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Sécu santé : Tous ensemble pour le remboursement à 100 % des dettes patronales

14 mai 2004 Politique

La claque infligée à Chirac et Raffarin à l’élection régionale de mars dernier ne les a pas fait renoncer à leur prétendue « réforme » de la sécurité sociale. Une élection n’a pas ce pouvoir. C’était certes pour eux un avertissement sévère, mais pas vraiment une menace. D’autant moins que le Parti socialiste, principal vainqueur du scrutin, s’est empressé de signifier qu’il ne fera rien qu’attendre l’élection de 2007. D’autant moins que les centrales syndicales, y compris de la CGT, après avoir été parties prenantes du Haut conseil de l’assurance maladie mis en place à l’automne dernier par Raffarin et Mattei, continuent de participer à toutes les discussions sur la « réforme » et la future « gouvernance » de la Sécurité sociale.

Le successeur de Mattei, Douste-Blazy, a reçu successivement tous les syndicats le 7 mai dernier. Un premier projet gouvernemental devrait sortir à la fin mai. Les aspects qui fâchent, mesures concrètes de réduction des dépenses et remboursements ou augmentations des cotisations, pourraient n’être précisées qu’à la mi-juin, une fois passée l’élection aux européennes. Après dernières concertations avec les « partenaires sociaux », le dossier serait bouclé en juin. Il viendrait au parlement en juillet : ce beau monde attend que les travailleurs soient au plus bas de leurs possibilités de mobilisation. Et l’affaire serait dans le sac.

Sauf que le scénario pourrait bégayer. Les directions syndicales, pourtant acquises à la prétendue nécessité d’une réforme qu’elles proposent seulement de rendre « plus juste », et pourtant scotchées à toutes les négociations sur la nouvelle « gouvernance », commencent à rechigner. La direction de la CGT, dont une partie de la base militante est mécontente de l’orientation prise par la confédération, propose aux autres centrales une journée d’action syndicale début juin. Conçue probablement comme un baroud d’honneur, bien « carré », avec un début et surtout une fin. Mais qui sait ?

Hollande-Raffarin, un accord sur le fond

Le Parti socialiste se contente, depuis des mois, face aux projets du gouvernement, d’afficher une posture critique. Ses fameuses « contre-propositions » qu’il promettait d’opposer pied à pied à celles du gouvernement (et dont Le Monde vient de donner quelques pistes en avant-première), consistent à doubler la contribution sociale, toute symbolique, sur les bénéfices : elle rapporterait alors 1,5 milliard d’euros contre la moitié actuellement. Mais pas question de supprimer les dégrèvements de charges patronales qui coûtent à la Sécu 19 milliards. Côté dépenses, elles consistent à réduire en trois ans de 20 % les dépenses de médicaments par habitant. Ce qui ressemble comme une goutte d’eau à la guerre à la « surconsommation » affichée par le gouvernement.

Rien d’étonnant.

« Le PS a toujours eu une attitude responsable », a déclaré le 8 avril, peu après les élections régionales, Jean-Marie Le Guen, député socialiste, en charge au PS du projet sur la Sécurité sociale. « Nous avons approuvé le rapport Couanau sur la gouvernance de l’hôpital. J’ai été un des principaux animateurs de la rédaction du rapport du Haut Conseil. Au regard de la situation que je viens de décrire, et de la responsabilité morale que nous donne le résultat des élections, nous souhaitons plus que jamais ne pas limiter notre action à une posture critique, voire à jeter de l’huile sur le feu ».

De « responsabilité morale », le PS en a vis-à-vis de la bourgeoisie, mais pas la moindre vis-à-vis des travailleurs qui ont voté pour lui.

Le rapport parlementaire de mars 2003 que le PS se flatte d’avoir approuvé est celui de la commission présidée par le député UMP Couanau et à laquelle participait Evin, l’ancien ministre socialiste de la Santé. Il s’en prenait notamment aux 35 heures à l’hôpital, qui « diminuent considérablement les marges de manœuvre en cas d’imprévu » et « signent […] un fossé entre deux générations, celle qui n’a jamais compté son temps et la suivante », ou vantait les mérites d’une « tarification à l’acte », devant permettre de réduire les crédits accordés aux hôpitaux et supprimer les services jugés insuffisamment rentables. A noter que ce rapport a servi, entre autres, de base au plan Hôpital 2007 de réorganisation hospitalière, initié par Mattei.

