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DOSSIER : Deux ans de guerre en Ukraine

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Troupes russes hors d’Ukraine ! Droit du peuple ukrainien à disposer de lui-même ! Halte aux puissances impérialistes de l’Otan qui transforment en dollars le sang des travailleurs et des peuples !

Alexeï Navalny est mort dans un de ces camps où Poutine enferme ses opposants, après des années d’arrestations et incarcérations, une tentative d’empoisonnement, et une condamnation à 19 ans d’oubliette au-delà du cercle polaire… autant dire à la mort, qui est arrivée. Le signal est clairement réasséné par Poutine à tous ses opposants : fermez vos gueules ou vous êtes morts. Et toutes les oppositions sont visées. Navalny était un ultra-libéral bourgeois, « anti-corruption » mais dont les débuts de carrière ont été marqués par un ultra-nationalisme russe exacerbé et un racisme anti-migrants forcené, l’immigration étant considérée par lui comme une « infection ». L’an dernier, l’avion d’Evgueni Prigojine, bandit et chef mercenaire des milices Wagner, dont Poutine craignait l’ombre, s’est étrangement crashé. En 2015, c’était Boris Nemtsov, proche de Navalny, qui était abattu par balles sous les murs du Kremlin. Sans compter des dizaines d’autres morts peu naturelles et des centaines de prisonniers politiques. Nouvelle cible de la répression actuelle, un opposant de gauche : Boris Kagarlitsky, âgé de 65 ans, qui a pris position contre la guerre en Ukraine et anime depuis de nombreuses années, avec d’autres, le site Internet Rabkor (« Correspondant ouvrier ») pour essayer de faire entendre une autre voix, sociale et internationaliste. Après avoir été arrêté il y a quelques mois, puis relâché en décembre dernier, il vient d’être condamné le 13 février en appel à cinq ans et demi de camp. Libération de tous les prisonniers politiques !

Répression féroce à l’intérieur, guerre contre l’Ukraine à l’extérieur…

Ce sont les deux faces de la même politique d’un Poutine qui estime pouvoir dominer sur une vaste zone. Le 24 février 2022, il a lancé sa guerre d’annexion contre l’Ukraine, justifiée officiellement par la négation totale du droit à l’existence de ce pays voisin, mais motivée en réalité par les appétits impérialistes russes. Les deux ans de l’invasion guerrière de l’Ukraine se soldent par de terribles destructions humaines et matérielles, des déplacements de millions de personnes, à l’intérieur du pays ou vers les pays proches de l’Europe occidentale. Sans qu’on voie la fin de cette guerre. Poutine plastronne même à la télé. Sa victoire aux prochaines présidentielles, dans un mois, est donnée pour certaine. Il cumule déjà 24 ans de règne. Il s’est taillé une réforme constitutionnelle lui permettant de rester en place jusqu’en 2036. Ses opposants potentiels sont interdits de candidature. Mais il reste que d’autres que lui, parmi les autocrates de la planète, ont néanmoins été déboulonnés par la colère populaire.

Ceux qui ont intérêt à faire durer la guerre

L’invasion de l’Ukraine est intervenue dans un cadre de concurrence impérialiste de la Russie avec l’Occident, les États-Unis en tête, qui se sont efforcés d’étendre leur leadership vers l’est, une bonne occasion de défendre leur gaz, céréales, nucléaire civil et armements. Mais les États-Unis et leurs alliés de l’Otan se sont pourtant gardés d’entrer directement en guerre. Il leur suffit d’aider militairement et financièrement l’Ukraine pour que le conflit dure et leur permette d’engranger les bénéfices politiques d’un affaiblissement de la Russie et, du même coup, des dollars ou euros de plus. Sous prétexte d’aide à l’Ukraine, l’impérialisme américain et ses sous-fifres se sont surtout aidés eux-mêmes, de Biden à Macron, avec des larmes aux yeux, qu’ils n’ont pas pour les Palestiniens, et surtout avec des tiroirs caisses à remplir.

