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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 100, juin-juillet-août 2015

Transports en commun lyonnais (TCL) : une journée de grève réussie…

Mis en ligne le 27 juin 2015 Convergences

Vendredi 22 mai dernier, à l’appel de la CGT (majoritaire) et de FO, les salariés des TCL étaient en grève. Revendiquant une augmentation de 93 euros mensuels et l’ouverture de négociations sur les conditions de travail, cet appel, limité d’avance à une journée, a surtout permis d’exprimer sa colère face à une direction qui ne veut pas revaloriser du tout les salaires en 2015. Le niveau de mobilisation et la combativité en ont surpris plus d’un. Le ras-le-bol des bas salaires et des conditions de travail prend le pas sur la résignation. Seule question après ce succès : « et maintenant ? »

« La vitrine du groupe Keolis »

Le groupe Keolis est une multinationale, filiale de la SNCF et de la Caisse des dépôts du Québec. Keolis Lyon, qui emploie 4 500 personnes, dont plus de la moitié comme conducteurs (bus, tram, métro) est en charge de l’exploitation du réseau urbain TCL pour le compte du Sytral (le syndicat mixte des transports, réunissant des élus du Rhône et de l’agglomération lyonnaise). Avec un contrat de près de deux milliards d’euros sur six ans, c’est la plus importante délégation de service public d’Europe.

Keolis ne s’en cache pas : « le réseau lyonnais est la vitrine du groupe pour la scène nationale et internationale ». Il doit donc tout faire pour garder le contrat, en baissant ses prix… tout en attaquant les conditions de travail des salariés et leur rémunération.

Au tournant des années 2010 et du dernier appel d’offres, ce « patron de combat » a « remis à plat » des accords sociaux mis en place au cours des décennies précédentes. Un projet baptisé « Edifis »… déconstruit l’organisation du travail (temps de pauses, compteurs de congés et compensations). Ce plan avait suscité de vives réactions et plusieurs journées de grève, mais la mobilisation, trop faible, avait échoué à l’empêcher. Aujourd’hui encore, cette défaite pèse lourd sur la combativité des salariés. Par ailleurs c’est le quasi-blocage des salaires, les TCL sont un des réseaux urbains français où les salariés sont les plus mal payés : après 30 ans de boîte, un conducteur de bus atteint difficilement les 1 800 euros net.

Les conducteurs subissent également l’intensification du travail par la compression des temps de parcours – dont la réduction des pauses de conduite prévues aux terminus. Avec une amplitude de la journée de travail qui n’est plus indemnisée qu’au-delà de 11 heures (contre 8 heures 30 auparavant), les coupures non rémunérées sont de plus en plus fréquentes, ce à quoi s’ajoute la non indemnisation de trajets pour aller ou revenir des « relèves » [1]. Citons aussi que, malgré la modernisation du parc, les baisses d’effectif à la maintenance ont comme effet « mécanique » une détérioration des véhicules, qui nuit aux conducteurs comme aux usagers.

Cette dégradation des conditions de travail a été plusieurs fois pointée du doigt par l’inspection du travail. Et en 2014, à la suite d’une démarche en justice de certains syndicats, un tribunal a condamné l’organisation du travail et a contraint Keolis, sur le papier en tout cas, à revoir sa copie en accord avec les syndicats. Négociations pour l’heure au point mort…

Le prochain renouvellement de l’appel d’offres, tout comme l’extension des prérogatives du Sytral liée à la refonte territoriale (et à l’avènement de « Lyon métropole ») n’inspire évidemment rien de bon aux salariés, qui se demandent à quelle sauce ils pourraient être mangés.

« Ça fait des années qu’on n’avait pas fait de piquets »

Le refus d’augmenter les salaires a été un sale coup de trop. D’où l’ampleur notable de la mobilisation : selon la CGT, ont fait grève entre 30 et 60 % des conducteurs de bus en fonction des dépôts, 70 % des conducteurs de tramway, 91 % des conducteurs de métro (et même 100 % chez les régulateurs de la ligne de métro D, automatisée). La grève a aussi été bien suivie dans d’autres secteurs comme la maintenance (60 %), ou chez le personnel de la hotline Allo TCL (80 %).

La journée de grève n’est pas passée inaperçue : trafic perturbé (la ligne de métro A ne fonctionnait pas du tout). Malgré le « service minimum » qui exige notamment des grévistes qu’ils se signalent au moins 48 heures avant le début de la grève, afin d’en limiter l’impact.

Les grévistes se sont rendus par dizaines sur les piquets organisés sur certains dépôts. Échanges entre grévistes et avec les non-grévistes. Sur le principal dépôt de bus, à Villeurbanne–La Soie, un barbecue a réuni des grévistes du site et certains venus d’autres dépôts, du métro, du tramway… Remarque de beaucoup : « ça fait des années qu’on n’avait pas fait de piquets », et c’est ce côté vivant qui a donné le sentiment d’avoir « relevé la tête », enfin de quoi retrouver confiance dans la force collective.

Quelle suite donner à cette grève ? Attendre la prochaine envisagée par les syndicats… fin septembre ? Est-ce qu’après y avoir pris goût, on ne va pas en redemander avant ?

6 juin 2015, Bertrand KARMANN


[1Trajet entre le dépôt de bus et l’endroit où le chauffeur prend ou dépose son bus en début ou en fin de journée.

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