Quant à ce Haut conseil de l’assurance maladie au sein duquel Le Guen représentait donc le PS, il a été mis en place pour dépister les prétendues dépenses inutiles, redondances de services hospitaliers, surconsommations médicales et absences de responsabilités qui auraient creusé l’ulcère budgétaire de la Sécu. Se félicitant, en janvier dernier, du diagnostic « utile » et « équilibré » que venait d’élaborer ledit Haut conseil, le responsable socialiste ne s’opposait pas non plus aux projets de Raffarin, au nombre desquels l’augmentation du ticket modérateur pour inciter les malades à moins dépenser. Pourvu qu’on épargne les malades aux revenus les plus bas. « Sous ces conditions, je ne suis pas contre l’idée d’un recul du remboursement si on avance sur les protocoles de soins, le dossier médical », expliquait-il. « Le droit à la santé n’est pas un droit de tirage... ». Raffarin lui aussi, promet d’exonérer les bas revenus de la franchise sur les feuilles de soin qu’il préconise !

Le PS se montre aujourd’hui responsable, jusque dans l’approbation même du calendrier du gouvernement  : « L’objectif est de déboucher sur des propositions avant l’été », vient d’affirmer Le Guen.

Le mythe d’une « réforme de progrès »

Du côté des autres formations de gauche et des syndicats, presque tous les états-majors en sont à affirmer la nécessité d’une réforme. A les en croire, il s’agirait seulement de la rendre plus « juste ». Une façon de minimiser l’attaque au lieu d’appeler à la contrer.

« Oui il faut une réforme de grande ampleur… Au vu de ce qui se dit aujourd’hui, regrettons que le précédent gouvernement n’ait pas osé affronter ces enjeux, dans une toute autre perspective que celle retenue par la Droite et le Medef… », pouvait-on lire en janvier dans un tract du Parti communiste, reprenant une intervention au parlement du président du groupe communiste Alain Bocquet. Mais si le gouvernement Jospin, auquel le PCF participait, avait « osé » quelque chose, c’eût été quoi ? Du bon pour les travailleurs ? La gauche n’a-t-elle pas inventé le forfait hospitalier à la charge du malade, créé la CSG, le tout au nom du colmatage du déficit ? Et quand le PC propose un « grand débat public » sur les solutions à apporter à la crise de l’assurance maladie, il fait chorus avec ceux qui prétendent qu’il y aurait une crise des dépenses de santé.

Certes, le ton adopté par le PCF depuis deux mois avec la décision de créer des comités « Touche pas à ma sécu » est devenu plus accrocheur (l’échéance de l’élection européenne n’y est certainement pas étrangère). Ses derniers tracts revendiquent même la suppression des exonérations patronales (y compris celles instaurées par le gouvernement de gauche ? On présume…), voire de supprimer la CSG. Mais comment, avec qui, par quels moyens ? Dans les entreprises et dans la rue plutôt qu’au parlement ? Selon quel échéancier de mobilisation et de lutte ? Mystère là-dessus. En revanche, beaucoup de débats courtois, en compagnie de socialistes dits « de gauche » ou de responsables du mouvement ATTAC – dont bon nombre sont au PC – sur les « solutions alternatives » à la prétendue crise de la Sécurité sociale. Cette mouvance politique avance une longue liste de contre-propositions économiques visant grosso modo à taxer le capital. Mais comment et par quels moyens y parvenir ? Elle ne propose pas aux travailleurs d’intervenir en utilisant leurs moyens propres, sur leur terrain de classe.

Le PCF prétend avoir trouvé une solution novatrice dans une réforme des cotisations patronales telle « que les entreprises qui créent des emplois, augmentent les salaires, cotisent moins que celles qui délocalisent et développent la précarité, en taxant les revenus financiers des entreprises et des banques ». L’appel lancé sous forme de pétition par la fondation Copernic propose une « modulation des taux de cotisations patronales » selon laquelle les entreprises « qui licencient et compriment les salaires » se verraient appliquer un taux élevé, celles qui « développent l’emploi, les salaires et la formation » un taux réduit.

