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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 73, janvier-février 2011

Une législation scélérate contre Aurore Martin : le Mandat d’arrêt européen (MAE)

29 janvier 2011 Convergences Politique

Depuis la première quinzaine de janvier Aurore Martin, une jeune femme qui fait partie de la direction de l’organisation de la gauche nationaliste basque Batasuna, se cache dans la région de Saint-Jean-Pied-de-Port dont elle est originaire. Elle entend ainsi échapper au mandat d’arrêt européen lancé à son encontre par l’Audience nationale d’Espagne (une des plus hautes juridictions du pays), mandat qui a été validé par la Cour d’appel de Pau puis par la Cour de Cassation.

Que lui reproche-t-on ? Sa participation à une conférence de presse et à trois réunions publiques tenues en territoire espagnol (à Pampelune, en Navarre, et à Salvatierra, en Alava) en 2006-2007 ainsi que la rédaction d’un article d’opinion publié à la même époque dans le quotidien basque transfrontalier Gara. Pour ces faits, elle risque 12 ans d’incarcération dans les prisons espagnoles.

Tour de passe-passe juridique

Le paradoxe de la situation est qu’Aurore Martin est de nationalité française, que Batasuna est un parti interdit en Espagne mais parfaitement légal en France, et que ce que la justice espagnole lui reproche sont en fait des délits d’opinion qui ne peuvent, en tant que tels, faire l’objet de poursuite dans l’Hexagone. Mais le tour de passe-passe juridique, qui permet à la justice espagnole de tenter de se faire remettre une ressortissante d’un autre pays dont le seul crime est de formuler ouvertement ses opinions, a pour nom « mandat d’arrêt européen ».

Adopté par l’Union Européenne dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, le mandat d’arrêt européen permet de priver le citoyen de nombre de garanties juridiques qui existaient précédemment et qui empêchaient un État national d’extrader ses propres ressortissants. Désormais, grâce au MAE, on ne parle plus d’extradition mais de transfèrement. La justice de l’État sollicité ne vérifie plus la matérialité des faits incriminés ni si ces derniers constituent des délits en regard de sa propre législation (ce qui n’est pas le cas pour Aurore Martin) mais simplement si la demande de transfèrement est rédigée correctement d’un point de vue formel.

Lors des travaux préparatoires pour définir le dispositif du MAE, il avait été retenu par les juristes européens que « les personnes susceptibles de faire l’objet d’un MAE devaient remplir plusieurs conditions dont, notamment, celles d’avoir participé à des actes de terrorisme, de traite d’êtres humains, de corruption, de participation à une organisation criminelle, de faux monnayage, d’homicide, de racisme et de xénophobie, de viol, de trafic de véhicules volés, de fraude, y compris la fraude aux intérêts financiers communautaires ».

À l’évidence Aurore Martin n’entre dans aucune de ces catégories. La justice espagnole reproche à Aurore non pas des propos précis mais simplement d’avoir pris la parole et écrit en tant que porte-parole de Batasuna. D’où le syllogisme des juges espagnols : Aurore se revendique de Batasuna, Batasuna est liée à l’ETA, l’ETA est coupable de terrorisme donc elle est une terroriste.

Mobilisation en faveur d’Aurore Martin

L’affaire a suscité un large mouvement de protestation et de manifestations en Pays Basque français. Des élus, syndicalistes et militants politiques de toutes tendances ont demandé l’arrêt des poursuites à son encontre et se sont mobilisés en sa faveur. En cette période de crise et d’agitation politique et sociale, il suffira à un gouvernement d’invoquer une menace terroriste, réelle ou supposée, ou des troubles à l’ordre public pour justifier qu’on lui remette un militant dont l’activité le gênera.

À propos de cette affaire des partis de gauche (PS, PCF, Parti de gauche, NPA) mais aussi le MoDem ont publiquement exprimé leur inquiétude quant à « l’utilisation politique du mandat d’arrêt européen » sans se rendre compte qu’en l’espèce il ne s’agit nullement d’une utilisation politique d’un mécanisme judiciaire mais bel et bien de l’application judiciaire d’un processus politique. C’est pourquoi la seule revendication possible est de demander l’abrogation pure et simple de cette législation scélérate.

22 janvier 2011

Léo STERN

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