Les damnées de la caisse lèvent la tête
4 février 2008 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Les salariés de la grande distribution ont largement suivi, vendredi dernier, un appel à la grève lancé par la CFDT, la CGT et FO pour dénoncer les conditions de salaire et d’emploi dans un secteur qui compte 636 000 salariés en France. Le taux de grévistes a été de 80% dans les hypermarchés, de 65% dans les supermarchés et de 50% dans la logistique (Erratum : [1]). Dans le Sud de la France par exemple, la mobilisation a été particulièrement suivie. Le Carrefour de Lingostière (Nice), le deuxième plus grand de France, n’a fait ce jour-là que « 3 500 euros de chiffres d’affaires contre 550 000 euros pour une journée normale », selon un syndicaliste. Pour les hyper et supermarchés, le succès de cette grève nationale est une première : « Je travaille ici depuis 23 ans, c’est la première fois que je vois une grève », explique un employé Carrefour de la Part-Dieu, à Lyon.
Céline, 26 ans, caissière au Carrefour du centre commercial de Bercy 2 à Paris, raconte : « La direction a essayé de nous intimider, ils vont noter les noms. Ils vont se venger d’une manière ou d’une autre, tout en restant dans la légalité bien sûr, ils connaissent les limites. » Cela n’a pas empêché les salariés de quitter vendredi les magasins pour aller tracter et défiler sur les parkings, avec en tête de file celles qu’on n’appelle plus les caissières, mais « attention, des hôtesses de caisse » , se marre Marion, 28 ans. « C’est plus chic, mais nos salaires ne sont pas plus élevés pour autant.
Avec 37 % de salariés à temps partiel (contre 18 % en moyenne en France), dont la quasi-totalité de femmes, la grande distribution est un des secteurs les plus friands de contrats au rabais. Selon la CGT, « 80 à 90 % des salariés à temps partiel dans ce secteur aimeraient passer à temps complet ». Un système, également, qui permet « aux employeurs de fractionner la présence des salariés en fonction de l’affluence des clients, précise la CFDT, les empêchant ainsi d’avoir un autre travail, car les horaires changent constamment d’une semaine sur l’autre ». On impose des temps partiels de 30 heures maximum, avec des amplitudes de travail démentes qui empêchent toute vie de famille. En caisse, « il peut arriver que nous commencions à 8h le matin et que nous terminions à 21h30, avec une coupure au milieu. » Et cela, sans compter le temps de transport. Ce qui fait des « temps partiels » avec 12 heures par jour bloqués hors de chez soi, avec des payes mensuelles moyennes ne dépassant pas 920 euros par mois, et pour celles qui sont payées au smic horaire, du 770 euros net, soit près de 50 euros de moins que le seuil de pauvreté.
Ce n’est pourtant pas l’argent qui manque pour augmenter les salaires. Robert Halley, premier actionnaire de Carrefour, est la dixième fortune de France et Gérard Mulliez, fondateur et propriétaire d’Auchan, la deuxième. Et en 2007 le « club des cinq » (Leclerc, Auchan, Carrefour, Système U et Casino) a reçu de l’Etat un jackpot de 240 millions d’euros d’exonérations fiscales.
La très forte mobilisation de nos copines caissières de vendredi dernier, fait chaud au cœur. Car chacune d’entre elles représente trop bien la condition ouvrière d’aujourd’hui : surexploitation, précarité, sous-salaires, mépris pour les mères de famille. D’une certaine façon, elles nous montrent l’exemple. Car leurs revendications, en particulier sur les salaires, ce sont celles de nous tous. De tous les secteurs de l’économie.
La baisse du pouvoir d’achat concerne l’ensemble des salariés. Alors qu’entre 2000 et 2007 le prix du litre de lait a connu une hausse de 183 % (de 0,20 à 0,56 euro) et celui des 5 kilos de pommes de terre un saut de 1 781 % (de 0,23 à 4,30 euros), les recettes miracles du président Sarkozy, autoproclamé « le président du pouvoir d’achat », se font attendre... N’attendons plus et organisons nous pour aller chercher l’argent là où il se trouve !
En mai 68, ce furent les étudiants qui déclenchèrent la mobilisation de tous les travailleurs. 40 ans après, ce pourrait être les caissières d’Auchan ou Carrefour. Patrons de la grande distribution… ou de la Société générale et d’ailleurs, gare à vous, gare à mai 2008 !
[1] Erratum : Il s’agit en fait du pourcentage d’établissements en grève et non de grévistes.
Réactions à cet article
1. Les damnées de la caisse lèvent la tête , 5 février 2008, 13:39, par Alex
Je pense malheureusement que le % de gréviste est confondu avec le % d’établisement en grève, non ?
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