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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 36, novembre-décembre 2004 > DOSSIER : Délocalisations, chômage et démagogie chauvine

DOSSIER : Délocalisations, chômage et démagogie chauvine

Sales coups et petite cuisine

Mis en ligne le 14 novembre 2004 Convergences Politique

Côté patronal, une recette - pas toute nouvelle - fait fureur depuis cet été. Il s’agit du chantage à la délocalisation. Pour cela : se munir d’un patron cherchant à augmenter ses profits (se trouve très facilement dans les entreprises petites et grandes), d’un taux de chômage élevé qui accroît la vulnérabilité des salariés et, pour relever le tout, de syndicats dociles. Agiter ensuite la menace de délocalisation pour faire pression sur les salaires et le temps de travail. Le tour est joué.

Après avoir annoncé son intention de délocaliser la production, le patron de l’usine de Vénissieux du groupe Bosch s’est dit prêt à négocier si les ouvriers consentaient à une modification de leur contrat de travail. Résultat : 36 heures de travail payées 35 par le biais d’une suppression de jours de RTT, modération salariale pendant 3 ans, réduction de la majoration des heures de nuit. Soit une baisse de 12 % des coûts salariaux. La direction, dans sa grande magnanimité, affirme avoir « sauvé » 190 emplois sur les 300 suppressions prévues d’ici à 2007 [1]. Faut-il comprendre qu’il est toujours question de 110 suppressions de postes ? Côté syndical, le délégué CFDT affirme pourtant que les ouvriers de Rodez eux aussi « devront faire des efforts s’ils veulent conserver leurs lignes de montage », et encore que « la demande de la direction n’était pas de travailler plus (ben voyons !), mais de trouver les moyens de devenir plus compétitifs pour garantir notre avenir (sic) ». Avec des syndicalistes aussi combatifs, pas étonnant que des patrons déclarent en avoir « marre de faire du social en France » [2].

Une recette qui fait mouche

Dès juillet, Doux - numéro un de la volaille en France - supprimait à son tour 23 jours de RTT [3]. Puis vint le tour de Perrier. La direction prévoyait 1047 départs anticipés d’ici à 2007, dont 356 sur le site de Vergèze. En quatre ans, le groupe a déjà supprimé 800 postes sur ce site. Par ailleurs, il est aussi question de remplacer les bouteilles en verre par d’autres en plastique, ce qui menacerait l’emploi des 520 salariés de la verrerie du Languedoc [4]. Pourtant, l’entreprise se porte bien. La CGT a refusé de signer ce projet, contrairement aux autres syndicats, faisant jouer son droit d’opposition. Scandale ! Bernard Thibault s’est heureusement empressé d’intervenir pour « débloquer la situation ». Résultat des courses : les syndicats se retrouvent à cogérer le plan de diminution de postes sans que les ouvriers de l’usine n’aient de quelconque garanties quant à leur avenir.

La recette plaît aussi beaucoup en Allemagne. Après Siemens et Daimler Chrysler, ça a été au tour de Volkswagen d’user des pires menaces pour obtenir la réduction des coûts salariaux. Début septembre, le directeur financier du premier constructeur mondial de voitures déclarait que 30 000 emplois étaient menacés si un gel des salaires n’était pas accepté. Malgré quelques débrayages, les syndicats viennent d’avaliser un projet prévoyant une plus grande flexibilité, le gel des salaires sur 2 ans et une rémunération à l’embauche plus faible [5].

Les délocalisations ont bon dos. Elles servent à justifier - alors même qu’elles ne sont parfois pas réellement programmées - toutes sortes de chantages. Devant la menace les salariés cèdent parfois. Mais le rôle des syndicats serait de tenter d’imposer aux patrons un autre rapport de force, en particulier dans une situation où les profits sont en hausse. Ne pas l’essayer est un choix politique.

A la pointe des luttes... Raffarin ?

Du côté du gouvernement, on s’est pourtant offusqué des termes dans lesquels les « négociations » se sont faites à Bosch. Depuis, il n’est plus question que de lutte contre les délocalisations. Et quelle lutte ! Bravant tous les obstacles, ne rechignant pas à louper quelques cocktails mondains avec Ernest Antoine Seillière, le gouvernement s’est attelé corps et âme à lutter contre le chantage patronal. Après de longues nuits blanches, un projet courageux a vu jour. Lorsque - comme c’est le cas pour certains centres d’appels - des opérateurs emploient des sous-traitants à l’étranger, les salariés au bout du fil seront désormais tenus d’informer la clientèle du lieu où ils se situent. « Rabat, je vous écoute ». Un projet aussi fougueux ne peut que susciter l’admiration.

Mais ce n’est encore rien. Il est aussi question de créer des pôles de compétitivité pour, paraît-il, fixer l’emploi dans certaines régions. Ces zones bénéficieront d’exonérations d’impôts, d’allégements de charges sociales et de subventions publiques. Patrons, craignez le courroux gouvernemental, si vous usez encore de telles menaces, sachez que vous serez arrosés de subventions...

Dans les salons, tout le beau monde s’interroge : Raffarin et Sarkozy sont-ils devenus révolutionnaires ? Dans leur lutte pour l’emploi, ils campent ferme. Ils donnent même l’exemple. La loi Aubry avait instauré un contingent de 130 heures supplémentaires, la loi Fillon l’a rapporté à 180, désormais Larcher parle d’augmenter encore ce quota pour atteindre 200, voire 230 heures supplémentaires ! Retour aux 40 heures, avec baisse de la majoration des heures supplémentaires. Le patronat est pétrifié.

Pour le patronat et le gouvernement le chantage aux délocalisations est un prétexte rêvé pour faire travailler plus et diminuer les salaires. Rien de très étonnant. Pour de nombreux travailleurs, plus troublante est l’attitude des confédérations syndicales qui rentrent dans ce jeu. Mais cela ne les empêchera pas forcément de se battre, tout en sachant sur qui ils ne pourront pas compter.

Clara SOLDINI


[1Les chiffres sont extraits d’un article du Monde du 10/9/2004 « Bosch, retour à Vénissieux »

[2Il s’agit là d’une citation de deux patrons dans une interview à Libération donnant les raisons pour lesquelles ils délocalisent au Maroc. 25/10/2004

[3Dépêche AFP 25/10/2004

[4Le Monde 23/9/2004 ; 28/9/2004

[5Le Monde 5/11/2004

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