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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 51, mai-juin 2007

TSI-Advantys (SNCF) : pour les travailleurs du nettoyage la grève… c’est la guerre !

Mis en ligne le 10 mai 2007 Convergences Entreprises

Le jeudi 19 avril, les 150 ouvriers de TSI-Advantys, société de manutention et de nettoyage ferroviaire, des chantiers de Masséna et d’Austerlitz (Paris), reprenaient le travail après 29 jours de grève, à 90 %.

La direction de TSI a fini par céder sur une bonne partie de leurs revendications : le passage de 15 temps partiels subis à temps complets d’ici fin 2007 et d’autres ensuite ; la juste attribution d’une prime jusqu’ici versée arbitrairement ; la requalification selon la convention collective de certains « étaleurs » (literie) ; enfin le retrait de toutes les sanctions et poursuites engagées durant le mouvement contre des grévistes et représentants syndicaux.

« TSI esclavage… »

Ce slogan scandé tout au long de la grève résume à lui seul la situation des salariés des sociétés sous-traitantes dans le nettoyage mais aussi la restauration :

  • Salaires de misère : entre 800 et 1 240 €, toutes primes comprises (attribuées à la tête du client), avec travail de nuit, dimanche et fêtes, même après 30 ans d’ancienneté !
  • Extrême précarité : 12 % d’intérimaires officiellement, de nombreux temps partiels imposés (contrats de 130 heures par mois, voire de 104 heures, soit 4 heures par jour) complétés par un minimum de 17-18 heures supplémentaires par mois… mais non payées. Au final, une journée complète de travail, mais payée à temps partiel !
  • Travail de plus en plus dur, conséquence du non remplacement des départs (35 depuis 2000) : 4 ou 5 pour nettoyer un train il y a dix ans, ils ne sont plus qu’un seul aujourd’hui… et parfois pour plusieurs trains ! Et ce, sous les pressions quotidiennes des chefs, dont l’arrogance et le mépris ont aussi été à l’origine de la grève.

« …SNCF complice ! »

Complice, la SNCF l’est à plus d’un titre. D’abord comme toutes les entreprises qui sous-traitent certaines de leurs activités, lorsqu’elle passe des marchés, elle choisit systématiquement l’offre de prix la plus basse. Ce qui se traduit par un véritable dumping social. Elle est donc entièrement responsable des conditions de travail et de salaires déplorables pratiquées par ses sous-traitants.

Mais ce n’est pas tout. La SNCF est intervenue directement dans le conflit en faisant tout pour casser la grève. Elle a fait remplacer les grévistes de la literie par ses propres cadres et, pour protéger ceux-ci, a appelé toute une armada de policiers (police ferroviaire et nationale), de CRS et de maîtres-chiens. Elle a fait appel à une autre société de sous-traitance, Challancin et a permis à TSI de faire venir des intérimaires, pour traiter des trains qu’elle envoyait sur d’autres chantiers de la région parisienne, à Étampes ou à Villeneuve Prairie. Enfin, elle a déposé plainte contre les grévistes pour avoir… sali des oreillers et des couettes. Un soutien inespéré à TSI qui a pu ainsi tenir plusieurs semaines sans répondre aux demandes de négociations des salariés. La SNCF n’a donc pas hésité à user de méthodes jusqu’ici plutôt observées dans des boîtes aux traditions patronales « dures », comme Citroën. Une première à ce niveau !

L’expérience de la lutte

Face à ce front TSI-SNCF, la détermination des grévistes n’a jamais faibli. Elle s’est même renforcée à chaque nouvel obstacle rencontré et que TSI et la SNCF accumulaient devant eux : convocations au tribunal, saisi par TSI dans le but de faire déclarer la grève illégale. Ledit tribunal a refusé cela… mais a décidé l’expulsion des grévistes du chantier ; présence permanente d’huissiers (payés 300 € de l’heure par TSI), chargés de ficher les travailleurs « en infraction » et d’envoyer des lettres de commandement à quitter les lieux ; confrontation à la police, appelée par la SNCF pour empêcher les grévistes d’interpeller les cadres qui les remplaçaient mais qui face au calme des grévistes a dû se retirer très vite ou se tenir à distance ; convocations au commissariat sur plaintes de la SNCF.

Très vite, l’incompréhension des travailleurs, traités comme des criminels, eux qui réclamaient simplement de quoi vivre décemment, a fait place à une colère qui est montée crescendo et n’a cessé de les aiguillonner. Ils iraient jusqu’au bout dans cette « guerre » (un terme employé par plusieurs grévistes) !

Mais la force des grévistes a reposé surtout sur leur organisation. Chaque jour, ils décidaient ensemble, en assemblée générale, de la reconduite de la grève et des actions à mener de nuit comme de jour. Pour diriger, ils ont élu un comité de grève, constitué de 12 personnes choisies parmi les grévistes les plus en pointe, et qu’ils ont réélues plusieurs fois en AG. Une expérience entièrement nouvelle pour ces ouvrières et ouvriers habitués à laisser parler et faire les délégués syndicaux… comme pour ces mêmes délégués d’ailleurs, dont certains se sont emportés violemment contre « les ouvriers qui proposent des idées à la place des délégués ».

Cette cohésion construite au jour le jour, ensemble dans les décisions comme les discussions, c’est ce que retiennent avant tout les grévistes. C’est le sens du « tous ensemble » qu’ils ont entonné à la reprise et reprennent dès qu’ils se retrouvent.

Les difficultés d’étendre la grève

Un « tous ensemble » qui s’est bien traduit par le souci de s’adresser aux cheminots et leurs syndicats tout au long de la grève, avec un certain succès (débrayage dans l’Atelier SNCF de Masséna). Mais avec une limite quand il s’agissait de s’organiser pour étendre à d’autres chantiers de TSI (à l’exception du Nettoyage de Paris-Austerlitz qui les rejoindra). Il y a bien eu quelques actions en direction de l’extérieur : tracts aux voyageurs à Austerlitz, délégation au meeting d’Arlette Laguiller avec pancartes et banderoles, organisation d’une rencontre avec Olivier Besancenot accueilli par une soixantaine de grévistes, suivie d’un défilé dans la gare, etc.

C’est pourtant l’entrée dans la grève, au 28e jour, des 40 nettoyeurs de la gare d’Austerlitz qui a fait basculer le conflit. Devant la menace d’extension de la grève, qui de plus devenait visible (le sol de la gare commençait très vite à se couvrir de déchets), la SNCF opérait le lendemain un tournant à 180 degrés : elle retirait ses cadres. Et quelques heures plus tard, TSI cédait…

Cette victoire, les ouvriers de TSI n’ont pas fini de la savourer. Lors de la reprise, ils notaient un net changement : les chefs méprisants les appellent désormais « Messieurs-dames » et baissent la tête. Ils ont aussi collectivement refusé de travailler dans des trains non climatisés. Le respect de leur dignité : c’est aussi une des conquêtes de la grève. Et pas des moindres pour ces travailleurs qui jusque-là se qualifiaient eux-mêmes d’« invisibles »…

4 mai 2007

Agathe MALET

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