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Terroristes fous et terroristes d’Etat, contre les peuples

10 septembre 2004

Qui sont-ils donc, ces femmes et hommes d’un commando terroriste qui ont pris en otages plus d’un millier d’enfants, parents et enseignants qui fêtaient la rentrée scolaire ? Des barbares, des fous ? Le bilan officiel du carnage serait de 338 morts dont 156 gosses, près de 200 disparus et 700 blessés que l’infrastructure médicale de la province russe d’Ossétie du nord n’a pas pu prendre correctement en charge. Mais il n’est que provisoire, des témoignages feraient état de 500, voire 600 morts. Cette nouvelle prise d’otages en Russie, après celle du théâtre de Moscou en 2002, et une multitude d’attentats aveugles, ne peut qu’être violemment condamnée. Nous partageons la douleur et la colère de la population touchée. Aucune cause ne peut justifier le recours à de tels moyens. Et de tels moyens desservent d’abord la cause du peuple tchétchène s’il s’avère que ce commando terroriste agit en son nom.

Pour le président russe Vladimir Poutine, il n’y a pas de doute. La Russie serait la cible du « terrorisme international ». Le commando aurait compté des tchétchènes, des Ingouches, mais aussi des « mercenaires d’origine arabe » liés à Al Qaïda. Et de justifier ainsi que des troupes russes, fortes de chars et de canons, n’aient pas fait de quartiers. De justifier maintenant que la population russe, toute la population, et surtout ceux qui oseraient critiquer sa politique, serre les coudes derrière le chef. Et silence dans les rangs.

Pourtant, si les responsabilités réelles restent confuses, la culpabilité de Poutine dans le bain de sang est indéniable. A divers titres. La guerre contre la Tchétchénie, reprise avec l’arrivée de Poutine au pouvoir il y a 5 ans, a transformé ce petit pays en un champ de ruines. Quasiment plus une maison, plus un édifice public qui ne soit touché. Les pouvoirs spéciaux donnés à l’armée russe, de massacrer, torturer, violer ont évidemment excité la résistance en retour. D’où un engrenage infernal, de sang mais surtout de haine, voulu et calculé par Poutine pour échauffer le racisme anti-caucasien qui sévit en Russie, asseoir dessus son pouvoir. En Ossétie comme en Russie, bien des gens fort heureusement ne sont pas dupes. D’où la colère, contre les auteurs de la prise d’otages mais aussi contre Poutine qui n’a pas cherché à négocier, pas envisagé de céder quoi que ce soit. Par des manœuvres de gangster, il a éliminé de la circulation des journalistes ou personnalités volontaires pour une médiation. Il voulait se montrer une nouvelle fois impitoyable.

Mais ce petit caudillo est un des « grands » de ce monde, adulé et félicité par ses pairs, au premier rang desquels Bush et Blair, Sharon et Berlusconi, Chirac et Schröder. Trois jours avant la tuerie de Beslan, les deux derniers étaient ensemble à Sotchi en Crimée, non loin du lieu du drame, pour féliciter Poutine d’avoir si bien truqué les élections tchétchènes ! Et après le carnage, ils lui ont donné un satisfecit sans réserves. Au nom de leur prétendue lutte commune contre le terrorisme international.

Certes le terrorisme sévit, d’autant que les courants intégristes comme celui de Ben Laden ont été aidés par des politiciens et financiers des Etats-Unis et d’ailleurs, pour combattre à l’époque l’influence de « progressistes » du tiers monde. En Egypte, en Afghanistan, en Palestine notamment. Et même en France, les Chirac et les Sarkozy se félicitent secrètement qu’une partie des jeunes, d’origine africaine ou maghrébine, soit sous la coupe de « barbus ». Autant qui seront moins tentés par la contestation de classe ?

Les médias n’ont pas manqué de souligner que les félicitations de Chirac à Poutine étaient quelque peu contradictoires avec le doigté dont il aurait fait preuve avec ses otages à lui, les deux journalistes et leur chauffeur, toujours prisonniers en Irak. Nul doute que la diplomatie chiraquienne s’est activée pour leur libération. Elle a trouvé l’appui des grandes églises et des grands partis. Tant mieux si dieux et diables ont été requis et que les otages en sortent indemnes. Mais on ne nous fera pas avaler pour autant la sauce autour, selon laquelle la République française serait garante du bonheur des peuples arabes, étrangère à la violence dans cette partie du monde. N’oublions pas, ni les interventions militaires passées (en particulier la guerre d’Algérie dont Poutine s’est probablement inspiré en Tchétchénie) ni la participation présente de l’armée française aux opérations en Afghanistan. Chirac, de fait, est attaché non au bonheur des peuples, mais à celui des marchés et investissements français au Moyen-Orient.

Certes, il faudrait en finir avec le terrorisme, avec des gangs qui se nourrissent du désespoir engendré par la misère et les guerres des grands Etats contre les peuples. Cela concerne au premier chef le mouvement ouvrier. Lui et lui seul aurait la capacité de désamorcer le terrorisme, s’il reprenait force et espoir, et ré-offrait à tous les exploités et opprimés des perspectives de changer le monde.

Michelle VERDIER

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