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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 80, mars-avril 2012 > DOSSIER : Protectionnisme « Made in France » : fausse solution, vraie (...)

Renault-Tanger : délocalisons les luttes

9 février 2012 : inauguration officielle de l’usine Renault à Tanger. Après les mésaventures de la Clio 4 en Turquie, Renault est de nouveau la cible de tous les pourfendeurs des délocalisations, du FN à l’UMP Christian Estrosi, en passant par Hollande et Mélenchon.

La fermeture des frontières, une solution à la sauvegarde des emplois dans l’automobile ? Mais le marché national est depuis longtemps trop étriqué pour écouler une production automobile devenue pléthorique grâce aux progrès de l’automatisation et à l’augmentation de la productivité. Même avec un marché national gigantesque, la survie des constructeurs américains dépend de leurs capacités à s’implanter sur d’autres continents. Quant à Renault, le groupe ne réalise que 25 % de ses ventes en France.

Chaque pays qui prendrait des mesures protectionnistes s’exposerait au risque de voir ses exportations entravées en mesure de rétorsion. Quant aux mesures en question, elles consistent avant tout à faire baisser « le coût du travail » (donc les salaires) pour défendre la « compétitivité » des entreprises… sur le marché mondial.

Haro sur les salaires

Carlos Ghosn explique que produire le nouveau modèle Dacia dans les usines françaises « aurait été incompatible avec le concept » du low cost. La Lodgy fabriquée à Tanger sera en effet vendue deux fois moins cher qu’un Scénic, un véhicule équivalent fabriqué à Renault-Douai.

D’où une crainte que la première ne fasse concurrence à la seconde, avec des suppressions d’emplois à Douai en cas de baisse des ventes du Scénic. Une concurrence qui viendrait s’ajouter sur ce segment à celle des travailleurs de Citroën qui fabriquent la C4 Picasso en Espagne ou de Peugeot qui montent la 5008 à Sochaux. L’ennemi est partout, et surtout chez les autres, veut-on nous faire croire. Même dans nos frontières ! Sans compter les monospaces fabriqués par Opel, Ford, Volkswagen…

L’intérêt des travailleurs n’est pas de se replier sur leur usine ou leur centre technique, d’y défendre chacun leur « projet industriel » – censé être plus astucieux que celui du patron – dans le but louable d’y sauver des emplois. L’enjeu est de trouver le lien avec les travailleurs de ces nouvelles usines, de ces nouveaux centres techniques, de les aider à s’organiser et à mener des luttes victorieuses sur les salaires, les conditions de travail ou encore la diminution de la durée du travail (on travaille 44 heures par semaine, par exemple, à Renault Tanger).

Le « Travailleurs de tous les pays, unissons nous » ne doit pas rester un simple slogan.

La lutte de classe au Maroc

En ce jour d’inauguration de l’usine Renault à Tanger, le roi du Maroc, assis sur un trône posé en plein milieu d’un atelier, avait l’air ravi. Le roi « businessman » pouvait en effet sourire : il est le premier opérateur économique privé du royaume à travers ses différentes holdings. Sa fortune personnelle a quintuplé en dix ans et compte bien tirer profit de la nouvelle usine de Melloussa, pas seulement sur le terrain politique.

Tous les Marocains seraient-ils des fervents supporters du tandem Ghosn-Mohammed VI ? À voir… En avril 2011, des habitants de la région accusaient Renault d’intervenir pour qu’on leur retire leurs terrains agricoles afin d’y construire son usine. Ces manifestants disaient qu’on les avait empêchés de travailler dans des projets situés sur leurs terres et dénonçaient une discrimination à leur égard sous prétexte qu’ils ne voulaient pas travailler.

Pas sûr non plus que les habitants de Béni Mékada aient trop d’illusions sur les entreprises, comme Renault, qui s’implantent dans la TFZ (Tanger Free Zone). C’est dans ce quartier pauvre de Tanger qu’a pris naissance, en 2011, le mouvement du 20 février contre la corruption et la hausse du coût de la vie, sur une place baptisée « place du changement ». Cet esprit rebelle n’est certainement pas étranger au fait que Renault a choisi d’organiser des caravanes de recrutement dans tout le Maroc, alors que la région de Tanger connaît un chômage massif.

D’un côté, le patronat dénonce les surcapacités de production en Europe de l’Ouest. De l’autre, il construit de nouvelles usines hors d’Europe pour y exporter. Aberrant ? Non, pas dans le système actuel où le patronat veut des travailleurs toujours moins payés, des sites toujours plus rentables. C’est le principe même du système capitaliste.

Oui, il faut se battre ici contre les licenciements, les suppressions d’emplois et les fermetures d’usines. Mais la solution ne viendra d’aucune barrière douanière, d’aucun démagogue attisant la peur ou la haine de l’étranger pour mieux mettre au pas les travailleurs. La solution viendra de nous, des salariés, de notre capacité à nous organiser par delà les frontières et à lutter tous ensemble.

C’est la guerre de classe qu’il faut mettre à l’ordre du jour. Pas la guerre commerciale .

14 mars 2012

Gilles SEGUIN


Une usine payée à 90 % par l’État marocain

Le Maroc, et plus particulièrement la zone franche de Tanger (Tanger Free Zone, TFZ), est un vrai paradis pour capitalistes. Propriétaire à 49 % du capital de Renault Tanger Med, via la Caisse des Dépôts et de Gestion, l’État Marocain a apporté non seulement la moitié des capitaux et une grosse partie des investissements, mais il s’est engagé à une exonération totale d’impôts pour les cinq premières années et à un taux d’imposition de 8,75 % au lieu de 35 % sur les vingt années suivantes. Sans compter les infrastructures flambant neuves du port de Tanger d’où partiront 90 % de la production de l’usine située à 14 kilomètres à peine des côtes espagnoles.

Au final, un journaliste marocain estimait que Renault « ne contribue au financement de l’ensemble du projet qu’à concurrence de 11,12 % du 1,1 milliard d’euros hormis, bien sûr, son apport en technologie et savoir faire ».

Quant aux salaires, les ouvriers marocains seront payés 250 euros bruts par mois, c’est à dire pas grand chose vu le coût de la vie au Maroc. C’est que gagnaient en moyenne les ouvriers de l’usine Dacia de Pitesti, propriété de Renault en Roumanie, avant d’arracher en 2008 au bout de trois semaines de grève, 100 euros d’augmentation de salaire. Une première brèche, et de taille, dans leurs salaires low cost qui sont passés aujourd’hui à 450 euros en moyenne.

Alors plutôt que d’agrandir l’usine de Pitesti, saturée face au succès de ses voitures low cost (Logan, Sandero et autre Duster), la direction de Renault a préféré délocaliser leur production… de la Roumanie vers le Maroc.

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