Biden a instauré des sanctions économiques contre la Russie qui ont rapporté aux capitaux américains et institutions financières de nouvelles sources de profit et parts de marché en Europe, à commencer par celui du gaz américain pour remplacer le russe. Les fournitures américaines d’armes à l’Ukraine ainsi que la forte incitation à augmenter les budgets militaires dans tous les pays de l’Otan a largement fourni le secteur de l’armement, dont les États-Unis étant de très loin les plus gros producteurs au monde sont aussi premiers bénéficiaires. Le blocage actuel au Congrès américain d’une nouvelle enveloppe d’aide militaire à l’Ukraine et l’insistance des États-Unis pour que les pays d’Europe prennent le relais, et notamment dépensent enfin au moins 2 % de leur PIB à leur budget de défense, ne les empêchera pas d’y garder l’essentiel du marché des armes, tout en les faisant payer par les autres. Une sorte de sous-traitance. Car le budget militaire américain a d’autres soucis : assurer l’ordre dans la principale région pétrolière du monde, le Moyen-Orient (soutien à Israël, dont une toute nouvelle enveloppe de 17,6 milliards de dollars d’assistance militaire, contrôle de la mer Rouge), et dans cette Asie où la Chine, de pays atelier, est en partie devenue pays concurrent.

Mais les alliés impérialistes européens ont palpé aussi. La France de Macron et son industrie d’armement y a gagné sa part. En Europe, l’Allemagne est le pays qui a le plus fourni d’armes à l’Ukraine, avec une aide totale, depuis 2022, qui s’élèverait à 17 milliards d’euros (derrière les États-Unis qui ont contribué pour 44 milliards), et elle a boosté son industrie, passant, par exemple, de la production de 70 000 obus par an en 2021 à 700 000 prévus pour 2024. Et surtout la guerre d’Ukraine a été le bon prétexte pour le gouvernement allemand de rehausser son budget militaire avec l’ambition de construire désormais l’armée la plus puissante d’Europe.

À côté, la France fait plus faible mine, même avec la nouvelle promesse de Macron à Zelensky d’une aide pouvant aller « jusqu’à 3 milliards d’euros » sur deux ans. Elle reste loin derrière les États-Unis, l’Allemagne et même la Grande-Bretagne (6,6 milliards), avec ces 3,2 milliards d’aide qu’elle déclare avoir fournie depuis le début de la guerre – peut-être moindre, selon un institut économique, l’Institut Kiel, qui avance plutôt le chiffre de 600 millions. Par contre la guerre d’Ukraine a été pour Macron une bonne occasion de décider une augmentation considérable du budget militaire, une enveloppe globale de 413 milliards sur sept ans pour l’armée française. Après quoi, Bruno Le Maire de nous dire qu’il va falloir faire 10 milliards d’économies sur l’école et les hôpitaux afin de boucler son budget.

Du militaire au civil, des marchés en perspective

Malgré son importance, cette aide militaire occidentale reste mesurée. Le congrès américain bloque un nouvel apport de milliards, et pas seulement parce que les partisans de Trump pèsent de leurs voix dans ce sens. S’il s’agit de continuer à afficher son soutien à l’Ukraine en faisant tomber des dollars dans l’escarcelle, il ne s’agit pas pour autant d’anéantir le régime de Poutine, qui reste un pilier de l’ordre impérialiste – les ouvriers biélorusses (en 2020), kazakhs (en 2021-2022) et les classes populaires syriennes (en 2015) en ont fait les frais. Alors le monde impérialiste garde des relations économiques et diplomatiques avec l’autocrate Poutine. Jusqu’à ce journaliste américain, ancien de la chaîne Fox News et ami de Donald Trump, qui a pu parader au Kremlin pour une interview avec Poutine.

