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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 33, mai-juin 2004

Une correspondance des Etats-Unis : Où en est l’opposition à la guerre et à Bush

Mis en ligne le 14 mai 2004 Convergences Monde

Avec les récentes révélations sur les tortures pratiquées sur des prisonniers irakiens, l’inquiétude grandit à propos de l’action des Etats-unis en Irak. Nombre de journaux ont publié les photos à la une, alors qu’ils avaient évité jusque-là de montrer ne serait-ce que les cercueils recouverts du drapeau qui sont déchargés des avions en provenance d’Irak. C’est un changement d’importance, peut-être inspiré par les Démocrates en campagne électorale contre Bush, même s’il est encore difficile de savoir si le sentiment populaire à propos de cette guerre a lui-même changé.

La menace terroriste est en effet sans cesse mise en avant. Tout un tintamarre est fait au sujet des immigrés et particulièrement des sans-papiers. Mais l’enquête concernant le 11 septembre, malgré des questions feutrées et le secret qui entourait la commission, a laissé filtré les mensonges d’Etat et l’absence de toute bonne volonté de la part du gouvernement pour s’expliquer sur sa politique. Ce sont les familles des victimes du 11 septembre qui ont fait pression pour que les responsables politiques soient questionnés ou qui protestent contre le refus de ces mêmes politiques de répondre aux questions que tout le monde se pose.

Les récentes révélations de Richard Clarke, expert en terrorisme et conseiller des trois dernières administrations présidentielles ainsi que la sortie d’un DVD dans lequel s’exprime une douzaine d’anciens membres de la CIA, appartenant au corps diplomatique, ont donc créé un choc dans l’opinion. D’autre part les soldats qui devaient rentrer voient leur séjour en Irak se prolonger. Du coup des familles de soldats s’organisent nationalement pour s’opposer à la guerre et demander le retour des leurs. Et certains hommes politiques discutent ouvertement de la nécessité d’un retrait des troupes.

Une opposition grandissante mais impuissante

En janvier dernier un sondage donnait 66 % de la population comme favorable à la guerre. Actuellement, 48 % soutiennent l’opération et 49 % s’y opposent. En Californie, 36 % de la population approuvent la gestion des opérations en Irak contre 47 % en janvier dernier. Le même sondage donnait des pourcentages d’opposition plus importants encore chez les femmes et la fraction la plus exploitée de la classe ouvrière.

En militant dans le milieu ouvrier on constate en effet un changement de climat : alors qu’au début des opérations, la plupart des gens étaient préoccupés par leurs problèmes, tout particulièrement économiques, depuis avril il y a une attention grandissante par rapport à la guerre.

Pourtant c’est toujours dans les classes moyennes que l’on trouve la plus forte opposition à celle-ci. Ainsi un même questionnaire dans une fac de quartiers défavorisés de la région de San Francisco et une autre de Berkley, ville essentiellement universitaire, donnait un soutien de 40 % à la guerre dans la première, une unanimité contre dans la seconde. Autre exemple : un sondage faisait état du fait que 48 % de la population californienne ne croyaient pas les mensonges de Bush sur les armes de destruction massive contre 42 % qui lui octroyaient encore leur confiance, mais à San Francisco même 56 % ne le croyaient pas.

Cela ne signifie pas que les opposants ont l’espoir de pouvoir changer les choses. Les manifestations de cette année étaient beaucoup plus petites que celles de février 2003, avant que la guerre ne commence. Ainsi le 20 mars, à l’occasion du premier anniversaire de la guerre, il y a eu plusieurs manifestations dans les grandes villes du pays. Mais, à San Francisco par exemple, 25 000 personnes seulement ont battu le pavé cette année contre 250 000 l’an dernier.

La crise n’est pas derrière nous

Parallèlement à la guerre, la crise économique touche de nombreux travailleurs malgré les annonces de croissance et de retour de l’emploi. Pour les 3 millions de chômeurs qui ont perdu leur travail ces dernières années, pour les étudiants des universités où les crédits ont été coupés et où des professeurs et du personnel ont été licenciés, la crise est patente. Les attaques contre les services sociaux se multiplient. Arnold Schwarzenegger, devenu gouverneur de l’Etat californien, a augmenté les impôts pour couvrir le déficit de 15 milliards de dollars. Pourtant le système éducatif, de l’école primaire à l’université, continue à être mis en pièces. Cela a provoqué une manifestation de 10 000 étudiants pour la deuxième année consécutive. De même à l’échelle nationale, on assiste à la fermeture d’hôpitaux, de cliniques, à des attaques contre le système éducatif, les transports publics, les services sociaux de base. On n’enregistre de progrès que... dans le système carcéral.

La récente grève de travailleurs de Safeway, la plus grande chaîne de supermarchés en Californie, a eu lieu en réaction à une nouvelle offensive contre les acquis dont bénéficient les salariés syndiqués et les fonctionnaires. La direction avait décidé que désormais les salariés devraient payer la plus grosse part de leur couverture maladie, ce qui aurait abouti de fait à une importante baisse de salaire. Là où des gérants ont tenté de mettre cette réforme en place, les syndicats ont appelé à la grève. Celle-ci a duré des mois. Les travailleurs ont finalement conservé l’essentiel de leurs acquis mais en acceptant que les futurs embauchés le soient aux nouvelles conditions voulues par la direction. Cela peut difficilement être considéré comme une victoire.

Mais où sont les démocrates ?

Le vrai problème est l’absence d’alternative politique. Les démocrates n’essaient même pas d’utiliser ce qui leur sert habituellement de discours quand ils sont dans l’opposition. John Kerry, candidat à la présidentielle, met en avant le fait que Bush n’a jamais servi dans l’armée tandis que lui a une expérience des combats. Kerry veut plus de troupes en Irak, sous la bannière des nations unies bien sûr, mais sous commandement américain. Les démocrates se contentent tout bonnement de surfer sur la baisse de popularité de Bush. Ils escomptent que la peur du régime de Bush suffira à les faire élire.

Cette politique du « n’importe qui sauf Bush » a eu son effet habituel sur tout ce que le pays compte à gauche. Car cette gauche n’a pas plus d’alternative et son seul objectif est d’en finir avec Bush. Même Ralph Nader est attaqué par ces gens qui se disent de gauche et qui craignent qu’il ne retire des voix à Kerry.

Pourtant, et cela se voit à travers de multiples discussions, les gens sont dans l’attente d’un changement. Ce sentiment traverse toute la société. Le montre l’activisme de groupes comme « MoveOn » (opposé à la guerre et à Bush) qui, en se servant d’Internet comme outil politique, sont capables de récolter des centaines de milliers de signatures et au moins autant de dollars pour leurs campagnes. Les salariés de Safeway et d’autres ont montré également que bien des travailleurs étaient prêts à se battre malgré les difficultés à le faire. A tous ces gens les groupes révolutionnaires, qui ne soutiennent aucun des deux partis traditionnels, seraient les seuls à pouvoir offrir une perspective politique. Mais ils sont marginaux et n’ont pas résolu leur vieux problème, celui de trouver l’oreille d’au moins une partie de cette population qui désire un changement.

San Francisco, le 3 mai 2004

Ken RICHMOND

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