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Un sommet africain a Paris : le Parrain Chirac recoit ses affranchis

12 février 2002

Le sommet « informel » qui a rassemblé la semaine dernière, autour de Chirac, une douzaine de chefs d’Etats africains, a fini dans la rubrique faits divers des journaux : un certain Monsieur Ping, logé au luxueux hôtel Meurice de Paris, et ministre des affaires étrangères du Gabon, s’est fait dérober, dans sa chambre, 150 000 euros et 150 000 dollars, soit 2 millions de francs… en liquide ! Comble de cette affaire louche, le voleur se serait fait passer pour le ministre lui-même. Voilà donc un cambrioleur qui avait au moins compris une chose : qu’un ministre et un voleur peuvent fortement se ressembler !

C’est la seule vraie leçon à retenir de ce sommet. L’été dernier, le G8 réuni à Gênes avait fait un petit cadeau au président français, en le chargeant de ce sommet africain destiné à lancer une nouvelle institution internationale, le « Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique », le NEPAD. Un club qui réunirait régulièrement les dirigeants africains et leurs bailleurs de fonds occidentaux. On a donc vu Chirac se hausser du col et faire le coq au milieu de ses « amis »…

Les larmes des crocodiles

De bien belles paroles ont résonné dans les salons dorés de l’Elysée. Chirac s’est enflammé en déclarant qu’il n’était « pas moralement acceptable » que le fossé continue de se creuser entre les pays riches et les pays pauvres. Bouteflika s’est empressé de lui cirer les pompes en le proclamant « Chirac l’Africain » et en louant son « désintéressement » et son « dévouement » au service de l’Afrique. Le même Bouteflika, pantin des généraux et massacreur de Kabyles, Compaoré, qui assassina le turbulent nationaliste Sankhara pour prendre le pouvoir, Bongo, aux multiples comptes numérotés en Suisse, tous se sont solennellement engagés à défendre les droits de l’homme et la « bonne gouvernance ». Tous ont condamné l’Afrique de la misère et des coups d’Etat. Tous ont versé une larme sur le bilan désastreux de 40 ans d’indépendance : au moins 7 millions de morts dans les guerres qui ont déchiré le continent, 10 milions de réfugiés, plus de 28 millions de malades du SIDA ou porteurs du virus, 40 millions d’enfants qui n’ont pas accès à l’école primaire, et dont bon nombre crèvent tout simplement de faim. Entre 1950 et 2000, alors que la part de l’Afrique dans la population mondiale passait de 8 à 13%, sa part dans le PIB mondial descendait de 3 à 1,8% !

Pour le bilan, on ne peut qu’être d’accord… Mais quand Chirac et ses « partenaires » africains dénoncent aussi le fait que les pays riches auraient « délaissé » l’Afrique, pour ne s’intéresser qu’à leur propre développement, quelle injustice ! Bien au contraire, les grandes puissances, en premier lieu les anciennes puissances coloniales, n’ont jamais cessé de « s’intéresser » à l’Afrique. Pour son plus grand malheur.

Si le continent africain pèse peu dans le commerce mondial, en valeur, il alimente tout de même les pays développés en matières premières, en hydrocarbures, en bois, en minerais, en produits alimentaires. Ce sont des firmes françaises, américaines, anglaises, allemandes, qui contrôlent ces richesses et en tirent de gigantesques revenus. C’est TotalFinaElf qui profite du pétrole algérien, congolais, gabonais, angolais, en ne laissant que quelques miettes aux dictatures qui sur place veillent sur leurs intérêts. C’est encore la bourgeoisie des pays développés qui achève de saigner les populations africaines par le mécanisme de la dette, que les Etats sont mis en demeure de payer en fermant les écoles et les hôpitaux, en sacrifiant les investissements de long terme dans les routes, l’eau ou l’électricité.

Les grandes puissances s’intéressent tellement à l’Afrique qu’elles en viennent à se heurter les unes aux autres pour le partage du gâteau, comme au bon vieux temps des colonies ! Pour préserver son pré carré africain, la France a toujours soutenu les pires dictatures. Elle a financé et armé le régime militaire d’extrême-droite hutue, au point de lui permettre de perpétrer le génocide de près d’un million de tutsis en 1994. Elle a fomenté la guerre civile au Congo-Brazzaville, pour aider son poulain Sassou N’Guesso à reprendre le pouvoir en 1998. Elle appuie sans failles et sans états d’âme la dictature militaire algérienne, qui terrorise la population pour continuer de monopoliser la rente pétrolière.

Non, vraiment, les charmes de l’Afrique ne laissent pas indifférents les politiciens et les affairistes de Paris…

Une belle brochette de voleurs et d’assassins

Pour piller un continent, il faut mater les peuples. Pour fomenter des guerres civiles, il faut des seigneurs de guerre. Il faut donc des « amis » africains, c’est-à-dire des dictateurs. C’est un bel échantillon de cette bande de voleurs et d’assassins qu’on a vu parader autour du grand chef Chirac à l’Elysée.

Comme tous les requins, ils sont d’ailleurs en concurrence. C’est a qui sera le meilleur élève de l’impérialisme, en « modernisant » son économie, c’est-à-dire en l’ouvrant encore davantage aux intérêts économiques des grandes puissances et en serrant un peu plus la ceinture à sa population, ou encore en proposant ses services pour constituer des « forces africaines d’intervention » pour rétablir l’ordre dans telle ou telle région du continent, comme le font l’Afrique du sud ou le Nigeria.

Ce « nouveau partenariat » ne fait que du neuf avec l’ancien. C’est le vieux colonialisme de grand-père, aux défroques sans cesse reprisées.

Bernard Rudelli

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