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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 91, janvier-février 2014

Retour sur la flambée de colère de l’automne 2013 : les travailleurs bretons voient rouge

Mis en ligne le 14 janvier 2014 Convergences Politique

Le dernier trimestre 2013 a connu en Bretagne une flambée de colère contre l’écotaxe, mais aussi contre les licenciements dans l’agro-alimentaire. Après le volailler Doux, c’est Gad qui décidait de fermer son abattoir de porcs de Lampol où travaillent 889 salariés. Idem pour le producteur de saumon Marine Harvest à Poullaouen, une usine du groupe norvégien qui emploie 187 personnes et une centaine d’intérimaires près de Carhaix. Quant au volailler Tilly Sabco, il menaçait de fermer également son site de Guerlesquin, avec ses 335 salariés, suite à l’arrêt du versement de subventions européennes. Ces trois entreprises sont toutes situées dans le Finistère, et les salariés ont très vite mené des actions communes, comme l’occupation de l’aéroport de Brest le 14 octobre.

Dans le même temps, d’autres secteurs étaient touchés ailleurs en France : dans l’automobile, à Michelin, à la Redoute, dans les transports Mory Ducros… C’est dire si la colère des travailleurs bretons face aux plans de licenciements était susceptible de fédérer l’ensemble des travailleurs contre les licenciements et les suppressions d’emplois [1].

Les travailleurs à l’initiative, mais pas à la tête du mouvement

Le 18 octobre 2013, 600 personnes, réunies à Carhaix contre la fermeture de Marine Harvest, élisent un « Comité pour le maintien de l’emploi en Bretagne », sorte de résurrection du Comité de défense de la maternité de Carhaix qui avait obtenu en 2008 le maintien de celle-ci. Il y a là le charismatique maire « gauche alternative » de Carhaix Christian Troadec (également animateur d’un regroupement régionaliste intitulé « Mouvement Bretagne Progrès » et fondateur du festival des Vieilles Charrues), des militants du NPA ou de FO. Le comité décide alors d’appeler à une grande manifestation pour l’emploi le 2 novembre à Quimper.

Le 26 octobre, patrons routiers et agriculteurs de la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles – structure départementale de la FNSEA) font parler la poudre contre l’écotaxe en détruisant le portique du Pont-de-Buis. Cette manifestation connaît un écho médiatique national popularisé par le port des bonnets rouges, symbole de la révolte antifiscale bretonne de 1675 – et, pour le coup, fournis par l’entreprise Armor-Lux, fabricant de la marinière… de Montebourg ! Les Bonnets Rouges, regroupés autour du collectif « Vivre, décider et travailler en Bretagne », rejoignent l’appel à la manifestation de Quimper pour le 2 novembre et prennent alors la tête de la révolte.

Syndicats et Front de Gauche à la rescousse… du gouvernement

Au lieu de porter les revendications ouvrières à l’encontre des patrons de l’agro-alimentaire ou du transport, la CGT, Solidaires, le Front de gauche et les Verts décident, le 30 octobre, d’appeler à une manifestation concurrente, le même 2 novembre mais à Carhaix, une manœuvre sur fond de soutien à l’écotaxe du gouvernement Hollande. Avec, à la tête de cette diversion, un Mélenchon méprisant envers les milliers de travailleurs, jeunes, chômeurs et retraités décidés à manifester à Quimper, les traitant de « nigauds » et estimant « qu’à Quimper, les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maitres ».

Qu’importe, le 2 novembre il y aura plus de 20 000 manifestants à Quimper, de milieu très populaire… et 600 à Carhaix.

Pour tenter de reprendre la main, les unions régionales syndicales (sauf FO) appellent alors à une nouvelle manifestation en Bretagne le samedi 23 novembre. Initialement prévue centralement à Rennes, elles éparpillent cette manifestation dans quatre départements bretons, histoire d’éviter une fois de plus la convergence de la colère. Quelques milliers de personnes répondent présents malgré tout.

Construire un « pôle ouvrier »

Les Bonnets Rouges se mobilisent de nouveau le 30 novembre à Carhaix. Les « bonnets phrygiens » le 1er décembre à Paris derrière Mélenchon et sa « révolution fiscale ». Le rassemblement de Carhaix fut de nouveau un succès, toujours très populaire et plus important que la manifestation parisienne.

Le Comité pour le maintien de l’emploi en Bretagne tente à cette occasion d’y construire un « pôle ouvrier », pour rassembler les salariés de l’agroalimentaire autour de l’interdiction des licenciements. Quelques centaines de personnes, dont de fortes délégations de Marine Harvest, Tilly Sabco et Gad, répondent à l’appel devant la gare de Carhaix, avant de se diriger en manifestation vers le rassemblement des Bonnets Rouges où une tribune est dressée à l’autre bout de la ville sur le site du festival des Vieilles Charrues. Le cortège grossit en cours de route. Et ce sont environ 2 000 manifestants, avec à leurs têtes les banderoles des salariés de l’agroalimentaire, qui se font accueillir à l’arrivée sous les applaudissements.

Hélas, les organisateurs du rassemblement choisissent ensuite de donner largement la parole aux petits et moyens patrons. Le ton est toujours très régionaliste, mais moins lutte de classe que lors des prises de parole devant la gare de Carhaix.

L’écotaxe suspendue, mais pas les suppressions d’emplois

Le gouvernement a pu ensuite souffler un peu, et proposer son Pacte d’Avenir pour la Bretagne avec, au menu, de nouvelles subventions aux entreprises de l’agro-alimentaire et de la pêche. De quoi satisfaire le patronat. Tandis que, sur les deux milliards d’aides publiques versées d’ici 2020, 15 millions (1 %) seulement sont prévus pour « les salariés victimes des plans sociaux et les territoires fragilisés » !

De leur côté, les animateurs des Bonnets Rouges ne comptent pas en rester là. Ils ont appelé à la constitution de comités locaux chargés d’établir des « cahiers de doléances ». Et ils appellent à des « États Généraux » le 8 mars, avec certainement les prochaines élections européennes en ligne de mire. Le 4 janvier, ils tenteront de relancer le mouvement en occupant les ponts surplombant les voies express afin d’exiger la suppression définitive de l’écotaxe.

Le 6 janvier, un rassemblement de soutien à trois manifestants accusés d’avoir défoncé la grille de la sous-préfecture de Morlaix en novembre est également prévu devant le tribunal correctionnel de Brest. À la barre des accusés : un salarié de Tilly Sabco, un agriculteur et un ouvrier.

Ces échéances permettront de mesurer si le vent, non pas venu de la mer, mais celui de la révolte, souffle toujours aussi fort en 2014 qu’en 2013. Mais, pour interdire les licenciements, pour l’augmentation des salaires, c’est une vraie colère rouge qui est à toujours l’ordre du jour et pas seulement en Bretagne. La vague de licenciements, fermetures et autres « restructurations » dévastatrices programmée par les grands groupes capitalistes n’en finit pas de toucher la classe ouvrière, mais aussi une partie de la classe moyenne (petits patrons, artisans, commerçants…). Aux travailleurs de prendre la tête de la révolte, sans laisser ni les patrons usurper leur combat, ni les confédérations syndicales et les partis de gauche étouffer et émasculer leur colère.

4 janvier 2014, René SENS


[1Voir l’éditorial intitulé « Ras-le-bol social » (repris de l’éditorial du 4 novembre des bulletins l’Étincelle) et l’article « CGT, Verts et Front de gauche : contester, mais pas trop ? » dans le numéro de novembre 2013 de Convergences révolutionnaires.

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