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Contrôler, oui, mais réellement.

3 novembre 2006

De débats à huis clos en débats télévisés, les trois candidats à l’investiture présidentielle du Parti socialiste n’en finissent pas de chercher à se distinguer les uns des autres. Fabius a promis 100 euros brut d’augmentation du Smic. Ce n’est pas grand-chose, même si c’est toujours bon à prendre. Mais gageons qu’il faudra lui rappeler vigoureusement cette promesse s’il est élu ! De son côté, Strauss-Kahn prétend qu’il veut lutter contre la hausse de l’immobilier... en construisant des villes à la campagne. Quand Alphonse Allais a lancé l’idée en son temps, c’était pour faire rire. Strauss-Kahn, lui, voudrait qu’on le prenne au sérieux... C’est finalement la proposition de Ségolène Royal de mettre en place des « jurys citoyens » pour contrôler l’action des hommes politiques qui a fait le plus grand bruit.

Ses concurrents du Parti socialiste l’accusent tout bonnement « d’épouser une forme de populisme » (Fabius) ou du « risque de créer un désordre » (Strauss-Kahn). Le pompon du ridicule a été décroché par les politiciens de droite qui n’ont pas hésité à évoquer Mao, Lénine ou Pol Pot ! Le ministre du budget, Jean-François Copé, a même fait mine de s’inquiéter qu’on mettrait les têtes au bout des piques.

La timide et anodine proposition de Ségolène Royal n’en méritait pourtant pas tant. De quoi s’agit-il en réalité ? Il est bien difficile de le savoir tant les propos de la candidate sont flous et ambigus. Il s’agirait de tirer au sort à partir de « listes de résidents » des groupes de quelques dizaines de personnes chargés d’apporter leur « savoir d’usage » sur les politiques publiques. Sur quelles bases, avec quel pouvoir, avec quel budget ? Mystère.

Cette proposition s’inscrit dans le cadre de la campagne de l’ex-ministre socialiste, un gadget de plus pour tenter de séduire l’électorat. Elle a déjà flatté les sentiments dits « sécuritaires » censés être largement partagés en proposant d’encadrer une partie des jeunes par l’armée. La voilà qui récidive en se posant comme la moraliste d’un monde politique supposé être corrompu. Mais évidemment, ces « jurys citoyens », si même ils se mettent en place un jour, seront bien en peine de contrôler quoi que ce soit. Tout au plus pourront-ils émettre un avis ou, peut-être, avoir une part de décision dans la gestion de petits budgets d’intérêt local.

Pourtant le problème du contrôle existe bel et bien. Sur les hommes politiques bien sûr. Aujourd’hui ils sont inamovibles sitôt élus. Et quand, rarement, ils prennent des engagements en faveur des classes populaires, ils s’empressent de les renier en toute impunité.. Il est bien connu que dans le monde politique de la bourgeoisie « les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient ». Ce serait une manifestation élémentaire de démocratie que des élus qui ne satisfassent pas leurs électeurs puissent être révoqués et remplacés à tout moment. Mais de cela Ségolène Royal se garde bien de parler, car ce n’est certainement pas ce qu’elle veut.

Mais le problème du contrôle se pose en réalité également à un tout autre niveau. Quand Peugeot-Citroën, annonce la suppression de 10000 emplois, fermant des usines et poussant des travailleurs vers le chômage et la misère, la décision est prise dans le secret du conseil d’administration, en se souciant seulement d’augmenter les profits des actionnaires et en se moquant éperdument des intérêts de la population. Même chose pour Total, responsable de la catastrophe d’AZF à Toulouse. Même chose pour le Crédit Lyonnais qui renflouait à coups de milliards un Bernard Tapie tout en accumulant comme toutes les banques les agios sur les malheureux découverts des salariés. Même chose pour tous ces licencieurs qui ne pensent qu’aux juteux dividendes des actionnaires.

Oui, il faudrait soumettre les banques et les entreprises au contrôle de la population, c’est une nécessité vitale. Il faut contrôler leurs profits, savoir d’où vient l’argent et où il va. Ce serait le seul moyen d’imposer que les profits toujours plus considérables d’aujourd’hui servent à l’intérêt général et d’empêcher que les industriels et les banquiers ne ruinent des régions entières et condamnent à la misère des fractions croissantes de travailleurs. Car l’activité des entreprises est le résultat du travail de l’ensemble de ses salariés ; les décisions qu’elles prennent concernent souvent toute une région et tous ses habitants. Ce n’est pas une affaire privée. C’est là qu’il faut imposer le contrôle : sur les comptes des entreprises, sur les actionnaires et leur fortune et sur les conseils d’administration des grands groupes.

Et ce contrôle-là, le gadget de prétendus jurys « tirés au sort »ne peut le mettre en pratique. Les travailleurs, sur leurs lieux de travail, où toutes les compétences sont représentées (des ouvriers de production aux experts comptables) sont les mieux à même de l’exercer, pour peu qu’ils le veuillent, se mobilisent et s’organisent pour cela. Et ce serait bien le moins, eux qui sont aujourd’hui contrôlés de toutes parts, par leur patron, leur banque et l’administration étatique.

Mais ce contrôle-là, le seul efficace, il ne faut pas compter sur le Parti socialiste pour l’obtenir. Il nous faudra l’imposer par nos luttes et une mobilisation d’envergure.

Michel Grandry

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