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Au tour social, maintenant !

18 juin 2002

39 % d’abstentions pour ce second tour des législatives. Les grands vainqueurs, à droite, de ce scrutin de l’indifférence, n’ont pas franchement de quoi pavoiser. Leurs ennuis, espérons-le, ne vont que commencer. Ce que Jean-Pierre Raffarin a d’ailleurs reconnu. C’est dire ! Car ce « peuple d’en bas » dont se gargarise le premier ministre de Chirac, pourrait bien réserver dans pas si longtemps une autre surprise que le taux record d’abstentions. Quelque chose comme un nouveau mai 68, qui ferait passer la politique de l’isoloir à la rue et aux entreprises, et permettrait aux travailleurs de mettre sur le tapis les choses sérieuses.

La gauche gouvernementale, quant à elle, encaisse, avec ou sans larmes, sa dégelée méritée. Quand on mène au gouvernement la politique de la droite, il faut bien que ça se paie. Mais si Martine Aubry pleure pendant que Jospin s’est retiré sous sa tente, ce n’est pas pour regretter la politique anti-ouvrière qu’ils ont menée pendant cinq ans. C’est pour laisser dire par leurs amis que, franchement, le peuple d’en bas a été ingrat ! Car ces gens-là, dès qu’ils se retrouvent au pouvoir, adoptent une mentalité de dames patronnesses. Ils subventionnent à coups de milliards les riches et les puissants, font semblant de verser leur obole aux pauvres et aux salariés (comme ces 35 heures qui ont institutionnalisé le blocage des salaires, la flexibilité, la précarité, l’intensification du travail et les sous-smic, sans contraindre ni l’Etat ni le patronat privé à créer effectivement des emplois) et s’étonnent ensuite que les travailleurs ne leur aient pas dit merci et ne soient pas allés voter comme on leur a dit.

Les dirigeants du PCF eux aussi ont des regrets. C’est qu’ils ont payé encore plus cher que les socialistes leur politique au gouvernement. Marie-George Buffet s’aperçoit soudain que son parti ne s’intéressait plus assez… à la classe ouvrière. Quel aveu ! Mais il n’est question pour elle que de changer de langage, pas de politique.

Les travailleurs, eux, n’ont pas de regrets à avoir. De toute façon, majorité de droite ou de gauche, il n’y avait rien à attendre du nouveau gouvernement, sinon des coups supplémentaires en préparation. La force du monde du travail n’est jamais venue des isoloirs, même si le thermomètre électoral peut mesurer son degré de mécontentement.

Non, il n’y a rien à regretter. Mais il y a tout à préparer : à commencer par la mobilisation d’ensemble des travailleurs, dans la rue comme dans les entreprises, pour qu’enfin ce soit le monde du travail qui commande au patronat et non l’inverse. Pour montrer que les 3 millions d’électeurs qui ont porté leurs suffrages sur l’extrême gauche au premier tour des présidentielles ne manifestaient pas seulement un simple mouvement d’humeur, mais la volonté d’être eux-mêmes les acteurs de leur propre politique au lendemain des élections.

Les responsabilités de l’extrême gauche

Evidemment pour un mouvement d’ensemble il faudra la participation de l’énorme majorité des militants politiques et syndicaux de toutes tendances, PCF bien sûr mais aussi PS, CGT, FO, CFDT, SUD… Mais cela ne veut certainement pas dire que l’extrême gauche n’aurait qu’à soit attendre passivement que cette lutte se déclenche soit même se contenter d’implorer ce mouvement ouvrier, ou telle ou telle de ses composantes, de bien vouloir prendre l’initiative.

La tâche de LO et de la LCR, et d’autres qui voudraient bien s’y joindre, est d’impulser, c’est-à-dire de faire pression sur les organisations, pousser en avant celles qui sont susceptibles de bouger, en appeler aux militants de celles qui n’en ont aucunement l’intention. C’est-à-dire de leur faire des propositions d’un plan d’action pour une contre-offensive sur les retraites, les licenciements, les salaires en prenant elles-mêmes l’initiative.

Le premier tour des présidentielles a mis en lumière que l’extrême gauche, et plus spécialement LO plus la LCR, pouvait acquérir, au moins en certaines occasions, un poids non négligeable. A condition de croire en elle-même, ce dont les campagnes tant d’Olivier Besancenot que d’Arlette Laguiller étaient l’illustration, défense d’un programme correspondant aux intérêts du monde du travail, en rupture avec tous les ennemis comme les faux amis de celui-ci.

Certes les résultats du premier tour des législatives ont paru infirmer ceux du 21 avril. Et nous pouvons compter sur nos ennemis pour souligner notre faiblesse, qui est cependant en bonne partie le résultat de ce que LO comme la LCR, après leur succès aux présidentielles, ont bizarrement fait la démonstration qu’elles n’avaient confiance ni en l’extrême gauche en général ni même en chacune d’elles, la première en se repliant sur elle-même, la seconde en se ralliant à un vote pour Chirac. Toutes deux donc, chacune à leur manière, en se refusant à prendre en compte le fait que 3 millions d’électeurs venaient de mettre quelque espoir dans l’extrême gauche.

Les élections sont passées. C’est sur le terrain de la lutte de classe que l’extrême gauche a à jouer son rôle et sera jugée par les travailleurs. A juste titre. Et c’est là qu’elle a à montrer qu’elle a confiance dans les perspectives qu’elle offre, sans forfanterie mais sans non plus une modestie excessive qui reviendrait à un renoncement. Car personne ne peut croire, comme les électeurs nous l’ont dit le 9 juin, et surtout pas les travailleurs, en des organisations qui ne croient pas en elles-mêmes.

Huguette CHEVIREAU

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