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DOSSIER : Congrès de fondation du NPA : Parti révolutionnaire ou parti de la gauche de la gauche ?

Un parti des travailleurs, forcément indépendant des directions syndicales

Mis en ligne le 10 janvier 2009 Convergences Politique

La « Résolution générale sur la situation politique et sociale » part d’une critique sévère de la politique des directions syndicales et de son échec à contrer les attaques du gouvernement et du patronat, notant que les « les dirigeants confédéraux prennent la voie de l’institutionnalisation, de l’adaptation aux orientations libérales à l’échelle nationale comme européenne, à la politique de soi-disant ‘ dialogue social ’ et des ‘ diagnostics partagés ’ du gouvernement et du Medef ». Elle propose pour objectif au NPA de « reconstruire » le mouvement syndical, très affaibli, « pour y faire vivre la démocratie et un syndicalisme de lutte de classe ainsi que l’unité entre les syndicats (…) dans le respect de la démocratie et de l’indépendance du mouvement syndical » .

Le but premier d’un parti anticapitaliste est certainement de contribuer à ce que les travailleurs s’organisent pour que leurs luttes s’étendent, convergent, aillent le plus loin possible. Et, dans la mesure où les syndicats interviennent dans la lutte de classe, les militants révolutionnaires doivent évidemment en être partie prenante.

Les syndicats font doublement défaut aux travailleurs

Le problème, c’est que la politique des directions syndicales de ce pays n’est aujourd’hui même pas de faire ce qui devrait être leur service minimum : organiser les luttes pour qu’elles s’étendent et gagnent. En France comme à peu près partout. Cela ne date pas d’hier. Elles collaborent avec le patronat et l’État, auxquels mille liens les rattachent. Elles se veulent des « partenaires sociaux » reçus, reconnus et même financés. Elles ne se mettent d’ailleurs jamais autant en colère que pour réclamer le rétablissement du « dialogue social », parfois même sur le dos des grévistes. Cette politique contribue à entériner de nombreux reculs. À tel point que beaucoup de travailleurs, y compris parmi ceux sincèrement attachés à la défense de leurs intérêts collectifs et participant pleinement aux luttes, ne voient même plus le sens de se syndiquer et, du même coup, tournent le dos à la minorité de leurs camarades qui le sont et le restent par conscience qu’il faut s’organiser pour tenter de défendre leurs intérêts de classe.

Il est vrai que les syndicats font doublement défaut aux travailleurs.

Sur le plan des idées : ils n’apportent ni les outils intellectuels ni les revendications, nécessaires pour refuser l’exploitation, pour ne pas « se faire avoir » par les réformes et les baratins en tout genre. Au contraire, ils participent avec les représentants du patronat et du gouvernement à tous les rendez-vous, rencontres, commissions et autres comités ou conseils toujours plus nombreux, multipliés encore par Sarkozy, et qui n’ont d’autres buts que de faire avaler ces réformes aux travailleurs.

Dans l’action : quand des travailleurs se mobilisent, les syndicats laissent le plus souvent s’émietter les luttes, les dévoient ou les trahissent carrément. Chacun à sa façon, ou selon ses intérêts du moment. En 2003, pour prendre un exemple encore tout frais, la CFDT a approuvé la réforme des retraites. La CGT l’a condamnée, mais, là où la lutte aurait pu être décisive, dans les transports, elle s’est opposée à toute grève reconductible. FO a appellé à la grève générale, mais sans rien faire pour la rendre possible en tentant d’étendre les grèves déjà effectives. En 1968 déjà, c’était la CGT, qu’aujourd’hui certains nous présentent rétrospectivement comme alors « radicale », « lutte de classe » ou « révolutionnaire », qui sabordait la grève générale en organisant la reprise du travail contre bien peu d’avantages durables pour les travailleurs, mais en échange de concessions notables aux appareils syndicaux et de la satisfaction, pour ses amis de la gauche, de ramener la politique à un strict terrain électoral, avec l’illusion d’y gagner.

