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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 87, mai 2013

Toulouse : sous-traitance et intérim à Airbus, Thalès, Latécoère…

Mis en ligne le 30 avril 2013 Convergences Entreprises

La sous-traitance ça va, ça vient : ainsi, à Airbus-Toulouse, alors que les cadences des chaînes de montage ne cessent d’augmenter, la direction prévoit des centaines d’embauches sur ces chaînes, mais pas au niveau qu’il faudrait pour tenir tous les postes. En effet, des postes « périphériques » sont transférés à des sous-traitants. Ainsi, sur la chaîne de l’A330, après les extrémités d’ailes, un nouveau poste de montage vient d’être transféré (le 28A) à un sous-traitant. Non sans quelques remous chez les travailleurs d’Airbus à qui on impose un changement de poste.

De même, à Central Entity, qui assure les relations avec les compagnies, alors que la charge de travail augmente fortement, on voit de plus en plus arriver des ingénieurs et techniciens d’entreprises sous-traitantes. C’est parfois à la limite de la légalité puisque l’autonomie de leur travail par rapport à celui des employés d’Airbus n’est pas vraiment très nette. Il y a quelques années, Airbus s’était d’ailleurs vu imposer de cesser de faire travailler in situ des sous-traitants (ce qui avait d’ailleurs compliqué le travail de ceux-ci, les échanges directs étant souvent plus efficaces que les échanges par email ou par téléphone).

Face à ceux qui revendiquent qu’Airbus embauche suffisamment et cesse de développer la sous-traitance, certains délégués de FO ou de la CGC expliquent que, finalement, le fait de sous-traiter des tâches est positif pour les salariés d’Airbus : « En cas de retournement de la conjoncture, il suffira de reprendre ses tâches aux sous-traitants. On évitera ainsi les risques de licenciement de personnel Airbus… ». Tant pis pour le personnel des sous-traitants.

Ces arguments restent oraux, aucun syndicat n’ayant assez de culot pour les écrire, mais ils ont malheureusement l’oreille d’une partie des travailleurs.

Et les tâches en sous-traitance qu’on rapatrie

Or, dans le même temps qu’il ouvre des tâches à la sous-traitance, Airbus en reprend d’autres : ainsi, une entreprise de services informatiques a vu sa charge de travail pour Airbus baisser en quelques mois de 30 %. Il faut dire qu’elle travaillait pour le secteur Recherche et Développement, et que, actuellement, Airbus préfère vivre sur la vente des modèles actuels et n’est pas pressé de développer des modèles vraiment nouveaux. C’est ainsi qu’elle a choisi de remotoriser le vieil A320 plutôt que de se lancer dans le développement d’un appareil entièrement nouveau. Du coup, ce secteur est en baisse d’activité et le sera encore plus quand le dernier né, l’A350, sera opérationnel dans toutes ses versions. Donc, on rapatrie les tâches en sous-traitance… en demandant aux sous-traitants de transmettre leur savoir-faire. Ce qu’ils font, dans l’espoir de jours meilleurs quand Airbus aura à nouveau besoin d’eux.

Même jeu de chaises musicales chez Thalès

Dans la région toulousaine, c’est parfois un véritable jeu de chaises musicales : ainsi le secteur satellite de Thalès ayant un carnet de commande au plus bas, Thalès a rapatrié les tâches qu’il avait confiées à Astrium… qui lui-même demande maintenant au sous-traitant qu’il utilisait pour d’autres tâches de lui transmettre son savoir-faire pour qu’il puisse reprendre ces tâches. Mais, dans l’autre sens, comme on manque de travailleurs qualifiés dans certains métiers, les sous-traitants de rang supérieur ou Airbus n’hésitent pas à recruter, avec des paies plus alléchantes, directement chez leurs sous-traitants…

Quant à l’intérim, il continue à être important dans l’aéronautique toulousaine : plus de 8 % chez Airbus, mais près de 15 % chez Latécoère. Il reste la voie « classique » pour la sélection avant l’embauche.

Sous-traitance et délocalisation

Par ailleurs, Airbus impose à ses sous-traitants d’effectuer une partie de leur travail en « zone dollar ». C’est pour « amortir » les effets des fluctuations monétaires mais aussi, comme la « zone dollar » comprend pas mal de pays pauvres, pour baisser les coûts de production. Parfois, c’est dans l’Union européenne, en Roumanie, que des filiales d’Airbus délocalise des activités (c’est le cas de la filiale allemande Premium Aerotech). Aerolia, créée en 2007 en filialisant une partie d’Airbus, s’oriente, elle, vers la Tunisie.

Un cas intéressant : Latécoère, sous-traitant « historique » d’Airbus, a créé une filiale dédiée au câblage, Latelec, qui, en plus de son usine française, a ouvert deux usines en Tunisie du temps de Ben Ali. Les effectifs y sont montés à 900, dépassant largement les effectifs en France. Seulement Ben Ali est tombé et les travailleurs tunisiens ont relevé la tête et fait grève pour imposer une amélioration de la paie et des conditions de travail. Latelec a réagi en organisant un lock-out d’un mois puis en licenciant de manière illégale trois déléguées de l’UGTT. Tout cela a entraîné des retards de livraison à Airbus et une baisse de la marge opérationnelle. Les « troubles sociaux » auraient fait perdre 18 millions d’euros (sur un chiffre d’affaires de 580 millions). Du coup, Latécoère vient de décider le rapatriement d’une partie de la production tunisienne en France (pour partie chez des sous-traitants…) et l’envoi d’une autre partie dans une nouvelle usine au Mexique. Les effectifs en Tunisie vont passer de 900 à 700. En fait, Latécoère, qui a réussi difficilement à se maintenir en « sous-traitant de rang 1 d’Airbus » veut lui-même que les travailleurs de ses sous-traitants et de ses filiales soient dociles et acceptent de bas salaires.

Retour de bâton

En mars dernier, les travailleurs d’un sous-traitant de la logistique, Kuehne & Nagel, dont la maison-mère est en Suisse, se sont mis en grève, essentiellement sur les salaires (on demande à certains employés d’être trilingues, pour 1 500 euros mensuels...). Ils ont perturbé la production tant par leur absence dans les magasins (leur patron, anticipant la grève, avait gonflé les stocks de pièces mais il fallait bien du personnel pour les sortir des magasins) que par leurs diffusions de tracts aux portes d’Airbus et les bouchons qu’ils ont créés.

Il n’y a pas si longtemps, leur travail était fait en interne par Airbus. La grève a échoué (la prime accordée ne compensant pas les retenues pour grève) mais elle a permis à certains travailleurs d’Airbus de prendre conscience de la situation des travailleurs de la sous-traitance, même si la collecte de solidarité organisée par la CGT Airbus a eu un bilan décevant.

Par ailleurs Kuehne & Nagel a fait venir des travailleurs d’Allemagne et d’Espagne pour remplacer les grévistes. Mais quand les collègues espagnols ont compris qu’on ne les faisait pas venir pour une surcharge momentanée mais pour briser une grève ils ont préféré repartir. Mais on a aussi vu arriver, en toute illégalité cette fois, des intérimaires, dont la présence a été constatée par un huissier mandaté par un juge !

15 avril 2013, Félix RODIN

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