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Toujours à obtenir : régularisation de tous les sans-papiers !

14 avril 2000

L’intervention des flics contre des étudiants occupant un local de l’université de Saint- Denis, afin de réclamer la régularisation de leur inscription, a remis quelque peu le problème des sans-papiers sous les feux de l’actualité.

Certes tout le monde se rappelle les sans-papiers qui, il y a quelques années, sous le gouvernement de droite de Juppé, avaient occupé l’église Saint-Bernard à Paris, et les centaines d’autres qui dans toute la France, étaient sortis de l’isolement et de l’anonymat, pour réclamer le droit de vivre, d’avoir un logement, un travail. Pour tout cela, il faut en effet des papiers. Comme il en faut quand on est étranger pour s’inscrire dans une université. C’est pour cela que des étudiants de Nanterre, Saint-Denis, Toulouse ou Lille ont décidé à leur tour de se battre pour leurs droits.

Jospin s’était engagé durant sa campagne électorale à régulariser les sans-papiers. Il a remplacé Juppé depuis près de trois ans maintenant, mais la promesse n’a pas été tenue. 80 000 personnes auraient bien reçu leur régularisation, mais celle-ci aurait été refusée à un nombre presque aussi grand. Et c’est sans compter tous ceux qui, prudents, ont préféré attendre avant de se signaler ainsi aux services de la police. Car la circulaire pondue le 24 juin 1997 par Chevènement, à peine promu Ministre de l’Intérieur, comme celles qui ont suivi, a aussi rationalisé et augmenté la répression contre les travailleurs sans papiers.

Cette circulaire va, par exemple, vers la suppression de l’octroi de la carte de séjour de 10 ans, qui était renouvelable automatiquement, pour n’accorder désormais que des cartes d’un an. Pour les personnes ainsi régularisées, il faudra recommencer à se battre, chaque année, pour obtenir le renouvellement de la carte avec le risque de se voir à nouveau menacé d’expulsion. La circulaire Chevènement écarte aussi de la régularisation les parents étrangers d’enfants nés en France. Si ces derniers ont plus de 16 ans, ils ont la possibilité de devenir français, et leurs parents deviennent alors inexpulsables. Mais si les parents en question sont inexpulsables, ils restent pourtant sans papiers. Allez comprendre...

Autre incohérence... Parmi les « faisceaux d’indices » pris en compte comme preuves de l’insertion dans notre belle France du candidat à la régularisation figurent les justificatifs de ressources issues d’une activité régulière. Or si bien des sans-papiers travaillent (pour pouvoir manger et survivre... cela peut servir, non ?), chacun sait qu’ils ont souvent peu de preuves, car normalement ils n’ont pas le droit de travailler et beaucoup de patrons les emploient au noir justement, soit pour éviter eux-mêmes les ennuis, soit pour pouvoir les exploiter davantage.

La lutte des étudiants sans papiers ne fait donc que rappeler que les étrangers pauvres n’ont pas été gâtés par Jospin et Chevènement, qu’ils soient étudiants ou travailleurs (évidemment s’ils sont investisseurs, ils sont reçus différemment...). Ainsi la circulaire du 29 octobre 1991, qui a mis en place la vérification du « sérieux et de la réalité des études » non plus par les universités mais par... les préfectures (comme chacun sait bien plus à même que les professeurs de juger les étudiants !) a été gardée par le gouvernement PS-PCF-Verts.

Un exemple de ce que cela peut donner : le Conseil d’Etat a estimé qu’un étudiant étranger ne pouvait être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études dès lors qu’il s’inscrivait « en première année de DEUG pour la deuxième année consécutive et alors que depuis trois ans il n’avait été reçu à aucun des examens auxquels il s’était présenté ». Cette situation, bien des étudiants français obligés de travailler tout en poursuivant leurs études la connaissent, et parmi eux un nombre certain la surmonte. Pour un étudiant étranger cela veux dire l’expulsion.

Un étudiant peut donc être valablement accepté par l’université, et se voir refuser le renouvellement de son titre de séjour !

Les étudiants sans papiers ont donc bien raison de se battre. Comme les travailleurs sans papiers qui continuent leur combat dans des conditions difficiles, contre un gouvernement qui voudrait bien les faire oublier ou laisser croire que ce problème est réglé. Leur combat aux uns et aux autres est fondamentalement le même. Et il faut espérer qu’ils sauront surmonter les divisions suscitées par certains, que ce soit les organisations et politiciens de gauche français qui continuent à expliquer qu’on ne peut régulariser tout le monde mais seulement au cas par cas, ou les courants nationalistes des pays d’origine qui voudraient bien laisser les sans papiers à la disposition des chefs communautaires de tous poils.

Leur combat fait surtout partie de celui de tous les travailleurs de ce pays. Ce n’est pas l’ouvrier sans papiers qui travaille dans un atelier clandestin du XIIIe de Paris qui est l’étranger. Ce sont les Michelin et tous les licencieurs qui sont les étrangers au monde du travail. La classe ouvrière n’a aucun intérêt à ce qu’une partie d’entre elle soit traitée en hommes ou femmes de deuxième classe, désignés comme des marginaux, des gens louches et à problèmes. Cela, c’est du seul intérêt du patronat, qui les emploie dans ses entreprises, clandestines ou pas... La régularisation de tous les sans-papiers est bien une revendication de tous les travailleurs, français ou immigrés.

Julien CERISIER

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