La révolution égyptienne ne désarme pas
1er juillet 2013 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Dimanche, le raz-de marée annoncé a bien eu lieu en Égypte. Les manifestants étaient plus de 500 000 sur la place Tahrir du Caire, des centaines de milliers à Alexandrie, seconde ville du pays, à Mahalla, ville de l’industrie textile qui a connu les plus grandes grèves de ces dernières années, à Port Saïd, etc.
Les opposants au président Morsi ont réclamé son départ et l’arrêt de la politique autoritaire des Frères musulmans, comme ils avaient exigé et obtenu le départ de Moubarak il y a deux ans et demi. Les affrontements avec les hommes de main du régime, appelés à contre-manifester, ont fait 6 morts ce dimanche, qui s’ajoutent aux 9 morts de la semaine précédente lors des manifestations dans diverses villes. Cela n’empêche pas les opposants au régime d’annoncer de nouvelles manifestations si Morsi ne démissionne pas dans les jours qui viennent.
Succès de la « Rébellion »
Depuis deux mois, un mouvement nommé Tamarrud (« rébellion ») a rassemblé des millions de signatures contre la politique du gouvernement. Un succès qui faisait suite aux grandes manifestations de décembre 2012 contre la nouvelle Constitution anti-démocratique imposée par le gouvernement Morsi.
Décidément, cette révolution égyptienne qui a renversé en février 2011 le dictateur Moubarak ne désarme pas. Et ce, malgré toutes les pressions non seulement des privilégiés d’Égypte, mais aussi des grandes puissances (USA en tête), qui ont tout tenté pour faire rentrer la contestation dans le rang. Le pouvoir a d’abord été confié directement à l’armée pendant plus d’un an, pour soi-disant assurer une « transition démocratique », puis soutien a été donné au président Morsi, élu en juin 2012 et présenté comme « islamiste modéré ». L’armée restant, en arrière plan, le véritable pouvoir du pays.
En deux ans et demi, rien n’a changé pour les masses pauvres. Si ce n’est en pire : une nouvelle loi d’interdiction des grèves, une Constitution favorisant l’arbitraire des instances religieuses, l’amnistie des anciens tenants de la dictature de Moubarak, les procès par les tribunaux militaires des manifestants, les emprisonnements à la pelle et même des condamnations à mort, qui avaient soulevé de nouvelles vagues de manifestations.
Le gouvernement des Frères musulmans s’est efforcé de mettre partout en place ses hommes ou ceux de ses alliés. Ce qui a suscité des protestations. Notamment lorsqu’il avait nommé gouverneur de la province de Louxor un ancien chef d’un groupe djihadiste qui avait commis des attentats dans la région. La colère des habitants avait imposé sa démission.
Les diktats du FMI, la duperie de l’armée
Parallèlement, le chômage s’est encore accru. Les prix ont fait un bon de 40 % en un an. Et les grandes puissances n’y sont pas pour rien : si le FMI vient de promettre 4,8 milliards de dollars d’aides à l’Égypte, c’est en y mettant comme condition la réduction de toutes les dépenses sociales, dans ce pays où tous les grands trusts mondiaux, de la métallurgie au textile, font de si bonnes affaires.
Un an à peine après l’élection de Morsi, une nouvelle tentative de duperie est déjà évoquée : le retour au pouvoir direct de l’armée, censée jouer l’arbitre entre partisans et opposants de Morsi, et surtout pour maintenir l’ordre contre les manifestants et les grévistes, comme elle l’a fait en assumant les pleins pouvoirs de février 2011 à juin 2012.
Mais c’est aujourd’hui la rue qui donne à nouveau de la voix, qui exprime le ras-le-bol du chômage, des coupures d’électricité, des pénuries d’eau, de carburant, en même temps que le ras-le-bol des arrestations, du mépris pour les femmes, de la poursuite en justice des journalistes jugés trop indépendants.
Et c’est bien une deuxième révolution qu’il faudra, politique mais aussi sociale cette fois-ci. Pas seulement pour faire déguerpir les dictateurs du moment, mais pour en finir avec la misère et les patrons qui l’entretiennent et en profitent.