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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 3, mai-juin 1999 > Loi Aubry, Loi piège

Loi Aubry, Loi piège

SNCF : le projet d’accord qui a déclenché la grève

Mis en ligne le 1er juin 1999 Convergences Entreprises

Un agent de conduite peut actuellement prendre son service à peu près à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Un cheminot en 3x8 ou en service décalé peut travailler le dimanche et les jours fériés et faire des périodes de 48h de travail en 6 jours, même en bénéficiant des 35 heures. Ceux qui travaillent à l’entretien des voies, bien que normalement au régime de 39h hebdos et en journée travaillent de plus en plus de nuit et les week-end.

On pouvait donc se demander comment une entreprise, où nombre de cheminots travaillent ainsi, dans le cadre d’un temps de travail déjà annualisé, allait s’engouffrer dans le sillage de la loi Aubry pour réaliser encore plus de flexibilité. Le projet d’accord que la SNCF a remis le 15 avril aux organisations syndicales ne laisse aucun doute sur les capacités de l’imagination patronale.

Flexibilité accrue

Ce projet rend réglementaire ce qui était exceptionnel ou négociable par à-coup : dépassements d’horaires et diverses formes de dérogations existantes, mais qui étaient soumises à des compensations financières ou en temps compensé, voire à l’accord de l’intéressé.

Par exemple les travaux de nuit et le week-end pour les cheminots de l’Equipement (l’entretien des voies et installations ferroviaires) étaient rediscutés et planifiés quasi systématiquement, faisaient appel bien souvent au volontariat, donnaient lieu à des compensations. Le projet prévoit pour cette catégorie de travailleurs 122 repos par an (au lieu de 104) mais ces repos supplémentaires seront à disposition de la SNCF et le travail du dimanche et de nuit est considéré comme systématique.

Pour la majorité des cheminots, c’est la durée journalière qui est modifiée avec des mini de 5h30 par jour et des maxi de 8h30. Le tratail serait planifié sur 6 mois avec des périodes hautes et basses, durant lesquelles seraient programmées unilatéralement les journées les plus courtes et les repos supplémentaires qui représentent la réduction du temps de travail. Et pire, la direction s’arroge le droit de remettre en cause cette programmation en prévenant simplement 10 jours auparavant.

Le projet prévoit enfin pendant trois ans un ralentissement des augmentations de salaire, notamment des promotions individuelles qui devenaient les seules augmentations véritables (0,8 % d’augmentation générale en 1998).

Augmentation dérisoire des effectifs

On pouvait aussi se demander combien d’effectifs la SNCF allait mettre sur la table des « négociations », elle qui répondait systématiquement aux cheminots en grève pour des embauches durant tout l’automne 1998 : « nous en reparlerons avec les 35h ». Elle s’engage pour une fourchette de 4500 à 5500 recrutements en plus sur une période de trois ans. Pour une entreprise qui compte 173 000 cheminots ! Et à condition que le gouvernement mette la main à la poche ! Cela n’empêche pas la presse d’annoncer 23 000 à 25 000 recrutements supplémentaires... en oubliant près de 20 000 départs dans la même période.

Des syndicats prêts à signer

Durant ces derniers mois, la discrétion des syndicats a été exemplaire. Quelques bribes d’informations leur suffisaient, quelques déclarations abstraites sur des reculs de la direction. C’est la direction elle-même qui aura fait le plus d’infos, à sa sauce bien sûr. Elle se sentait d’autant plus à l’aise que les syndicats, tout en affirmant qu’ils voulaient un accord, ne remettaient rien en cause ni la création d’un statut à temps partiel, ni la généralisation du travail de nuit et des week-end, ni la limitation des salaires, ni la concentration des effectifs et des journées longues dans les périodes les plus pénibles.

Les cheminots ont parfois au premier abord été intéressés par l’annonce de repos supplémentaires. Mais, lorsqu’ils ont pu avoir connaissance du détail, notamment que des repos dits supplémentaires seraient accordés à la guise du patron, voire reportés l’année suivante, leur réaction a été beaucoup plus négative. En tout cas quasi unanimement chez les roulants comme le prouve la grève qui a commencé il y a quelques jours et qui s’étend au moment où nous publions. Une grève qui est d’autant plus significative qu’elle a débuté à l’appel du syndicat corporatif de la FGAAC, mais à laquelle des militants et des sections CGT se sont joints immédiatement malgré l’opposition déclarée des responsables de la fédération, puis SUD-Rail, d’abord resté aussi sur la réserve par esprit de boutique.

Au début de la deuxième semaine de grève, les manœuvres des dirigeants fédéraux, en particulier de la CGT, mais pas seulement de la CGT, étaient multiples. Preuve que la colère de la base syndicale comme de bon nombre de cheminots roulants mais aussi sédentaires est bien réelle.

Le 3 mai 1999

Bertrand LEPAGE

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