Notre demi-finale et la leur
15 octobre 2007 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Sarkozy voulait isoler les cheminots. Les désigner comme des privilégiés, eux dont lesdits « régimes spéciaux » ne leur assurent en fait que des mini-retraites, inférieures en moyenne à 1 200 euros par mois (bon nombre n’atteignent même pas 900 euros !). A ce compte-là, nous sommes tous au régime spécial, celui des petites retraites et des petits salaires que ce gouvernement, à la suite des précédents, veut encore diminuer.
Seulement voilà. La démagogie de Sarkozy, ça ne marche pas vraiment auprès des travailleurs. Non, les cheminots ne sont pas seuls. Jeudi prochain, ils seront rejoints par les agents de la RATP, d’EDF et de GDF, mais aussi par les enseignants dont les retraites ont déjà été alignées sur celles du privé en 2003. Ce n’est pas tout. Les syndicats de certains sites d’entreprises privées (de l’Automobile et de certains transports privés par exemple) appellent également à la grève pour le 18.
Eh oui, il y a comme un petit air de 1995 qui pourrait se préparer. Tout le monde du travail pourrait bien se sentir solidaire des prétendus « spéciaux »… en attendant de se rejoindre dans la riposte. Au point que l’inquiétude commence à gagner le gouvernement qui s’attend à une « semaine difficile » a dit Fillon.
Tout le monde s’attend à ce que la grève du 18 octobre soit un succès et une déconvenue pour Fillon et Sarkozy… qui ont d’ailleurs commencé à faire la même tête que Bernard Laporte samedi dernier dans les tribunes du stade de France, lors de la demi-finale de rugby.
Seulement, ce n’est pas un simple match sportif qui se prépare. C’est une épreuve de force réelle, sur le terrain de la lutte de classe. Et les règles du jeu sont totalement différentes. La stratégie de Sarkozy, c’est de diviser les salariés pour mieux battre les uns après les autres : un, les cheminots ; deux, les enseignants ; trois, les salariés du privé. Et pour enrober toutes les attaques, pour masquer la charge, il y a la mousse de « l’ouverture » politique et du « dialogue avec les partenaires sociaux ».
L’ouverture politique, on voit ce que ça donne : on tape dans le dos à Fadela Amara et on lui laisse dire gentiment « dégueulasse » à un projet de loi ignoble, tout en lui faisant cautionner toute l’ignominie du reste de la loi anti-immigrés. Le « dialogue social », c’est la main tendue aux dirigeants syndicaux pour qu’ils accompagnent les « réformes » anti-ouvrières, en bougonnant s’ils le veulent, mais sans plus. C’est ainsi que le ministre du travail, Xavier Bertrand, a déclaré aux syndicats à l’approche de la grève du 18 : « Cette réforme se fera. On peut en discuter les termes mais elle se fera. ». Mais quelle que soit l’attitude des dirigeants syndicaux, avec ou sans eux, c’est aux travailleurs d’opposer leur stratégie à celle du gouvernement.
Le gouvernement veut nous diviser ? A nous de montrer et de manifester notre solidarité. A nous de ne pas nous contenter de telle ou telle revendication de corporation, mais de mettre en avant tout ce qui nous unit : la lutte pour les retraites, les salaires et l’emploi.
Le gouvernement veut acculer telle ou telle catégorie de travailleurs à une lutte isolée, perdue d’avance, dont l’échec pèsera sur le moral du reste des travailleurs ? A nous de préparer un véritable mouvement d’ensemble. Le seul qui puisse faire échec au gouvernement et le ridiculiser. A nous de rassembler nos forces pour une demi-finale où la rue affichera ses revendications communes, et surtout une finale où mieux qu’en 1995, tous les salariés, du public comme du privé, passeront à l’offensive et feront durablement changer l’inquiétude de camp.
Si la grève se prépare activement à la SNCF, la riposte d’ensemble doit se préparer également dans les autres secteurs avec les mêmes revendications : la seule véritable équité qui est de ramener tous les régimes de retraites à 37,5 annuités pour tous, ne sera possible qu’en imposant l’embauche massive dans tous les secteurs, un salaire minimum à 1 500 € nets et une augmentation générale des salaires de 300€ mensuels.
Préparons-nous, tous ensemble, le 18 et après, à infliger à ce gouvernement la défaite qu’il mérite.