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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 27, mai-juin 2003

Salaires : l’individualisation pour mieux masquer la régression

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les patrons ont inventé les augmentations à la tête du client, mais c’est avec le blocage des salaires, à partir de 1982, à la diligence de gouvernements de gauche, que les systèmes patronaux dits d’individualisation ont commencé à fleurir. Non seulement chez les cadres mais chez les employés, voire les ouvriers. La chose a désormais son nom et depuis 1985, le ministère du Travail consacre une enquête annuelle à l’individualisation des hausses de salaires.

Moins il y a d’augmentation de salaire, sous l’effet cumulé des politiques de désindexation et blocage, du chômage croissant qui fait pression et des 35 heures qui ont conduit à des accords de « modération » (sans parler du travail à temps partiel), plus l’« individualisation » tient la vedette ! Et elle se traduit moins sur la feuille de paye que par l’instauration de systèmes retors d’évaluations des performances individuelles. Qui plus est, depuis les lois Auroux du début des années 1980, qui ont instauré entre autres l’obligation légale de négocier annuellement les salaires entre patrons et syndicats, des syndicalistes se complaisent à palabrer sur ces machines infernales de prétendues évaluations et rétribution des mérites. Et leur donnent leur signature, au lieu de les rejeter et les dénoncer !

L’individualisation des salaires est une pièce de l’arsenal patronal pour mettre les travailleurs en concurrence, les opposer les uns aux autres mais les pressurer tous. A chacun de dépasser le voisin en « productivité » ! Avec au bout, le stress, la fatigue, les cadences infernales et des salaires qui sont certainement « individualisés » mais perdent toujours du terrain. Globalement, ils ont perdu quelque 500 euros en 20 ans (ce qu’exposait déjà de façon détaillée un « Point sur les salaires » dans le N°12 de Convergences Révolutionnaires de novembre/décembre 2000).


A la Sécurité Sociale

Depuis qu’en 1993 une nouvelle classification des emplois et une politique d’individualisation des salaires ont été mises en place (avec la participation de certaines fédérations syndicales, la CFDT en particulier), on assiste à une modification de la proportion entre augmentations individuelles (qui ont toujours existé) et collectives.

L’ancien système

La convention collective du personnel de Sécurité sociale et d’Allocations familiales prévoit une classification pour chaque salarié composée d’un coefficient multiplié par une valeur du point fixée à l’échelle nationale. Les augmentations générales de salaires se font par la revalorisation de la valeur de ce point.

Par ailleurs, une majoration de 4 % arrivait tous les deux ans à l’ancienneté ainsi qu’une majoration de 4 % par an « au mérite » donnée à 40 % du personnel maximum. Le total de ces majorations étant limité à 40 % du salaire (le plafond).

Problème au début des années 1990 : une grande majorité des employés était au plafond, donc sans perspective d’évolution si ce n’est par une augmentation générale des salaires ou par une revalorisation du coefficient de chaque emploi. On assista à des grèves parmi les employés des caisses primaires d’assurance maladie (dans l’Essonne et en Seine-Saint-Denis notamment). C’est alors que, plutôt que d’augmenter tous les salaires, l’organisme employeur (l’UCANSS - Union des caisses nationales de Sécurité sociale) et les fédérations syndicales concoctèrent…

...le nouveau système

En transposant les coefficients, une nouvelle classification ouvre à nouveau une possibilité d’échelons à l’ancienneté (2 % par an au lieu de 4 % tous les deux ans) ou au mérite (2 % au lieu de 4 % par an distribués à une infime minorité) et surtout un système de degrés. Les directions procèdent désormais à une vérification et validation régulière (tous les 5 ans au minimum) des compétences et performances de chacun et chacune - ce qui est sanctionné par l’obtention de 1, 2, 3 voire 4 degrés au mérite, selon l’emploi.

Alors qu’anciennement les 4 % devenus 2 % de majoration possible au mérite étaient donnés selon la notation mais sans épreuve de contrôle, le nouveau système de degré instaure un contrôle qui dure 2, 3 ou 4 mois selon le degré à atteindre. Chacun se voit donc condamné à des objectifs individuels de production, de qualité de travail, le tout sanctionné par un rapport écrit de « fin de validation ». Car un degré représente une augmentation de 40 euros environ (250 F nets).

