Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 97 : janvier-février 2015

Loi Macron : tout pour les patrons !

Mis en ligne le 28 janvier 2015 Convergences Politique

Le 26 janvier, la loi Macron sera soumise au parlement en procédure d’urgence, comme « projet de loi sur l’activité et la croissance ». Puisé dans les cartons de Sarkozy, ce texte, présenté par la presse comme un marché un peu « fourre-tout », permettra au patronat d’y faire ses courses. D’ailleurs le Medef s’en félicite : « Oui, le texte est intéressant. Il va dans beaucoup de directions ». Sa seule crainte est que le gouvernement n’ait pas « la capacité et la latitude politique pour mener à bien ces réformes » ! Quand c’est bon pour les patrons, ce ne peut être que mauvais pour les travailleurs.

La rengaine des patrons, on la connaît depuis plus de trente ans : supprimez la « rigidité du code du travail » et vous aurez de l’emploi. C’est ainsi que le CNPF, ancien Medef, promettait en échange 300 000 emplois. Il obtint du gouvernement Chirac en 1987 la suppression de l’autorisation administrative de licenciement. De 1987 à 1993, six cent mille chômeurs de plus ! Cherchez l’erreur ! Dernière en date, la loi dite de « sécurisation de l’emploi » de juin 2013, tirée d’un accord national interprofessionnel où le patronat s’est même payé le luxe de la signature de tous les principaux syndicats, excepté la CGT. Mais on lui reconnaît au moins un mérite : à défaut de « sécuriser l’emploi », la loi sécurise sur le long terme l’activité… de Pôle emploi : 250 000 chômeurs de plus depuis !

Faciliter encore les licenciements économiques

  • Suppression pure et simple du contrôle de l’administration sur les projets de licenciements envisagés dans les entreprises d’au moins cinquante salariés concernant moins de dix salariés dans une même période de trente jours.
  • Pour les entreprises en liquidation ou redressement judiciaire, les obligations de reclassement des salariés sont fortement réduites. Un tour de force qui consiste à évaluer le niveau de ces obligations en fonction des moyens de l’entreprise et non plus du groupe. Pratique, puisque une entreprise en liquidation, c’est censé ne pas rouler sur l’or, mais… faute de remonter au groupe, qui souvent organise la banqueroute de celles de ses filiales dont les bénéfices sont un peu moins mirobolants que les autres, tout contrôle est vain.
  • Pour les sociétés filiales d’un groupe, plus d’obligations de reclassement au sein du groupe. Et pour les multinationales, l’employeur n’est plus tenu de faire des propositions de reclassement y compris en dehors du territoire national. Ce serait désormais au salarié d’aller lui quémander.
  • Lors d’un PSE, les critères de choix des licenciés (famille, ancienneté, handicap, âge, etc.) déjà bien arbitraires, ne seront plus forcément appliqués au niveau de toute l’entreprise mais à n’importe quel niveau, au bon vouloir de la direction. Les patrons pourront donc choisir de licencier qui ils veulent !
  • Si, lors d’un recours, le tribunal administratif casse la décision administrative de validité du licenciement, il n’y aura plus d’indemnité à la charge de l’employeur, ni de réintégration. Juste obligation faite à l’administration de motiver suffisamment sa décision. En bref, vous êtes virés, le patron n’en n’avait pas le droit, mais on tenait simplement à vous le faire savoir !
  • Par contre, pour les patrons, plus question de connaître la geôle. En effet, la prison pour délit d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel est supprimée. Il n’y aura plus que des sanctions financières.

Le peu de protection dont bénéficiaient encore les travailleurs continue de voler en éclats. Si toutefois il y restait encore un peu matière à se défendre des appétits patronaux par la loi, la loi Macron veille à en limiter la portée en s’attaquant aux prud’hommes et à l’Inspection du travail. Chaque année, près de 200 000 travailleurs saisissent les prud’hommes contre leurs patrons. Dans 60 % des cas, les salariés ont gain de cause. Pour Macron et ses amis, c’est bien trop !

Les prud’hommes dans le collimateur :

Puisque que les conseillers prud’homaux jugent trop souvent en faveur des travailleurs, il suffit de les mettre aux ordres comme simples auxiliaires de juges professionnels.