Il est significatif que lorsque le PC parle de faire payer les patrons, c’est tout de suite pour leur proposer une ristourne ! Mais qui décidera du distinguo entre bons capitalistes, qui investissent dans la production et en France en priorité, et mauvais qui spéculent ? Qui ira pister les « délocaliseurs », taxer en particulier le groupe Peugeot sur les super-bénéfices qu’il projette par les bas salaires dans l’usine qu’il construit en Slovaquie, et ramener dans les caisses de notre Sécurité sociale nationale un petit pourcentage des profits réalisés sur le dos des ouvriers slovaques ? Car il ne faut pas oublier que ce que l’on appelle la part patronale des cotisations sociales n’est qu’une forme de salaire différé. Une part du coût de la main-d’œuvre que le patronat aujourd’hui cherche à réduire au maximum, en s’attaquant à la Sécurité sociale après s’être attaqué aux retraites. Comme il s’efforce par tous les moyens de réduire aussi les salaires directs.

Et qui imposera ces nouvelles règles de taxation innovantes ? Le « groupe de suivi » parlementaire, formé de députés et sénateurs communistes, verts, voire socialistes (de gauche), que la fondation Copernic s’efforce de réunir pour élaborer un contre-projet de loi à présenter en juillet, et que le parlement largement de droite balaiera d’un revers de main ? Ou après 2007, une fois les mauvais coups entérinés, avec une future majorité de gauche et un gouvernement Fabius ou Strauss-Kahn où le PCF aurait quelques strapontins ? Il ne faudrait pas oublier qu’au gouvernement, cette gauche n’a eu de cesse, comme la droite, d’alléger les charges patronales au nom de la défense de l’emploi.

Un trou, quel trou ?

Le trou de la Sécu dont on nous parle, soit 10 milliards d’euros en 2003, et peut-être 14 milliards en 2004, selon Douste-Blazy, contre 75 milliards de déficit du budget de l’Etat, n’est pas si grand. Il n’est pas le résultat d’une surconsommation médicale ou d’un manque de cotisations, qui rendraient les caisses déficitaires. Il est le seul résultat du pillage des caisses au profit du patronat. D’une multitude de façons. Régression générale des salaires sur lesquels sont prélevées les cotisations sociales, régression et précarisation de l’emploi qui engendrent un cruel manque à gagner pour les caisses sociales, exonérations de charges sociales du patronat (19 milliards d’euros), manipulations comptables de l’Etat au détriment de la Sécu et pour arroser le patronat (4 milliards, en particulier pour les dégrever des 35 heures), cotisations impayées par le patronat (2 milliards d’euros), sans parler de l’augmentation plus lente du taux de cotisations patronales (30 % entre 1967 et 2003) comparé au taux de cotisations salariales (79 % sur la même période), de telle sorte que le simple rattrapage apporterait aux caisses de la Sécu 20 milliards d’euros, soit le double du prétendu trou.

Sans oublier les bénéfices des trusts pharmaceutiques qui pratiquent des marges énormes.

Trop de dépenses de santé ? Mais le projet gouvernemental et patronal n’est nullement de les réduire, car lesdites dépenses sont faites pour les plus grands profits des patrons et actionnaires de l’industrie pharmaceutique et de matériels de santé. Il s’agit seulement d’en faire payer une plus large part aux travailleurs. Du moins ceux qui en trouveront les moyens. De même qu’en réduisant les moyens de l’hôpital public, on favorise surtout le développement des cliniques privées, quand on n’introduit pas des secteurs privés au sein même de l’hôpital public, bénéficiant de ses infrastructures.

C’est le coût de la force de travail que l’on baisse ainsi, et les bénéfices du secteur privé que l’on gonfle. Voilà le vrai but de la « réforme ».

Nouvelle « gouvernance » et recherche du consensus syndical

Pour associer le monde politique et syndical aux attaques qu’il prépare contre les assurés sociaux, le gouvernement veut modifier les organismes de gestions qui chapeautent les caisses de Sécurité sociale et faire assumer aux nouveaux organismes de « pilotage » des caisses, les régressions envisagées. Voilà qui lui assurerait de n’être pas seul à se salir les mains et de ne pas avoir à prendre l’ensemble des mesures anti-ouvrières en un seul paquet. Il y aura des déremboursements, a déclaré Raffarin, mais c’est une haute autorité scientifique qu’il compte mettre en place, à la demande des syndicats et des mutuelles paraît-il, qui aurait la charge de les faire avaler.

