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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 106, juin-juillet-août 2016 > Cheminots : quatre mois de lutte malgré tous les obstacles

Strasbourg et environs : records battus en Alsace ?

Les cheminots alsaciens ont mauvaise réputation. À la SNCF on les croit serviles et peu combatifs, ce qui leur vaut d’être appelés les « casques à pointe » par des collègues d’autres régions ! Mais c’est pour rire et cette année, ils ont fait mentir les préjugés : la grève a plusieurs fois battu des records en Alsace. Fin mai, à la veille de la reconductible à la SNCF, les raffineurs tenaient bon, rejoints par plusieurs grèves dans l’énergie. Craignant un embrasement généralisé, le gouvernement a lancé une opération déminage secteur par secteur à coups de grandes promesses : après le régime de chômage pour les intermittents, la sanctuarisation des heures supplémentaires des routiers… un accord d’entreprise aux petits oignons pour les cheminots. Une vraie blague, évidemment. Preuve que Valls était aux abois, c’est le ministre des transports lui-même qui a négocié l’accord d’entreprise par-dessus la tête de la direction de la SNCF. Le président Pépy, piqué au vif, aurait même mis sa démission dans la balance. Plus pour le principe que pour le contenu, car la proposition du ministre reprenait les grandes lignes de celle de la direction (cf. le communiqué de presse de la gare d’Austerlitz).

L’accord qui en est sorti a suffi à faire crier victoire à la CFDT, qui s’est empressée de retirer son préavis, ce qui n’a pas découragé les grévistes. Ils étaient plus nombreux que jamais à Strasbourg à l’assemblée générale du premier juin. Au cours de la grève, ils ont rendu visite à des travailleurs d’autres secteurs, dont les grévistes d’Heppner, menacés de licenciement. Une belle réponse à ceux qui voulaient diviser le mouvement et renvoyer chaque secteur à ses intérêts particuliers. Pour répondre à ceux qui prétendaient que la loi El Khomri ne concernait que le privé, plusieurs cheminots strasbourgeois ont défilé le 14 juin à Paris aux cris de « travailleurs du rail contre la loi Travail ! »

À Strasbourg, Sud et la CGT ont appelé à reprendre le travail le mercredi 15 juin. Soucieux de préserver une image plus radicale, les dirigeants de Sud ont précisé qu’il ne s’agissait pas d’un appel à la reprise, mais de continuer sous une autre forme… en dénonçant l’accord d’entreprise. Sud et CGT « représentent » ensemble 51 % des cheminots et peuvent donc opposer leur veto à l’accord d’entreprise. Mais au fond, que vaudrait un veto syndical contre l’accord d’entreprise sans un puissant mouvement pour imposer autre chose ? Les syndicalistes qui n’ont plus que la dénonciation de l’accord à la bouche – mais peut-être pas au bout du stylo (voir notre encart sur la question) – croient-ils, par la seule force de leur appareil syndical, obtenir ce que la mobilisation n’a pas encore réussi à arracher ? Dénoncer leur accord d’entreprise bidon a un sens quand on veut continuer la lutte – c’est d’ailleurs ce qu’exigeaient les assemblées générales les plus combatives – mais présenter le seul veto syndical comme un moyen de continuer était une bien mauvaise excuse pour enterrer le mouvement. Seule la grève pourra nous faire gagner, que l’accord soit dénoncé ou pas.

Ceux qui proposent aux travailleurs de troquer la grève contre l’action des directions syndicales sont bien hypocrites. Aucun responsable syndical ne s’est jamais préoccupé du succès de la grève. Même à la veille de la reconductible, il fallait se lever tôt pour trouver un tract syndical. Parmi les cheminots, cette inaction a alimenté une grande colère contre les appareils. Souvent, l’indignation est restée stérile et a renforcé le découragement, mais elle a aussi fait prendre conscience que personne ne peut mener la bagarre à la place des travailleurs eux-mêmes.

La veille de la première assemblée générale, plusieurs chantiers de la gare de Strasbourg ont été couverts d’affiches, faites à la hâte, appelant à l’AG du lendemain. Un boulot qu’aucun syndicat n’avait fait.

Dès le début de la reconductible, une quinzaine de cheminots ont rédigé un texte qui allait devenir le tract de l’AG. Intitulé « les cheminots parlent aux cheminots », il s’est vite répandu dans tous les casiers. Les jours suivants, beaucoup, y compris des syndicalistes, quittaient les assemblées générales avec un paquet de ces « tracts de l’AG » et en diffusaient autour d’eux. Très vite, on en a trouvé jusque dans les chantiers isolés, où pas un tract n’était parvenu depuis des années. Ce texte n’a évidemment pas bouleversé la situation, mais il a été plus lu qu’aucun autre, car compris par tout le monde comme l’expression des grévistes eux-mêmes.

Correspondant

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