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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 78, novembre-décembre 2011

Syrie : 41 ans de défiance et de complicité avec l’impérialisme

24 novembre 2011 Convergences Monde

Pendant les 41 ans où la famille des Assad a contrôlé la Syrie, l’Europe et les USA ont entretenu des relations houleuses mais souvent complices avec ce régime. Hafez el-Assad et son fils Bachar ont été des tyrans locaux indisciplinés mais efficaces pour garantir le maintien de l’ordre en Syrie et dans la région, au grand bénéfice des intérêts impérialistes.

Une dictature nationaliste proche de l’URSS...

En novembre 1970, le Général Hafez el-Assad prend le pouvoir par un coup d’État. Comme bien d’autres dictatures militaires nationaliste du tiers-monde des années 1970 et 1980, celle de Hafez el-Assad joue des rivalités Est-Ouest, en s’alliant plus ou moins avec l’URSS. Le clan des Assad confisque les postes clés et s’appuie essentiellement sur la minorité alaouite à laquelle il appartient [1] pour imposer sa volonté au reste de la Syrie composée d’autres minorités ethniques et religieuses (Kurdes, Druzes, Chrétiens maronites, Arméniens.... et 70 % de Sunnites). Le régime, au service d’une bourgeoisie locale arrogante, se dédouane par un nationalisme agressif et participe en 1973 à la guerre du Kippour contre Israël.

... mais aussi liée à l’extrême droite chrétienne libanaise

Le régime syrien lorgne sur le Liban, jadis détaché de la Syrie par les soins de l’impérialisme français. La guerre civile de 1975 au Liban, entre miliciens d’extrême droite – proches de la bourgeoisie chrétienne maronite et des gouvernements occidentaux – et milices pro-palestiniennes – alliées aux combattants des partis de gauche libanais – donne à la Syrie l’occasion d’intervenir. Dans cette « Suisse du Moyen-Orient », comme on surnomme alors le Liban, par la place qu’il avait dans la finance et le commerce de la région, il s’agit d’éviter une défaite militaire de l’extrême droite libanaise. La Syrie, inquiète elle aussi par la contestation sociale et la contagion de la rébellion palestinienne, envoie ses troupes au Liban en 1976, avec le feu vert des pays impérialistes.

Les armées syriennes empêchent le camp pro-palestinien et les partis de gauche de prendre le pouvoir. La Syrie s’impose ainsi au Liban dans le rôle d’arbitre entre les camps, sous l’œil bienveillant des grandes puissances et des autres régimes arabes. Mais elle y joue aussi sa propre carte, avec jusqu’à 35 000 soldats sur place : opposition à la présence israélienne, contrepoids à l’influence française (avec l’assassinat de l’ambassadeur de France au Liban en 1981, attribué aux services secrets syriens), aide au Hezbollah, conflit armé avec le Premier ministre libanais proche de la France, le Général Aoun...

Stabilité de la région oblige, la France comme les USA s’accommodent de la présence syrienne au Liban. Les accords de Taëf en 1989, censés mettre fin à la guerre entre fractions rivales libanaises confirment ce protectorat de la Syrie sur le Liban puisqu’ils prévoient que les troupes syriennes restent dans le pays, dans la plaine libanaise de la Bekaa, proche de la frontière syrienne.

Assad (père) aux côtés de Bush (père) dans la guerre du Golfe

La chute de l’URSS accélère un rapprochement d’Hafez el-Assad avec les États-Unis : la Syrie engage 21 000 hommes dans la guerre du Golfe de 1990-1991 contre Saddam Hussein, plus même que le contingent français.

La France se situe en pointe dans ce rapprochement entre la Syrie et les grandes puissances. Confirmé par le voyage de Jacques Chirac en 1996 à Damas, puis par la visite du tyran syrien à Paris en 1998. Chirac fait l’éloge du despote dans la presse syrienne : « La relation que j’ai nouée avec le président Hafez El-Assad depuis longtemps est solide et confiante. [2] » À l’enterrement d’Hafez el-Assad en juin 2000, Jacques Chirac est l’unique dirigeant occidental présent, pour saluer l’« homme d’État attaché à la grandeur de son pays et au destin de la Nation arabe, (et qui) aura marqué l’Histoire pendant trois décennies ». Bachar el-Assad accède alors à la tête du pays à la mort de son père et reprend d’actives relations avec la présidence de Chirac. Des fonctionnaires français sont même envoyés à Damas pour améliorer l’administration syrienne. Après le 11 septembre 2001, Bachar el-Assad accepte aussi d’aider le gouvernement Bush dans sa guerre sainte contre le terrorisme sunnite d’Al-Qaida.

Amours, désamours

Mais la situation s’envenime : se sentant menacé par les troupes américaines en 2003 avec l’occupation de l’Irak, et face à l’armée israélienne qui occupe les hauteurs du Plateau du Golan à 60 kilomètres de Damas, le régime syrien durcit son attitude envers les USA. En 2004, sur une initiative française et américaine, l’ONU adopte la résolution 1559 qui exige le retrait des troupes syriennes du Liban, le respect de la constitution et le désarmement de l’allié local des syriens, le puissant Hezbollah. L’assassinat en 2005 de Rafiq Hariri, l’ancien Premier ministre libanais, dont sont accusés les services secrets syriens (mais il avait bien d’autres ennemis), tendent les relations avec la France : ce milliardaire de la construction immobilière qui s’opposait à la présence syrienne, était devenu, depuis 1998, le grand rival du président libanais, homme de paille des Assad. C’était également un grand ami de Chirac. Sous la pression des pays impérialistes, s’appuyant sur des manifestations anti-syriennes au Liban, l’armée syrienne quitte le Liban.

Mais la victoire du Hezbollah l’année suivante contre l’invasion israélienne du Sud-Liban change une nouvelle fois la donne. Les pays impérialistes cherchent à nouveau du côté d’el-Assad, le fils cette fois, un allié pour assagir le Hezbollah et réduire l’influence du régime de Téhéran.

The business must go on

Pour la France, c’est Sarkozy qui, dès 2007, opère ce virage à 180 degrés et se met à courtiser sans retenue Bachar el-Assad avec son invitation en 2008 aux cérémonies du 14 juillet et la mise en scène du sommet de l’Union pour la Méditerranée à Paris. En même temps, Sarkozy, Lagarde et Fillon vont tour à tour à Damas faire les VRP des businessmen français : promesse d’achat d’une cinquantaine d’airbus, construction de métro et chemin de fer, investissements pour l’agroalimentaire, la distribution de l’eau, l’énergie... Total, présent en Syrie depuis 1988, y renforce ses positions à l’occasion de la visite officielle de Sarkozy.

Les grandes puissances impérialistes n’ont reproché au régime syrien que ses ambitions régionales, quand elles contrecarraient leur jeu. Jamais la dictature qu’il exerçait sur son peuple. Ni la répression, en 1982, du soulèvement, dirigé par les frères musulmans, de la ville de Hama en 1982 qui fit, selon les estimations, entre 15 000 et 30 000 morts, ni les répressions successives au Kurdistan syrien (notamment en 2004-2005). Elles sont aujourd’hui quelque peu gênées parce que la dictature d’el-Assad, après celles de Ben-Ali, Moubarak et Kadhafi, semble au bout du rouleau, et qu’il devient pressant qu’une carte de rechange en Syrie enraye la révolte.

Hersh RAY


[1Minorité représentant 10 % de la population, déjà encouragée par l’administration coloniale pendant la période de domination française avant l’indépendance de 1946.

[2Propos cités par Bakchich : www.bakchich.info/Chirac-ou-le-temp...

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