Ces nouveaux organismes de cogestion des caisses devraient permettre, dans les années à venir, de continuer à ajuster, bien plus en fonction des intérêts du patronat et des assurances privées que des salariés, les restrictions budgétaires, le partage entre l’assurance obligatoire, les complémentaires et sur-complémentaires, ainsi que le choix des dépenses faites avec l’énorme budget qu’est celui de la Sécurité sociale, en bénéficiant de la complicité des « partenaires sociaux ».

Cette nouvelle « gouvernance » est donc le maître mot de la réforme… ou plutôt l’écran de fumée derrière lequel se préparent les mesures concrètes contre les travailleurs. Elle a fait l’objet de la plus grande partie des négociations entre Mattei puis Douste-Blazy d’une part, les syndicats de l’autre, car elle est aussi l’appât destiné à les faire mordre à l’hameçon.

Et d’évoquer la Libération. Dès qu’ils parlent de réformer la Sécu, politiciens de droite comme de gauche jurent fidélité à l’esprit de 1945, c’est-à-dire un temps fort de la collaboration de classe, sous le gouvernement d’union nationale présidée par De Gaulle. En confiant la gestion des caisses aux représentants de « ceux qui la financent », syndicats et patrons (comme si la cotisation patronale n’était pas aussi une part des salaires), l’Etat se défaussait sur eux, et en premier lieu sur les syndicats, de la responsabilité des choix à faire vis-à-vis des salariés. Mais l’Etat gardait le contrôle des principales décisions et du budget, ainsi que de la nomination des principaux directeurs.

Grâce à l’élection par les salariés de leurs représentants, la CGT, très largement majoritaire à l’époque, a présidé pendant les vingt premières années les conseils d’administration de la Sécu. La suppression de cette élection et la modification du nombre de représentants patronaux et syndicaux, a permis d’évincer la CGT au profit des centrales qui avaient le soutien des représentants patronaux : FO pendant 25 ans, puis la CFDT depuis 10 ans.

Avec sa nouvelle gouvernance, le gouvernement cherche à associer tous les syndicats à sa réforme, à leur ménager à chacun leur place. Espérant ne pas se trouver, comme pour les retraites, avec la caution de la seule CFDT. La CFDT, échaudée par l’impopularité que lui a coûté l’an dernier l’approbation de la réforme des retraites, semble d’ailleurs avoir moins envie cette fois de faire cavalier seul.

La nouveauté, c’est que le gouvernement compte en profiter pour introduire les mutuelles dans les organismes de gestion ou de contrôle de la Sécurité sociale. Leur importance, ainsi que les compagnies d’assurance privées, a grandi au fur et à mesure que les remboursements du régime de base étaient amputés. Toutes ces « complémentaires » ou « sur-complémentaires » demandent depuis des années leur place dans la gestion de la Sécurité sociale. S’y rajouteraient les professionnels de santé, les syndicats de médecins en premier lieu.

Fin mars, la CFDT était encore le seul syndicat favorable à la cogestion avec les mutuelles et professionnels de santé. Elle en faisait même (comme le petit prince) une des ses propositions au gouvernement. La confédération Force Ouvrière, qui sur le problème des retraites l’an dernier avait adopté dès le départ un ton contestataire, voire quand c’était sans risque un peu boutefeu, s’est cette fois placée d’entrée au milieu du chemin sur la question de la participation des mutuelles et assurances privées au pilotage des caisses de Sécu : oui à leur participation dit-elle, mais dans un organisme spécial uniquement consultatif.

La CGT s’y déclarait encore il y a deux mois farouchement opposée, au nom de la lutte contre la privatisation de l’assurance maladie. Depuis avril, elle s’y est ralliée… au nom du même argument ! Car « rester dans la contestation, c’est laisser le gouvernement faire l’étatisation et la privatisation avec les sociétés d’assurances », explique Le Duigou, responsable CGT des négociations sur la Sécu (cité par Le Monde initiatives de mai 2004). La raison de fond de ce brusque retournement, il la donne lui-même plus clairement : « Seule une posture de proposition peut permettre aux partenaires sociaux de reconquérir une légitimité pour gérer le système ».