La guerre dure, mais tous sont déjà depuis plus d’un an dans les starting-blocks de la course à la future reconstruction de l’Ukraine. Le 13 décembre 2022, la guerre n’avait pas un an, que Macron réunissait, en présence de Zelensky, 700 chefs d’entreprises à l’Élysée. On parlait alors d’un marché d’au moins 100 milliards. En apéritif, pour faire saliver ses convives, Macron mettait sur la table un premier contrat de livraison de 20 000 tonnes de rails produits en France par la société allemande Saarstahl. Aujourd’hui le futur marché de la reconstruction est évalué entre 500 et 600 milliards. Pas seulement les rails et les bâtiments, mais les réseaux d’eau, d’électricité, toutes les infrastructures à reconstruire, les champs et villages à déminer…

De son côté l’Union européenne en tant que telle, à son sommet du 1er février, a voté une aide de 50 milliards d’euros d’ici 2027 (dont les deux tiers ne seraient que des prêts à rembourser par le contribuable ukrainien). À moins que l’UE rêve de faire durer la guerre jusque-là, ces crédits annoncent plutôt de belles aides aux investisseurs de la reconstruction. Le commissaire européen à l’Environnement le précisait d’ailleurs en réunissant à Vilnius quelques jours plus tard des patrons de son secteur : « Nous avons une occasion unique de reconstruire en mieux et plus vert. […] Nous ne parlons pas seulement d’un soutien international, comme un soutien direct pour restaurer quelque chose. Nous parlons d’investissements. » Le Japon s’est aussi mis sur les rangs de ce futur marché et vient de signer le 19 février avec le Premier ministre ukrainien un contrat de reconstruction, aides financières de l’État japonais contre non-imposition des futurs investisseurs japonais dans ce « miracle économique » que devrait être l’Ukraine de demain, selon les propres termes du Premier ministre.

Les oligarques ou hauts responsables ukrainiens ne sont pas en reste et ont eu, d’entrée de jeu, la prudence de se servir, comme le rappelle la récente révélation d’un détournement au début de la guerre de 40 millions de dollars destinés à l’achat d’armement. Entre un Poutine voulant leur imposer sa dictature, les loups occidentaux à l’affût des marchés et ses propres oligarques, le peuple ukrainien ne peut compter pour se défendre que sur lui-même.

La défense de l’Ukraine, par les travailleurs et avec leurs propres armes

La contre-offensive que le président ukrainien Zelensky avait annoncée n’a pas eu lieu. Les troupes russes avancent même, elles occupent presque 20 % du territoire ukrainien, à l’est et au sud du pays, et Poutine laisse planer la menace d’atteindre Odessa, privant l’Ukraine d’un accès à la mer Noire déjà bien entamé par l’annexion de la Crimée en 2014 et l’occupation au sud d’une vaste portion de la rive gauche du Dniepr. Le régime de Zelensky et son armée, qui se présentent comme les défenseurs du nationalisme ukrainien, sont quasi-entièrement financés par les pays de l’Otan. Ils s’appuient sur le grand capital occidental, sur les couches privilégiées de la bourgeoisie ukrainienne aussi, dont des oligarques « rois du chocolat », « rois du poulet », rois des céréales ou de l’acier qui ont longtemps oscillé entre l’appui de la Russie ou l’appui de l’UE, et voient désormais plus d’opportunités pour leurs affaires du côté du camp occidental.

La solution ne peut venir de ces ennemis des travailleurs mais de l’irruption indépendante des masses ouvrières. Le mot d’ordre de « soutien à la résistance ukrainienne », sans précision du caractère de classe de cette dernière, ne peut qu’entretenir la confusion, et n’aide pas à la nécessaire mobilisation contre la spirale militaire et guerrière dans laquelle les impérialismes mènent les peuples. La première tâche des marxistes révolutionnaires, dans la période, doit être d’aider à cette irruption des masses sur l’arène politique, en toute indépendance des bourgeoisies nationales. En Russie, nous affirmons notre solidarité totale avec tous les militants et militantes qui s’opposent au régime de Poutine. Nous exigeons la libération de tous les manifestants et manifestantes emprisonnés. En Ukraine, nous affirmons notre solidarité avec toutes les luttes ouvrières, contre l’utilisation de la guerre par le gouvernement pour limiter les droits ouvriers et démocratiques. Non à la guerre impérialiste en Ukraine : retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine ! Non aux ingérences impérialistes : retrait des troupes de l’Otan de l’est de l’Europe et du monde !

Michelle Verdier

 


Dossier : Deux ans de guerre en Ukraine

 

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