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Syndicats : « dialogue social » et « tous ensemble... les uns près les autres »

1er octobre 2002

Sur fond de poursuite des licenciements massifs dans le secteur privé, les hostilités sont déclarées de la part du gouvernement. Tout en restant prudent sur le calendrier, Raffarin a présenté avec son budget, sinon le plan précis de ses attaques, au moins l’éventail de celles qu’il prépare. Parmi les principales : la mise en cause des retraites, celle de la sécurité sociale, et « l’ouverture du capital » (pour ne pas dire la privatisation) d’entreprises comme EDF, GDF, France Télécom ou Air France.

« Mobiliser… prudemment »

Ces menaces sont loin de laisser les travailleurs sans réaction. A EDF, notamment, la journée d’action du 3 octobre suscitait une vraie mobilisation. A Air France tous les syndicats ont appelé les travailleurs à se joindre au défilé. Mais l’attitude des syndicats dans ces préparatifs n’a pas été sans ambiguïté. Dans d’autres entreprises publiques telle la SNCF, la Poste, France Télécom un appel a été lancé pour participer à la manifestation du 3, mais en se contentant de l’envoi de délégations et sans préavis de grève…

Pour le secrétaire général de la fédération de l’énergie, Denis Cohen, le 3 octobre « n’est pas un troisième tour social », mais « l’expression d’une inquiétude qui monte sur l’avenir des retraites du service public et des statuts ». S’il fallait conforter Nicole Fontaine, la secrétaire d’Etat à l’industrie, qui avait affirmé n’avoir pas le « sentiment » que la manifestation du 3 octobre « soit contre le gouvernement  », voilà qui est fait !

Cette attitude en demi-teinte est révélatrice de la politique des différentes confédérations au niveau national. Certes, les syndicats sont sur le pied de guerre : Bernard Thibault multiplie les meetings en province pour la CGT, Marc Blondel profite de la réunion du comité confédéral national de FO, la semaine dernière, pour donner une interview tonitruante à l’Humanité… Mais c’est d’abord dans la perspective des élections prud’homales. Thibault ouvre ses meetings par un clip expliquant à quel point ces élections sont importantes pour la démocratie, et les termine par un appel à bien voter le 11 décembre. Larose, secrétaire général de la CGT textile, après avoir dénoncé dans une interview les conséquences sociales du budget Raffarin, conclut en lançant un appel… aux patrons avec cette exhortation : «  On ne peut plus diriger les entreprises aujourd’hui comme on le faisait hier, à la brutalité des décisions, il faut opposer le dialogue social ». Mais c’est le Medef lui-même qui demande à relancer ce fameux « dialogue social » !

« Attendons de voir » ?

Quant à Blondel, le ton qu’il se permet dans son interview à l’Humanité du 27 septembre est radical, du moins en apparence. Il fait des comparaisons (« à FO, nous avons fait un petit calcul : les exonérations de cotisations sociales des patrons correspondent à 800 000 fonctionnaires par an. Alors, quand Seillière hurle, il faut lui répondre que c’est l’Etat qui le nourrit  ») ; il parle de la « classe de dominés qui doit se battre », explique que « les mots « classe ouvrière », « syndicalisme » ne sont plus « ringards » », et qu’« il n’existe pas 36 solutions pour se défendre ; il en est une : l’action collective ». Mais derrière ce feu d’artifice, la détermination à préparer effectivement cette lutte collective est beaucoup moins claire, et à la question de savoir « s’il pense que la rentrée sociale sera chaude », il répond : « attendons de voir ». Et s’il promet d’être intransigeant sur le maintien de la retraite à 60 ans et des services publics, pour lesquels les attaques restent à venir, sur celles qui ont déjà eu lieu comme le SMIC ou les heures supplémentaires, il laisse entendre qu’on n’y peut pas grand-chose. Certes toutes les attaques gouvernementales ne soulèvent pas la même réprobation et les réactions sont différenciées selon les secteurs de la classe ouvrière en fonction de ce qui touche le plus directement les uns ou les autres. Mais en dissociant ces attaques les unes des autres, c’est le meilleur moyen de limiter la mobilisation partout et surtout, de faire long feu d’une réaction qu’il faudrait explosive.

Blondel par ailleurs, tout en se donnant des airs radicaux, cherchant à attirer une fraction de l’électorat CGT, n’en ménage pas moins des œillades au gouvernement pour tenter de séduire aussi – qui sait ? – un certain électorat CFDT. C’est ainsi que dans sa dernière conférence de presse du 30 septembre il a tenu à affirmer qu’il « attendait beaucoup » de la cellule interministérielle de prévention des plans sociaux (Task Force) évoquée par le ministre du Travail, et a souhaité que cette « idée intéressante » se mue en « assurance pour l’emploi »… Les victimes des licenciements dont le nombre se multiplie à travers tout le pays vont-ils se prosterner et prier pour ce même espoir de salut ?

«  On a fait de nous des institutions  »

Evidemment, rien ne dit que l’automne aura la chaleur d’un 95 ; mais la moindre des choses qu’on puisse attendre d’une confédération syndicale, ça n’est pas de fournir des pronostics, mais de tout faire pour préparer la riposte. Au lieu de cela, Blondel, qui ne se prive pas de critiquer l’attitude du secrétaire général de la CFDT François Chérèque – lui qui sort (enchanté, c’est vrai) d’une entrevue avec le Medef – prévoit… d’y aller à son tour, le 7 octobre.

Le secrétaire de FO avait conclu son interview à l’Humanité par ce constat : « le problème est le suivant : en France, on a fait de nous des institutions. » C’est lui qui le dit. Et même si ce n’est pas nouveau, il faut bien constater que, élections prud’homales ou pas, pour les syndicats l’heure n’est pas franchement à la mobilisation. La simple dispersion des dates fixées pour les différentes manifestations est éloquente : à côté de la grosse journée du 3 octobre, il y a eu le 24 septembre pour les précaires de l’éducation nationale, le 26 et 27 septembre les rassemblements CGT pour la défense des retraites, le 2 octobre pour les licenciés d’Arianespace, puis il faudra attendre le 17 octobre pour les enseignants et le 26 novembre pour les cheminots…

L’espoir, c’est que les syndicats à la base, mais aussi les syndiqués et les travailleurs combatifs, imposent aux directions syndicales un autre chemin que celui des salons où l’on cause « refondation sociale », et bousculent quelque peu leurs plans si « plan-plan ».

Benoît MARCHAND

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