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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 15, mai-juin 2001 > DOSSIER : Les services publics ne sont pas une marchandise

Soldes sur les services publics en Europe

1er juin 2001 Convergences Monde

L’Accord général sur le commerce des services (AGCS), ratifié en 1994 organise, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la libéralisation progressive et totale de tous les services dans les États signataires. En effet, les industries de services sont le secteur en plus forte croissance dans l’économie mondiale. Les services de santé et d’éducation viennent en tête avec respectivement 3500 et 2000 milliards de dollars. En tant que principal fournisseur de services (avec les États-Unis), l’Union européenne est la plus zélée des promoteurs de l’AGCS.

La marchandisation des services publics

Après les télécommunications, le tourisme, la construction, les banques et les assurances, la commission européenne s’attaque par le biais de gouvernements zélés à la poste et aux transports aériens. De nouveaux secteurs sont appelés à s’ouvrir à la concurrence et à la convoitise des grands groupes. L’AGCS ne concerne pas moins de 160 secteurs, l’Union Européenne ne s’est engagée « que » sur 120 (!) : la santé, l’éducation, la recherche, la protection sociale, la culture, l’audiovisuel, les transports, l’environnement, l’eau ou l’énergie ne sont pas considérés comme des droits mais comme d’énormes marchés convoités par des firmes transnationales. L’accord autorise momentanément des « restrictions, réserves ou exceptions », mais impose de les éliminer à terme. Seuls resteraient du domaine de l’État les secteurs dits « gouvernementaux », c’est-à-dire la police, l’armée, la justice et la fiscalité. L’objectif de l’AGCS est clair : il s’agit de la négation du principe même de service public, dont le rôle est d’assurer un accès égal aux prestations à toutes et à tous, via les subventions ou les tarifs préférentiels, sous prétexte d’« harmonisation » et de « respect des règles de concurrence ».

Comment libéraliser « sans avoir l’air d’y toucher » ?

Pour éviter de déclencher un « tollé » général, l’OMC a élaboré plusieurs moyens techniques qui permettent la lecture la plus « libérale » des textes de l’AGCS :

  • « capturer » de nouveaux secteurs par la révision des nomenclatures des secteurs de services pour lesquels les gouvernements se sont le moins engagés car les plus sensibles politiquement : la gestion des hôpitaux ou de la sécurité sociale pourraient se retrouver sous la rubrique « management », « comptabilité » ou « services aux entreprises »... reclassifier les catégories de services permet de les faire glisser sur les listes des secteurs dont l’ouverture au marché est prévue à court terme.
  • l’approche dite « horizontale » : une règle approuvée pour les services de comptabilité, par exemple, s’appliquerait automatiquement à l’ensemble des sous-domaines répertoriés. Ouvrir le marché dans un domaine équivaut à l’ouvrir dans tous les autres, que l’on considère ou non la santé et l’éducation comme des marchés.
  • Supprimer les législations « plus rigoureuses que nécessaires pour assurer la qualité du service » : l’OMC peut qualifier d’« entraves non nécessaires au commerce » toute législation en matière de service (particulièrement les monopoles de service public). L’AGCS, (§ 42, note d’information S/C/W/50), considère la Sécurité Sociale comme un de ces obstacles : « trois types de réglementation peuvent directement affecter l’offre ou la demande de services médicaux ou de services de santé. Il s’agit des règles et pratiques gouvernant le remboursement dans les régimes d’assurance obligatoire (régimes publics et privés) (...) ». Dans ce cas, l’article VI prévoit que « chaque membre maintiendra ou instituera (...) des tribunaux (...) qui permettront, à la demande d’un fournisseur de service affecté, de réviser (...) les décisions administratives affectant le commerce des services et dans le cas où cela serait justifié, de prendre des mesures correctives appropriées ».

