’autres précédents, ne sortent ni vaincus, ni démoralisés, ni amers de ce premier épisode d’affrontement social. Et c’est ce qui fait que bien des conditions sont réunies pour que ce ne soit pas fini. Pas au sens du gentil film à épisodes dont parle Thibault. Mais pour que les grévistes et manifestants de mai-juin se préparent à la deuxième manche de l’épreuve de force, celle que le gouvernement a d’ores et déjà engagée. Pour commencer, en exprimant en quoi leurs objectifs ne sont ni les « négociations » de Thibault, ni des « amendements » à la réforme, ni autres consultations et pétitions dérisoires. Ils auront l’occasion de le faire lors de la journée d’action du 19 juin programmée par les confédérations et de scander leurs slogans, entre autres sur les thèmes suivants :

Ni amendements, ni consultations bidons

A bas la réforme, retrait du plan Fillon !

Aujourd’hui les retraites, demain la Sécu, préparons la deuxième manche !

37 ans et demi pour tous,

Tous ensemble dans la grève et dans la rue ! …

Le 17 juin, Huguette Chevireau

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