Dans une période de faible inflation où les augmentations générales de salaires ont été quasiment nulles, ce système permet de donner 3 degrés à certains en quelques années contre un seul à d’autres. Il fait surtout pression pour pousser à la productivité individuelle. Cela s’est vite ressenti dans l’ambiance au travail et l’aggravation du rythme du travail. Et bonjour les raffinements de procédure : alors qu’auparavant les promotions individuelles étaient données selon un « tableau d’avancement » qui tenait compte du mérite mais aussi de l’ancienneté, tout a été peu à peu balayé pour faire place à des « jurys » pour accéder à n’importe quel nouveau poste. Motivation, performance individuelle, sont devenues les leitmotivs.

Certes, la réouverture d’une augmentation à l’ancienneté (qui a permis à quasiment tout le monde d’acquérir 2 % par an pendant 7 ou 8 ans, voire davantage pour les nouveaux embauchés) et ce système individualisé, parallèlement à la revalorisation au compte-gouttes de certains emplois, ont amené une certaine paix sociale depuis une dizaine d’années. Mais ce système atteint aujourd’hui ses limites. Ceux qui ont eu tous les degrés (les « meilleurs ») n’ont plus de perspectives ! Les jeunes embauchés ont des salaires minables (1 250 euros bruts soit 912 euros (5 982 F) nets sur 14 mois) et l’idée d’un degré au bout de 3 ans de parcours du combattant n’est guère excitante. [1]

Les instances nationales de la Sécu et la CFDT réfléchissent donc à une nouvelle modification de la classification qui se traduirait essentiellement par la diminution de la part donnée à l’ancienneté (le plafond de 40 % serait supprimé) et l’instauration d’un nouveau système de vérification des compétences individuelles…

Martine ANSELME


Chez AXA (Assurances)

Au centre informatique d’Axa-La Défense, où travaillent 1 200 personnes dont 1 000 cadres, comme dans le reste du groupe, la direction a instauré un système de « rémunération variable », après accord de toutes les organisations syndicales sauf la CGT et FO. Le principe consiste à quasiment renoncer aux augmentations générales en acceptant d’office 1 % en moins chaque année, au profit d’augmentations individuelles.

La direction a promis des plafonds de rémunération variable alléchants :

  • 24 000 F par an pour les cadres qui ont une responsabilité technique ou d’encadrement
  • 15 000 F par an pour les cadres de plus petit niveau (exécutants ou cadres techniques nombreux dans le secteur de l’informatique)

Contrepartie : ces primes sont attribuées en fonction d’objectifs individuels fixés pour chacun et dûment évalués lors d’entretiens annuels. Pour 100 % des objectifs atteints, on a 100 % de la prime, mais pour 40 %, rien du tout !

Il y a un an, au moment d’accepter ou non de signer l’avenant au contrat de travail portant modification du système de rémunération, peu nombreux ont été les refus. La majorité a donc été « optante », selon le jargon de la direction. N’était-ce pas tentant de voir récompenser ses compétences par une somme d’autant plus rondelette que le montant en était donné sur l’année (sans que soit évidemment chiffré ce qui était perdu par ailleurs en augmentations générales) ?

Un an après, le versement annuel de la rémunération variable a été fait après un « entretien d’évaluation des performances ». Et c’est là que l’arnaque a commencé à poindre. Les plafonds de rémunération ne changent pas, mais le salarié qui a atteint tous ses objectifs est évalué à 90 %, donc il recevra seulement 90 % de sa prime. Les objectifs pour l’année suivante sont définis à 60 % sur un travail individuel effectif, les autres 40 % portant sur la propension à rendre compte de son travail, à faire des rapports journaliers, hebdomadaires, mensuels ! D’autre part, la clause de revoyure de l’accord sur les salaires comportait un engagement à rattraper l’inflation quel que soit le salarié, « optant » ou « non-optant ». Là, la direction propose un rattrapage de 1 % pour les cadres optants au lieu de 1,5 % pour l’ensemble du personnel (employés et cadres non optants).

Christine SCHNEIDER


[1le salaire moyen des employés de la CRAMIF(Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile-de-France) est à titre d’exemple de 1543 euros bruts en 2002, de 2300 euros pour l’encadrement et de 5156 euros pour les cadres supérieurs sachant que plus de 50 % du personnel a plus de 20 ans d’ancienneté).

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