C’est cette « posture », de plus en plus ouvertement revendiquée même par la CGT, qui explique que, depuis qu’est ouvert de dossier de la réforme de la sécurité sociale, les centrales syndicales se soient précipitées à tous les « tapis verts » qui leur ont été proposés, du Haut conseil aux multiples consultations ou rencontres en « tête-à-tête » avec le ministre.

Une attaque en règle contre le monde du travail

C’est bien ce qui se prépare. Le gouvernement s’était gardé jusque-là de préciser ses projets d’économies financières sur la santé, préférant amuser la bureaucratie syndicale avec des négociations sur la gouvernance. A quelques semaines du dépôt de la loi, il va pourtant falloir en arriver aux faits !

D’autant que le Medef pose ses exigences, en sommant le gouvernement d’avoir le courage d’être expéditif. Ce qu’il assortit du chantage de refus de participation aux organismes de gestion et pilotage de la Sécu, s’il n’a pas la garantie préalable que les mesures financières qu’il estime nécessaires seront prises.

Le gouvernement y va de couplets fielleux pour distiller l’avant-goût de mesures qui auraient ses faveurs. Il faudrait faire la chasse aux malades qui iraient consulter cinq médecins pour obtenir autant de congés pour maladie - donc instaurer un contrôle, pour moins rembourser les consultations et moins donner d’arrêts ! Douste-Blazy aurait pisté des malins faisant soigner frères et cousins sur une même carte vitale - donc en instaurer une nouvelle, avec photo ! La dernière livraison de Capital, de mai 2004, est un bêtisier complet sur les prétendus responsables du trou de la Sécu. Jusqu’aux Corses qui prendraient (enquête chiffrée à l’appui) davantage d’arrêts de travail que la moyenne de la population. Mais pas un mot sur les hold-up sur la Sécu de l’industrie pharmaceutique ! Le Capital ne s’en prend qu’au travail !

Le programme envisagé ?

Côté recettes : le prolongement sur plusieurs années encore de la CRDS, impôt supplémentaire présenté comme transitoire au moment de sa création, et à terme, a dit Raffarin, une augmentation de la CSG. Ce seraient encore les salariés les plus pénalisés. Et les retraités, dont on pourrait aligner le taux de cotisation sur celui des salariés.

Côté dépenses : franchise non remboursable sur les feuilles de soin, augmentation du ticket modérateur, limitation plus stricte des possibilités pour les grands malades de bénéficier de la prise en charge à 100 %, contrôle sur les médecins pour qu’ils réduisent la quantité des médicaments et examens médicaux remboursés. Libre à eux de les conseiller aux malades qui pourront payer de leur poche !

L’autre grand volet, c’est bien entendu la poursuite de la restructuration hospitalière en cours, soit une série de fermetures d’hôpitaux ou de services dits non rentables ou redondants.

Ces mesures ne seraient pas annoncées d’un coup. Prudence ! Une grande partie d’entre elles s’échelonneraient dans les mois à venir, ou d’ici 2007, laissées à la charge des nouveaux organismes de gestion des caisses. Tout comme d’ailleurs elles ont déjà commencé avec les déremboursements de médicaments, et les économies et restructurations hospitalières dans le cadre du plan « hôpital 2007 » de Mattei. Mais elles sont bel et bien au programme et nécessitent une riposte urgente.

Préparons la riposte

Rien n’est encore joué.

Les travailleurs sont loin d’être dupes, ou anesthésiés. La santé, avec la retraite, l’emploi, les salaires, fait partie de ce qui est vital pour eux. Les militants d’extrême gauche, autour d’eux ainsi que dans les syndicats où ils militent, dans les comités de défense de la Sécu là où il en existe et où ils peuvent avoir l’opportunité d’intervenir (certes ils sont pour l’instant peu nombreux et embryonnaires), peuvent trouver l’oreille d’autres militants, syndicaux ou politiques, insatisfaits de l’inaction des directions syndicales et de leur complaisance vis-à-vis des propositions du gouvernement. Ils peuvent trouver l’oreille de travailleurs et leur appui pour militer dans la perspective, car il est encore temps, d’empêcher le nouveau volet d’une politique scélérate.

