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La Grèce asphyxiée par les banquiers : À quand le bol d’air des luttes ouvrières !

À la classe ouvrière de reprendre le chemin de la lutte

Mis en ligne le 23 mars 2015 Convergences

Tsipras avait mis en avant, dans son programme, une réforme fiscale pour tenter de récupérer l’argent là où il est.

Il avait promis de taxer l’Église orthodoxe, qui ne paye pas d’impôt alors que le traitement de ses prêtres est versé par l’État et qu’elle est, dans le pays, la première propriétaire de terres, dont la location lui procure de substantiels bénéfices. Sitôt arrivé au pouvoir, il a relégué cette idée : pas assez consensuelle pour être proposée par son gouvernement de « sauvetage national » !

D’autre part, les ministres de Syriza s’étaient engagés à lever des impôts auprès de « l’oligarchie » grecque, en premier lieu les armateurs. Ces grands patrons grecs sont exemptés d’impôt sur les bénéfices… en vertu d’un article de la Constitution ! Ils ne paient qu’une modique taxe sur le tonnage de leur navire. Tsipras pourra-t-il les amener à contribuer à l’« effort national » ? Las ! Leur représentant, Nikos Vernikos, aime rappeler que cet article de la Constitution est ce qui les ancre aux ports grecs et que, sans lui, ils pourraient très bien téléporter leurs capitaux dans d’autres ports, aux Bahamas ou aux Kerguelen, bref vers d’autres paradis fiscaux si la Grèce cessait d’en être un…

Il serait tout aussi difficile à ce gouvernement, même s’il en affichait la volonté, de faire payer l’impôt aux riches du pays sans s’en prendre à leurs libertés de manœuvre. Même la petite armée de collecteurs d’impôts, indépendante de l’État, que compte lever Varoufakis, fera pâle figure face aux possibilités d’évasion fiscale qui s’offrent aux bourgeois grecs, à l’instar de leurs collègues du monde entier.

D’ailleurs, le gouvernement Syriza a révisé ses prétentions à la baisse. Son ministre des Finances, Varoufakis, a proposé à la troïka une mesure loufoque : des étudiants, des ménagères ou des touristes seraient embauchés pour de courtes périodes pour filmer en caméra cachée les commerçants afin de confondre ceux qui ne s’acquittent pas de la TVA... Pas de quoi faire trembler les grands fraudeurs !

Récupérer l’argent là où il est…

Oui, mais comment ? Ne prenons qu’un petit exemple, le cas de Spiro Latsis, le Grec le plus riche, à la tête d’une fortune lourde de plus de trois milliards d’euros. Ce monsieur aiguille ses capitaux dans toutes les directions depuis les rives du lac Léman. Il possède en Grèce la deuxième banque du pays – recapitalisée en 2012 par les soins de la troïka –, ainsi que la plus grande raffinerie, des centres commerciaux et il entreprend de construire au Sud d’Athènes un grand complexe hôtelier sur des terrains qu’il vient d’acheter. Sans compter ses villas, yachts, jets privés et multiples biens personnels qui résident sur le territoire hellène.

Pourquoi ne serait-il pas possible d’aller fouiner dans ses propriétés, de mettre sous séquestre ses jets, ses yachts en garantie du paiement de ses taxes et de contributions « exceptionnelles en ces temps de crise », ou ses terrains en friches et autres villas pour loger les mal-logés ? On a bien imposé à des millions de travailleurs grecs, de retraités, de petites gens, des sacrifices autrement plus dramatiques.

Ne serait-il pas possible, par exemple, de réquisitionner les centres commerciaux d’un Latsis, et ceux qui y travaillent seraient les plus à même d’organiser les distributions de nourriture aux plus démunis promises par Tsipras et d’imposer un contrôle des prix pour subvenir aux besoins de tous les autres ?

La raffinerie de Latsis est l’un des nœuds de l’économie grecque ; sans même parler de la faire fonctionner au profit de la classe ouvrière grecque, son occupation établirait un rapport de force important avec la bourgeoisie grecque et la troïka.

De même, comment financer ne serait-ce que l’électricité gratuite, les embauches et les augmentations de salaire dans la fonction publique promises pendant la campagne sans mettre à contribution la banque de Latsis comme les trois autres qui contrôlent 90 % du marché ?

Une lutte qui nous concerne tous

Certes, confisquer des biens et entreprises d’un Latsis et d’autres, contrôler les comptes des patrons et des banques demanderaient un rapport de force bien différent de celui qui existe aujourd’hui, clairement défavorable aux travailleurs grecs. Et ce sont des objectifs que seuls les révolutionnaires peuvent mettre en avant, mais dont ne veut surtout aucun gouvernement de gauche, fût-il plus radical que celui de Tsipras. Car ils remettent directement en cause le sacro-saint droit de propriété de la société capitaliste. De ce point de vue, les « frondeurs » de la gauche de Syriza qui reprochent au Premier ministre ses renoncements, comme s’il eût suffi d’être plus ferme dans les parlottes, ne préconisent pas de faire appel à la classe ouvrière.

Mais ce sont des objectifs dont les travailleurs peuvent s’emparer dans leurs luttes. Car, pour que la population pauvre ne continue pas de payer la dette par l’austérité, les travailleurs ne pourront faire l’économie d’une mobilisation générale et coordonnée, d’une contestation du capitalisme lui-même.

D’autant, ne nous y trompons pas, que l’échec, prévisible, de Tsipras et de Syriza – prévisible à cause de leur soumission aux règles de la bourgeoisie – serait un recul pour tous les travailleurs d’Europe et d’ailleurs, un pas de plus dans l’offensive que mènent les classes dirigeantes.

C’est pourquoi, la véritable force susceptible de faire réfléchir et reculer la troïka, passerait par une mobilisation massive des travailleurs cherchant à « faire face à la crise humanitaire » comme dirait Tsipras. De quoi inspirer aux patrons et banquiers de Grèce et d’Europe la crainte de tout perdre. Et la crainte que la colère des travailleurs grecs soit contagieuse dans toute l’Europe.

Les mesures qui frappent la classe ouvrière grecque aujourd’hui sont celles qui frappent aussi la classe ouvrière en Espagne, au Portugal et ailleurs. Ce sont celles qu’on imposera demain aux travailleurs dans tous les pays d’Europe, y compris en France ou en Allemagne – d’ailleurs, cela a déjà commencé. Les luttes des travailleurs en Grèce ou en Espagne pourraient très bien devenir contagieuses partout où les travailleurs sont victimes de la politique de la bourgeoisie pendant la crise, c’est-à-dire… partout !

Alek SOZEN


Ne pas attendre le salut de Tsipras

La classe ouvrière grecque a déjà prouvé sa combativité lors de puissantes vagues de mobilisations en 2011-2012. Lors des deux mouvements d’occupation des places en 2011, des travailleurs et des jeunes grecs ont discuté de politique des semaines durant par quartier, en occupant les bâtiments publics, bloquant le fonctionnement de l’administration, manifestant massivement, s’organisant au travail pour exprimer par des journées de grève générale leur révolte.

Ces luttes semblent s’être essoufflées depuis 2012, et l’envie de changement s’être reporté sur le faible espoir électoral d’un vote Syriza. Le gouvernement de Tsipras compte bien sur cet essoufflement pour bénéficier de « l’état de grâce » qui lui permet de gagner du temps pour renoncer à ses promesses électorales, au nom du réalisme financier face aux exigences de la « troïka » (UE, BCE et FMI). Reste que la désillusion risque d’arriver très vite. Ce sera alors aux travailleurs de redonner le ton.

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