Ce ne sont pas les partis qui entravent les syndicats…

Mais tout cela n’est possible que parce que les travailleurs ne parviennent d’ordinaire pas — et souvent ne cherchent même pas — à prendre leur indépendance par rapport aux bureaucraties syndicales et à s’organiser démocratiquement pour diriger eux-mêmes leurs luttes. Ils le peuvent d’autant moins que, bien souvent, personne ne leur propose de mettre en place des formes d’organisation qui pourraient le rendre possible : assemblées générales souveraines, comités de grève, où les syndicats ne sont pas les maîtres naturels et irrévocables du mouvement, coordinations au niveau national. De même que sont bien rares les militants qui proposent de sortir de l’isolement en s’adressant aux autres, en mettant en avant des revendications qui peuvent être non seulement comprises mais reprises par d’autres : c’est pourtant la condition indispensable si l’on veut avoir une chance de voir déferler un jour un vrai « tous ensemble » dans la rue et dans la grève, gagner sur nos revendications et changer cette société.

Dans ce contexte, que peut signifier le respect de l’indépendance syndicale ? Bien sûr, les militants politiques ou syndicalistes qui avancent cette exigence pensent à l’exemple du PCF qui utilisait jadis la CGT comme courroie de transmission et lui fit mener une politique des plus néfastes pour les travailleurs. Mais, depuis, ces liens se sont distendus, voire coupés. La CGT mène sa politique en toute indépendance… du moins du PCF. Pourtant cette politique n’est pas davantage en faveur des travailleurs. Bien au contraire, constatent à juste titre les mêmes militants. Ce n’était donc pas le problème de l’indépendance du syndicat mais seulement celui de la politique qu’il menait, celle d’une bureaucratie syndicale, qu’elle soit liée à un parti ou non, ouvertement ou seulement de fait.

… mais la politique de leurs directions

Aujourd’hui, Bernard Thibault, François Chérèque ou Jean-Claude Mailly sont indépendants de tout parti politique spécifique. Officiellement « ils ne font pas de politique », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas là pour se fâcher avec les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche. Ils tiennent trop aux liens qu’ils ont établis de longue date avec l’État. C’est le fond de leur politique, justement. Quant aux dirigeants PS et PCF d’aujourd’hui, ils n’ont bien sûr pas de conseils à donner aux organisations syndicales. Quand ils sont dans l’opposition, ils préfèrent geindre sur les méfaits d’éventuels patrons voyous tout en bénissant (et encore pas toujours !), de loin, les luttes, sans jamais mettre la main à la pâte. Jusqu’au moment où ils gouvernent à leur tour et nous mettent dans la rue, mais, cette fois... contre eux !

Le fond de l’affaire n’est donc pas tant de savoir si les syndicats sont autonomes par rapport aux partis ou affidés à ces derniers que de jauger si la politique qu’ils mènent est conforme aux intérêts des travailleurs en lutte. Et de l’appuyer dans ce cas, ou de la combattre dans le cas contraire.

Un parti anticapitaliste et révolutionnaire se doit donc d’intervenir dans les luttes et ses militants dans l’activité syndicale — y compris la plus quotidienne, la plus banale — en toute indépendance par rapport aux bureaucraties syndicales (et donc pas seulement par rapport au PS et aux autres partis de gauche). Serait-il sensé de défendre dans son parti le « tous ensemble » et les 300 euros d’augmentation uniforme des salaires et dans son syndicat ou dans la grève accepter sans les combattre les luttes catégorielles et des augmentations salariales en pourcentage ? Bien sûr que non.

Le monde du travail a terriblement besoin de militants pour mener une telle politique, dans toutes les luttes, grandes ou petites, de militants appartenant à différents syndicats, mais indépendants de tous les appareils syndicaux, qui ne se laisseraient pas lier par mille et une petites attaches sournoises à une bureaucratie syndicale qui défend ses propres intérêts. Les regrouper, leur permettre de trouver la politique correspondant aux intérêts des travailleurs et d’agir ensemble devrait être une des tâches essentielles d’un nouveau parti des exploités.

Bernard RUDELLI

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