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Referendum : en un combat douteux...

26 mai 2005

Dans quelques jours, le referendum. Les couteaux sont tirés. Cohn-Bendit confie à une radio allemande que la France vit aujourd’hui un véritable « climat de guerre civile verbale »  !

La nervosité gagne tous les camps, tant l’enjeu est grand. Pensez donc ! Hollande restera-t-il chef du PS ? Chirac recevra-t-il une nouvelle gifle électorale ? Fabius redeviendra-t-il présidentiable ? Jospin réussira-t-il son come-back ? Buffet renflouera-t-elle le PCF ? Qui de Le Pen ou de Villiers sera le champion de l’extrême droite en 2007 ?

Pourtant, le patronat, lui, reste calme. Les sondages indiquent une flambée du Non ? Les marchés financiers, si chatouilleux d’ordinaire, ne montrent aucun tressaillement.

C’est que le Parti socialiste dit vrai pour une fois, quand il affirme sur l’une de ses affiches que « le libéralisme n’a pas besoin d’une constitution ». Les patrons n’en ont nul besoin pour licencier, de même que ni la droite, ni la gauche n’en ont eu besoin pour privatiser et casser les services publics ! Et puis une constitution, c’est fait pour s’asseoir dessus, comme cette constitution française de 1958 qui affirme le « droit au travail », dans un pays qui connaît trois millions de chômeurs.

Qu’est-ce que les travailleurs pourraient alors espérer de ce referendum, dont les patrons, eux, n’ont rien à craindre ? La victoire du Oui qui rendrait le sourire à Hollande et Chirac ? Perspective peu réjouissante. Mais la victoire du Non ? Chacun s’en doute, cette troisième gifle électorale en un an ne forcera Chirac ni à geler ni à infléchir sa politique.

Reste l’idée, chère à presque toute l’extrême-gauche, que ce serait un encouragement pour le monde du travail, pour ses militants, pour les luttes. Un pari bien hasardeux ! Certes, on peut toujours se féliciter que le referendum ait suscité le débat politique dans une fraction non négligeable des travailleurs. On peut aussi se dire qu’en votant Non, beaucoup vont chercher avant tout à exprimer leur mécontentement contre la politique du gouvernement, qui plus est en désavouant la position de la plupart des « éléphants » du PS. Qu’il vaut donc la peine, pour des révolutionnaires, d’être solidaires de ce geste.

Sauf que dans cette campagne, pas seulement dans les medias, dans les usines et les bureaux aussi, on a plus entendu parler des Turcs, des Chinois, des Polonais, que des patrons français. On s’est plus souvent interrogé sur la nécessité de fermer les frontières que sur celle d’interdire les licenciements ou taxer le capital. On a plus souvent dénoncé, comme une menace sur l’emploi, les bas salaires des travailleurs étrangers que les profits des patrons bien de chez nous.

On voit certes s’exprimer le mécontentement, mais mélangé aussi à de la méfiance et de la peur. Des sentiments compréhensibles, puisque le capitalisme soumet sans cesse les travailleurs à l’insécurité de l’emploi ou des salaires. Mais des sentiments qui ont pour effet d’exacerber la concurrence des travailleurs les uns contre les autres. La peur des délocalisations, des fermetures d’usines, des importations étrangères, à défaut de faire les affaires d’un Chirac, fait tout à fait celles du patronat et sert son chantage à l’emploi.

Il en serait allé tout autrement si les journées de mobilisation du début de l’année, qui ont culminé le 10 mars, s’étaient prolongées et amplifiées, si les lycéens avaient entraîné leurs profs, ou d’autres, pour faire capoter la loi Fillon, si l’énorme majorité des travailleurs avaient refusé et ridiculisé le jour de corvée de la Pentecôte, si la grève des raffineries de Total avait fait tâche d’huile. Mais le referendum justement a servi de prétexte et contribué à faire obstacle à tous ces développements. Faute de ceux-là, la victoire du Non, si elle a bien lieu dimanche, apparaîtra assez vite, non comme un coup d’éclat « anti-capitaliste » mais pour ce qu’elle est réellement : ambiguë, faite du ras-le-bol des salariés, mais aussi de la xénophobie de l’extrême droite et de la tromperie d’un Fabius. Chirac pourra rebondir en balançant Raffarin et en annonçant, pourquoi pas, « plus de sécurité à nos frontières »... contre les immigrés ou les chemises chinoises. Et une partie du mouvement ouvrier ira placer ses espoirs en 2007 et dans une gauche... plus à gauche, c’est-à-dire - paradoxe ! - fabiusienne.

Il est donc regrettable qu’à peu près toute l’extrême-gauche se soit embarquée dans cette galère, chaque organisation certes avec son style propre. La LCR, en ne craignant pas sous prétexte de « dynamique unitaire », de donner sa caution à de vieux chevaux sur le retour du PS ou du PCF. Le PT, en présentant ouvertement le vieux cadre national comme l’indispensable rempart contre les nouvelles attaques du capitalisme. Notre propre organisation, Lutte Ouvrière, en faisant certes une campagne plus discrète, mais qui n’en aboutit pas moins à gonfler l’importance du Non et celle d’une constitution dont on nous dit pourtant par ailleurs qu’elle n’apporte ni n’enlève rien.

Aucune des « grandes » organisations d’extrême gauche, ni les plus petites d’ailleurs, à quelques rares exceptions dont la Fraction, n’a dénoncé à l’avance la duperie et le dérivatif qu’est ce referendum. Plutôt que de gonfler l’importance d’une victoire éventuelle du Non, n’aurait-il pas mieux valu consacrer cette campagne à souligner que la seule chose qui importe c’est que les travailleurs - qu’ils se saisissent du scrutin de dimanche pour dire Non à Chirac, qu’ils préfèrent s’abstenir de jouer à ce jeu truqué d’avance, ou que certains se rabattent sur le Oui, en espérant ainsi se prononcer pour l’abolition des frontières - se préparent à se mobiliser tous ensemble et faire converger les luttes pour mettre un coup d’arrêt aux attaques du patronat contre la classe ouvrière et renverser enfin le rapport de force ?

Bernard RUDELLI

Réactions à cet article

  • Je suis complétement d’accord avec votre façon de voir sur le referendum. Je pense que l’extrème gauche a raté une bonne occasion de combattre le poison nationaliste au sein de la classe ouvrière et d’y défendre une vrai position socialiste c’est à dire internationaliste. ET d’expliquer que si le capitalisme est obligé de s’organiser à l’échelle européenne, il est urgent que les ouvriers s’organisent à la même échelle pour le combattre, et même à l’échelle internationale. Je trouve cela regrettable. Je peux témoigner du climat que vous décrivez dans les boites ( plus peur des autres travailleurs, en particulier de l’est)=. Le non ouvrier hormis celui des miltants les plus conscients sera un vote de repli.Je m’abstiendrai dimanche. Fraternellement, un ancien camarade de LO.

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  • on pourra malheureusement répéter tous ces bons arguments contre la majorité d’extrême gauche allemande qui court derrière Lafontaine et Gysi pour un « nouveau » parti des anciens socialdémocrates et bureaucrates syndicaux qui ont formé le WASG. S’il aura même 18% comme le raconte aujourd hui le plus grand journal berlinois le BZ, ou comme le commente assez intéressé le fameux journal « Bild » qui a consacré en un seul jour 3 longs articles à Lafontaine et ses nouvelles ambitions etses anciennes quérelles avec son concurrent Schröder ...

    un lecteur de berlin

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