Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Éditos de bulletins > 2013 > juillet > 15

Économies mortelles

Six morts et plusieurs dizaines de blessés, le bilan de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge en dit long sur la violence de l’accident. D’après une communication de la direction de la SNCF, une pièce de métal se serait désolidarisée du rail et serait venue se loger dans un aiguillage provoquant ainsi le déraillement du train.

Un tel dysfonctionnement, s’il était confirmé, exclurait d’emblée toute «  erreur humaine  », et plus encore tout acte de malveillance. Impossible alors pour les pouvoirs publics d’appliquer leur stratégie habituelle du « bouc émissaire ». Il ne se trouve guère qu’un dirigeant de la fédération CFDT pour évoquer un « acte de sabotage » ! Tous les cheminots qui travaillent sur cette ligne et les usagers qui l’empruntent chaque jour connaissent son état de délabrement et la vétusté du matériel qui y circule. Même Guillaume Pépy, président de la SNCF, après avoir tergiversé, a fini par reconnaître : « Je veux le dire avec la plus grande clarté, la SNCF se considère comme responsable ».

Cet accident est survenu sur une des douze lignes ferroviaires déclarées « malades » par la SNCF en 2011 et qui devaient faire l’objet d’investissements lourds dans les années qui viennent. Guillaume Pépy avait même annoncé à l’époque un « plan d’urgence » pour ces lignes. Mais les rames et le réseau ont en réalité été de moins en moins entretenus. Suppressions de postes, réorganisations incessantes et absurdes, allègement et espacement des tournées de sécurité, voilà la politique réelle de la direction de la SNCF sur cette ligne comme sur bien d’autres. Hollande, Ayrault et Pépy ont beau saluer l’engagement des cheminots qui se sont rendus sur les lieux de l’accident sur leur temps de repos, ils ne feront pas oublier que leur politique d’austérité peut avoir des conséquences dramatiques. La fédération CGT des cheminots, largement majoritaire à la SNCF, a refusé jusque-là de « se répandre ou polémiquer » et annonce prudemment « attendre les conclusions des enquêtes en cours ». Certes, il est sage de se garder de conclusions hâtives, et de ne pas reprendre sans précautions la version avancée par la direction de la SNCF moins de 24 heures après les faits. Mais que peut-on attendre des enquêtes officielles – l’une émanant du ministère des transports, l’autre de la justice et la dernière de la direction de la SNCF ? Car si c’était bien la vétusté du réseau ou du matériel qui était directement en cause, imagine-t-on l’État accuser sa propre politique d’austérité ? Et en attendant les conclusions des enquêtes, quel principe de précaution pour les cheminots et les usagers ?

Car les inquiétudes légitimes quant à la sécurité ferroviaire ne datent pas du dernier accident. En dix ans, 30 000 postes de cheminots ont été supprimés. Résultats : les accidents aux passages à niveau non aménagés ont encore causé 33 morts l’an passé ; 2012 a été une année noire pour les accidents mortels du travail à la SNCF et dans les entreprises sous-traitantes.

Pendant plusieurs dizaines d’années, le réseau classique, celui sur lequel circulent les trains Intercités, TER et RER a été délaissé, voire abandonné au profit des lignes à grande vitesse, mais surtout au plus grand profit de géants du BTP comme Vinci, Bouygues qui ont construit ces nouvelles lignes ou d’Alstom qui fabrique les rames TGV. Pendant que ces grands trusts se partagent ces juteux marchés, les voyageurs qui prennent le train tous les jours pour aller travailler subissent les retards, les suppressions dues aux avaries matérielles et aux incidents sur le réseau classique.

La sécurité ferroviaire est un choix politique. Réduire les risques impose des investissements et des embauches, soit exactement l’inverse de la politique d’austérité appliquée dans tous les services publics. Même après un tel drame, il ne faut pas compter sur une quelconque « prise de conscience » des pouvoirs publics, mais bien sur notre conscience collective, salariés ou usagers des services publics, de la nécessité de se battre pied à pied, tous ensemble, pour défendre notre travail et nos vies.

Imprimer Imprimer cet article