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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 103, janvier-février 2016

Renault

Spéculation boursière et course aux profits : la vraie pollution

11 février 2016 Convergences Entreprises

Un tract aurait suffi pour insuffler un vent de panique boursière sur l’action Renault. C’est en tout cas ce que titraient les médias… En une demi-heure, l’action Renault perdait 20 %, ce qui dans le monde souvent irréel de la finance était présenté comme une perte de 4 milliards d’euros. Avant de remonter un peu en fin de journée. Comment un tract a-t-il bien pu avoir une telle puissance ?

Une demi-colonne pour faire trembler la bourse ?

Le tract en question, de la CGT du centre technique Renault de Lardy, faisait simplement état des perquisitions menées par la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le site pour déterminer si, oui ou non, une nouvelle affaire Volkswagen couvait chez le constructeur français. La reprise de l’information par la presse a donné un coup de blues aux actionnaires. Réaction en chaîne, le yoyo de la bourse a fait sursauter le gouvernement qui s’est empressé de voler au secours du constructeur. Ségolène Royal affirmait quelques heures après qu’elle maintenait sa confiance totale en Renault. Macron a fait de même, lui dont le ministère, pourtant, dirige le service de répression des fraudes envoyé enquêter chez Renault. Tandis que le député socialiste de Paris, Christophe Caresche, partait en guerre contre la CGT qui « avait eu tort » de divulguer l’information.

Non seulement la CGT de Lardy s’est retrouvée sur la sellette, mais même le secrétaire général de la confédération CGT, Philippe Martinez, interrogé sur France Inter quelques jours plus tard, se voyait reprocher la diffusion de l’information sur les fameuses perquisitions puisqu’il justifiait le tract de Lardy. Qu’un journaliste reproche à des syndicalistes leur transparence sur l’information, ça en dit long sur sa conception du métier.

Tout ce beau monde se mettait au chevet de véritables malades imaginaires : les grands actionnaires veillant jalousement sur leurs dividendes. La direction de Renault n’oublie pourtant pas de les choyer : lorsqu’elle avait annoncé la suppression de 7 500 postes en 2013, l’action avait pris presque 2 % en une seule séance. Faudrait-il que les travailleurs se soucient du cours de la bourse, alors qu’il se fait sur leur dos ?

Le cours de l’action contre la courbe de l’emploi

Malgré sa politique de casse de l’emploi, Renault a continué à recevoir de l’État 220 millions de Crédit impôt recherche, y compris en utilisant des moyens ouvertement frauduleux comme la création de filiales factices dont l’unique objet est la réception de ces subventions. Tout cet argent, inutile de dire que les salariés n’en ont pas vu la couleur. Le tract CGT, visé pour avoir mis le feu aux poudres, parlait d’ailleurs essentiellement de cela : des problèmes d’emplois dans la boîte et de la nécessité d’embaucher, faisant suite à une pétition signée par un tiers des salariés du site exigeant l’embauche des prestataires.

Mais les militants syndicaux qui dénoncent les malversations des patrons et qui cherchent à organiser une contre-attaque sont évidemment dans le viseur du gouvernement et du patronat. Ils sont aussi dans le viseur de syndicats trop contents d’accepter le rôle de clown dans ce qu’on nomme le « dialogue social ». Ainsi le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly condamnait le tract de la CGT Lardy accusé de révélations « prématurées », suivi du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, estimant que « l’expression syndicale, ça se maîtrise » et que « les conséquences sont d’abord risquées pour les salariés ». Exactement le même chantage que celui que diffuse en sous-main par la direction de Renault à Lardy sur le thème « attention à vos emplois ». Tandis que dans l’entreprise, la CFDT et la CGC tiraient à boulets rouges sur la CGT. En clair, il faudrait la fermer. Ce que Laurent Berger appelle la « maîtrise » de l’expression syndicale.

COP 21 pour la galerie, omerta pour les ateliers

Le gouvernement avait fait, pas même un mois plus tôt, son grand show écologique. Renault était même parmi les sponsors de la COP 21. Mais informer le public des problèmes de dépassement des normes de pollution serait aussi un crime de lèse-CAC 40.

Après tout, les militants de Lardy ont en quelque sorte joué un rôle de « lanceurs d’alerte ». En effet, les arrangements pernicieux des constructeurs automobiles avec les normes de pollution sont scandaleux. Une étude révélait en octobre 2015 que les moteurs Diesel des Renault Espace rejetaient en fonctionnement réel 13 à 25 fois plus de NOx (oxydes d’azote) qu’en conditions de test. Et pour cause : les constructeurs exercent un lobbying intensif sur la commission européenne qui gère la définition des normes. Au bout du compte, les normes proposées ne correspondent plus à rien et certains mécanismes de dépollution ne fonctionnent quasiment qu’en condition test. Ainsi, par exemple, les tests ont lieu autour de 20 °C et, étonnamment, le système de dépollution ne s’actionne qu’au-dessus de 17 °C. Dans les tests, à 20 °C, ça marche. Mais dans la circulation ? Pour un Francilien, cela signifie que, 8 mois sur 12, son système de dépollution ne fonctionne pas...

Renault, comme toutes les grandes entreprises, s’arrange avec les normes qu’elle définit à sa manière sans se soucier ni des problèmes de santé publique et encore moins des conditions de travail de ses salariés. Qu’importe que les émissions de particules fines (dont l’industrie automobile n’a d’ailleurs pas le monopole) soient responsables de 42 000 décès prématurés par an. En poursuivant sa politique de moindre coût, Renault fixe comme objectif aux salariés développant les systèmes de dépollution de les faire fonctionner au strict minimum, c’est-à-dire dans les conditions de tests d’homologation, soit une zone de fonctionnement très réduite. Pour dépolluer dans toutes les conditions réelles de fonctionnement, il faudrait allouer des moyens et embaucher, tout l’opposé des 2 000 suppressions de postes dans l’ingénierie depuis trois ans.

Cette course au profit fait beaucoup de ravages sur son passage. Les actionnaires n’en ont rien à faire. Ils n’ont poussé un coup de gueule que pour leurs dividendes. Et nous, quand pousserons-nous notre coup de colère ?

28 janvier 2016, Lucien MASSA


Ironie du sort ?

Le 15 janvier, un jour après le coup de grisou sur les actions Renault, le journal économique espagnol El Economista révélait, avec une pointe d’ironie, que le vice-président du Service de qualité et satisfaction du client du groupe Renault avait vendu récemment pour 2,6 millions d’euros d’actions de l’entreprise. En deux fois, la première le 23 décembre (pour 700 000 euros), la seconde le 30 décembre (pour 1,6 millions). Elles se vendaient alors à 93 euros pièce, avant une chute à un peu moins de 78 euros lors de la sombre journée du 14 janvier.

Sacré veinard ! Comment le responsable de la qualité aurait-il pu se douter que, quinze jours plus tard, des soupçons sur la qualité allaient troubler le cours des actions Renault ? Puisqu’il n’avait pas encore lu le tract CGT. Mais de nos jours les réveillons de Noël et du 1er janvier sont si coûteux ! ■

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