Depuis longtemps déjà, les gouvernements européens (pour l’essentiel sociaux-démocrates) ont préparé le terrain à l’application des accords de l’AGCS :

  • en cassant l’intégration verticale propre aux services publics, comme cela a déjà été le cas pour la SNCF : l’entretien du réseau, les services aux voyageurs et la billetterie deviennent des pôles distincts afin que le privé s’approprie les segments les plus rentables tandis que l’État reste garant de l’entretien coûteux des infrastructures.
  • en asséchant les services publics par une politique d’austérité budgétaire qui aboutit à un mécontentement de la population (listes d’attente, pénurie, exploitation du personnel)... Et de faire apparaître les entreprises privées comme seules capables de bonne gestion.
  • en précarisant le personnel, en remettant en cause les conventions collectives et en gelant le nombre de fonctionnaires. Les titulaires qui partent en retraites sont remplacés par des CDD ou des emplois jeunes sous contrat privé. Afin de faire baisser le coût du travail, il est nécessaire de flexibiliser la gestion des salariés par le biais de la « contractualisation » (chère au MEDEF). Les rapports patrons/salariés ne seraient plus régis par les conventions collectives. Certains proposent même des « contrats de travail offshore » pour lesquels la déconnexion est complète entre la législation du travail, la nationalité de l’entreprise, celle du salarié et celle du lieu de travail. Comme le note le secrétariat de l’OMC : « les avantages les plus significatifs du commerce ne viendront pas de la construction et de la gestion des hôpitaux, mais de la possibilité d’y employer un personnel plus qualifié, plus efficace et/ou moins coûteux que celui qui pourrait être disponible sur le marché local du travail ».
  • en prescrivant des partenariats privé/public (PPP) : la commission européenne recommande que chaque école développe un partenariat avec une entreprise privée d’ici à 2010. C’est ainsi que Nestlé offre des « fiches pédagogiques sur la nutrition » aux écoles primaires...accompagnées de publicité à l’intention des enfants ; les stages de formation des maîtres sont sponsorisés par Hachette (filiale du groupe d’armement Matra)...

Maintenir la pression

Au niveau mondial, les discussions sur l’AGCS doivent reprendre lors du prochain sommet de L’OMC... au Qatar ! Après le succès et l’impact de la manifestation et du contre-sommet de Seattle, les maîtres du monde s’inquiètent (ils n’ont pas hésité à construire un mur de 4 km de long autour du sommet américain de Québec d’avril dernier ainsi qu’à vider une prison pour y « accueillir » les manifestants). Le choix du Qatar n’est donc pas innocent compte-tenu de la difficulté d’y organiser un contre-sommet.

Au niveau européen, le « Comité 133 » est chargé par la Commission européenne de préparer l’application de l’AGCS dans l’UE par la modification du traité d’Amsterdam (art.133) ainsi que les dossiers de Pascal Lamy, commissaire européen chargé des négociations dans l’OMC : l’objectif est d’élargir au commerce des services la règle du vote aux 2/3 au sein du Conseil Européen (actuellement l’unanimité est nécessaire), pour permettre leur ouverture au privé. Cette discussion sera l’enjeu principal du sommet de Göteborg le 16 juin en Suède.

Qu’il s’agisse de la lutte contre la libéralisation des services (contre-sommets de Seattle, de Nice ou récemment de Québec) ou plus généralement contre l’extension de la mondialisation capitaliste (contre-G8 de Prague l’année dernière, ou de Gènes les 21 et 22 juillet 2001), les travailleurs, les chômeurs et les jeunes ont démontrer avec éclat que la mobilisation s’organise et grandit au niveau régional comme international.

Le 9 Mai 2001, Lupita Rodriguez

PS : une grande partie des informations exposées dans cet article est tirée de la brochure Alerte Générale à la Capture des Services publics éditée en avril 2000 par la Coordination pour le Contrôle Citoyen de l’OMC (CCC-OMC).


Il ne s’agit plus de servir, mais de se servir...

Sur le site Internet de la Commission européenne : « la participation active des industries de services dans les négociations est cruciale pour nous permettre d’aligner nos objectifs de négociation sur les priorités des entreprises. L’AGCS n’est pas seulement un accord entre gouvernements. C’est avant tout un instrument au bénéfice des milieux d’affaires ».

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