  • Règlement des litiges en dehors des prud’hommes par une « médiation » basée sur le droit civil et non sur le code du travail. Comme si patrons et salariés étaient sur un pied d’égalité pour négocier leurs différends !
  • Instauration d’un barème forfaitaire d’indemnisation pour licenciement abusif, ce qui permet aux entreprises de « provisionner » le coût des licenciements et le rendre tout à fait indolore pour leur comptabilité… La « sécurisation » tant revendiquée, c’est avant tout celle des patrons et de leur portefeuille.

L’Inspection du travail aussi :

  • Les sanctions pénales en droit du travail seront remplacées par des amendes administratives sous l’égide de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Pour faire court : la Direccte ! Elle-même sous la coupe du préfet et du ministère. La Direccte pourrait ainsi remplacer un procès au pénal contre l’employeur, engagé par les services de l’Inspection du travail, par une simple transaction !
  • Lors d’un procès, salariés et syndicats devront être obligatoirement représentés par un professionnel. Le but est évident, prendre un avocat coûte cher, et ce barrage par l’argent diminuera les contestations.

Mais le dimanche, quand les tribunaux sont fermés, que fait-on ?

Macron a tout prévu : le dimanche pas question de se plaindre, au turbin ! Les grandes surfaces seront ouvertes douze dimanches dans l’année, pour l’instant. Bien sûr, comme toujours pour commencer, avec une gratification financière et, sans ironie, au volontariat pour les salariés. Comme s’il pouvait y avoir volontariat avec tous les moyens de pression qui s’exercent sur les salariés ! Sans parler du niveau des salaires, qui en soi, et bien malgré nous, est un fort incitatif à faire des heures rémunérées davantage… Pour l’instant ! Car avec l’extension du travail du dimanche, le risque se trouve dans la banalisation de ce jour de repos, pour en faire un jour de travail comme un autre et, de ce fait, supprimer progressivement toutes les gratifications qui y sont rattachées.

Au-delà des douze dimanches, Macron veut étendre les « Puce », (Périmètre d’usage de consommation exceptionnel) jusque-là réservées aux zones touristiques, en créant des Zones touristiques internationales partout. Naturellement sans obligation de compensations financières.

En plus du dimanche, les commerces seraient autorisés dans ces zones à ouvrir jusque minuit sans aucune formalité, la période de nuit étant fixée pour ces zones entre 24 heures et 6 heures (au lieu de 21 heures à 6 heures). Trois millions et demi de travailleurs bossent de nuit, un million de plus qu’il y a douze ans !

Aujourd’hui, plus de six millions de salariés travaillent le dimanche, occasionnellement ou régulièrement. Et la part de ces salariés est passée de 20 à 30 % en vingt ans. Pourtant, le travail le dimanche se révèle n’être ni rentable, ni créateur d’emplois. Seulement, dans la concurrence capitaliste, il permet aux grandes chaînes commerciales d’étouffer le petit commerce. Pour beaucoup de travailleurs, une partie du travail du dimanche a une utilité sociale pour permettre la continuité des soins de santé, des transports, etc. Mais quand il s’agit de produire ou de vendre, si cela se fait le dimanche, c’est dans le seul intérêt des capitalistes.

La loi Macron cache encore bien des mesures en faveur des patrons, comme la libéralisation des professions liées au secteur juridique, l’ouverture des lignes nationales de transport en autocar, la privatisation d’aéroports (rentables naturellement)… On ne sait quelles seront les mesurettes alignées sur les 141 pages de la loi Macron que retiendra le gouvernement. Ni s’il en profitera pour céder encore plus sur les désirs du patronat qui tient à s’attaquer aux 35 heures, au CDI, et au smic. Une chose est certaine, il faudra être partie prenante des mobilisations qui commencent à s’organiser contre ce projet de loi.

10 janvier 2015, René SENS


Qui est Macron ?

Une jeune pousse sortie du sérail de l’ENA en 2004 et qui entre à l’Inspection des finances. Il en sort en 2008 pour devenir banquier d’affaires chez Rothschild & Cie, et intégrer l’Élysée en 2012. Son projet de loi est bien dans le fil de ses déclarations au journal Le Point le 25 août 2014, la veille de sa nomination comme ministre de l’Économie : « Nous pourrions autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d’accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunération. C’est déjà possible pour les entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas l’étendre à toutes les entreprises, à condition qu’il y ait un accord majoritaire avec les salariés ? »

Mots-clés :

Imprimer Imprimer cet article

Abonnez-vous à Convergences révolutionnaires !

Numéro 97 : janvier-février 2015

Mots-clés