Le fait que la CGT se sente tenue d’appeler, même si c’est tardivement, à une journée d’action début juin, ne répond probablement pas à de simples considérations tactiques, pour jouer du muscle face aux « partenaires sociaux » patronaux et au gouvernement. L’inquiétude des travailleurs, et tout particulièrement d’une partie du milieu militant, pousse à la roue.

Ce que sera cette journée, nous ne le savons pas encore. Dans l’intention des dirigeants de la CGT, ce semble être seulement le projet d’une journée d’action ou d’une manifestation le week-end sans véritable préparation et surtout sans lendemain, histoire de donner le change vis à vis des militants combatifs, ou de ponctuer les négociations. Les autres centrales syndicales auxquels la CGT s’est adressée, n’ont pas encore (à l’heure où nous écrivons) toutes donné leurs réponses. FO, qui appelait l’an dernier, aux manifestations contre la réforme des retraites, réserve la sienne sous prétexte qu’elle attend la réponse du gouvernement aux questions qu’il lui a posées sur les mesures financières de son projet, arguant qu’une manifestation serait de trop ou trop peu selon que le gouvernement satisferait ou non ses attentes. Comme si on ne connaissait pas les intentions de celui-ci !

Mais tous les militants qui veulent qu’enfin se manifeste une véritable opposition aux attaques contre la Sécurité sociale peuvent se saisir de la proposition faite par Thibault après les manifestations du Premier mai, pour mobiliser et mettre en avant un programme de défense des intérêts de travailleurs face aux attaques qui se préparent.

La première des tâches pour préparer la riposte, c’est de dénoncer clairement et fermement le mensonge du prétendu danger couru par la Sécu, qui obligerait à la saigner pour la « sauver ». C’est de contrer la propagande du gouvernement et des patrons dans les entreprises, dans les syndicats, dans les comités de défense de la Sécu dont certains militants reprennent à leur façon l’intox régnante en admettent en particulier qu’il faudrait une réforme, mais « juste ».

Il n’y a ni danger ni risque de faillite de la Sécu. La Sécu est riche de l’argent des travailleurs eux-mêmes. Personne ne leur a fait aucun cadeau et surtout pas l’Etat qui puise dans ses caisses pour aider le patronat et lui fait supporter des dépenses comme l’entretien des hôpitaux ou la formation des médecins qui devraient être de son ressort à lui. Pour sauver la Sécu, il est seulement nécessaire de l’arracher aux appétits patronaux. Aux requins de l’industrie pharmaceutique comme aux requins de tous les secteurs, toujours davantage exemptés de charges sociales, ou ne payant pas celles qu’ils doivent, dont le taux de cotisation est de plus en plus une peau de chagrin.

Il faut avancer un programme non de nouvelle gestion ou nouveau financement de la Sécu, mais de défense des intérêts des travailleurs. Refus d’augmentation des cotisations salariales ou CSG, de baisses de remboursements, de restrictions sur les soins de baisse de budget des établissements publics de santé. Mais aussi restitution de ce que le patronat et l’Etat leur a pris, suppression du forfait hospitalier, des déremboursements déjà effectués et suppression des dégrèvements de charges patronales. La vraie réforme à faire, ce serait d’imposer le remboursement des soins à 100 % pour tous, le développement des établissements publics de santé, l’augmentation du personnel dans les hôpitaux.

Un vrai programme pour défendre et améliorer la Sécu, assurer le droit à la santé pour tous, ne peut qu’être lié au programme de défense plus général des intérêts des travailleurs. C’est celui contenu dans le programme d’urgence que nous défendons depuis 1995.

En résumé :

  • 1 % d’augmentation des salaires, c’est déjà 3 milliards d’euros en plus pour la Sécu. Et si les salaires rattrapaient vraiment le retard pris depuis 20 ans, ce seraient des rentrées décuplées.
  • 100 000 chômeurs en moins, c’est déjà 1 milliard d’euros en plus. Une politique d’embauches d’emplois utiles dans les services publics, l’interdiction des licenciements, ce serait là aussi des rentrées décuplées.
  • Le rattrapage des cotisations patronales au même niveau que celles des salariés, ce serait 20 milliards.

C’est sur un tel programme qu’il faut que la classe ouvrière puisse se mobiliser et se faire craindre.

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