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Réforme de l’université : reculade de Sarkozy ou des syndicats ?

5 juillet 2007

A entendre des dirigeants syndicaux après que Sarkozy les ait reçus à l’Elysée le 25 juin, on pouvait presque croire que celui-ci avait reculé sur la réforme de l’université… Le secrétaire de la FSU, Gérard Aschieri se disait « optimiste, même si tous les points ne sont pas réglés ». Le Snesup principal syndicat d’enseignants du supérieur et membre de la FSU, s’est réjoui que « la protestation des personnels, des étudiants et de leurs organisations syndicales ait pu être un tant soit peu entendue » même s’il continue à juger que le projet « n’est pas acceptable ». Tout sourire, lui, Bruno Julliard (Unef) l’a estimé « plutôt positif. (…) On a maintenant l’espoir d’éviter une crise grave et une mobilisation à la rentrée ». Et pour être encore un peu plus sûr de désamorcer une telle mobilisation, le brave petit pompier volontaire en rajoutait le lendemain, après avoir parloté avec la ministre Valérie Pécresse : « Aujourd’hui nous sauvons l’essentiel. (…) L’essentiel de nos remarques a été intégré au nouveau texte. »

Pourtant pas de quoi être fier !

Une réforme dangereuse

L’essentiel du projet demeure.

Sous le drapeau de l’autonomie des universités, il s’agit en réalité de les laisser se hiérarchiser davantage, avec à la clé : mise en concurrence des universités dites prestigieuses, capables d’attirer à la fois les meilleurs étudiants (ou les plus favorisés) et les meilleurs financements privés, avec des petites facs laissées pour compte. Augmentation considérable des droits d’inscription, en particulier dans les meilleures facs. Diplômes de valeur inégale. Recrutement direct et décentralisé de personnels de plus en plus précaires, et soumis à la hiérarchie locale. Vente du patrimoine immobilier des facs et soumission accrue aux exigences de grandes entreprises privées dont les universités dites « autonomes » dépendraient en partie pour assurer leur survie financière.

Pour vanter son projet le gouvernement a beau jeu de dénoncer l’état actuel des facs, tant elles manquent de moyens pour recruter du personnel et entretenir leurs locaux. Sans compter que la grande masse des étudiants se heurte au chômage et à une précarité grandissante, qui les condamnent à accepter des emplois pour le moins décevants par rapport à leurs ambitions de jeunes diplômés ! Mais loin de régler ces problèmes, il les aggravera. Et quand Sarkozy promet de donner à l’enseignement supérieur la somme, en fait assez modeste, d’un milliard d’euros supplémentaires par an, il compte bien la réserver à « l’élite » du supérieur, qui est aussi l’élite du fric. Il pourrait d’ailleurs prendre ces milliards… dans les collèges et les lycées où l’on supprime les postes à tour de bras.

Sarkozy et ses gros sabots

Décidé à lancer une réforme de longue haleine, le gouvernement pouvait bien retarder… d’une semaine l’examen au conseil des ministres de ce projet de loi, destiné à être voté pas plus tard que fin juillet, quand tout le monde est en vacances. Le temps de jeter quelques menues miettes en pâture à ses chers « partenaires sociaux ». Il n’y aurait pas de sélection à l’entrée en « master 1 » (la quatrième année après le bac), les universités n’accéderaient pas à l’autonomie au volontariat (puisque toutes y basculeraient), et il y aurait davantage de sièges réservés aux représentants des étudiants aux conseils d’administration des facs (ce qui ne coûte ni ne change rien).

Quel grand recul !

On comprend que Valérie Pécresse ait gardé le sourire : « Ce qui est important, au-delà des ajustements apportés, c’est l’adhésion très forte au principe d’autonomie. Il y a eu une prise de conscience, on ne discute plus finalement que des modalités », expliquait-t-elle, tout à fait zen, à Libération le 28 juin.

Il est à noter au passage que « Renforcer l’autonomie des universités », faisait aussi partie des 100 propositions de la candidate socialiste, chère à bien de ces dirigeants syndicaux. Quant aux présidents d’universités, nombre d’entre eux se verraient volontiers en dirigeants d’entreprises, libres d’embaucher ou débaucher du personnel précaire pour économiser sur leurs budgets et libres de multiplier, pour arrondir ceux-ci, les contrats avec les entreprises privées. Pratiques qui existent déjà en partie, il est vrai, mais que la loi compte généraliser.

D’où la stratégie de Sarkozy qui se veut finaude : d’abord mettre en place le socle de la réforme, l’autonomie des universités ; ne tirer que plus tard le reste de la pelote, en misant sur le fait que lorsque les étudiants verront leurs frais augmenter il sera trop tard pour protester. Sarkozy oublie-t-il que les étudiants ont fait remballer à son collègue Villepin quelques articles de loi sur le CPE alors qu’ils avaient été votés et qu’il était « trop tard » ?

Avec des dirigeants syndicaux résignés voire consentants, si lutte il y a, l’initiative ne viendra pas d’eux. Mais ne leur en déplaise, la vie des facs n’est pas un long fleuve tranquille. La semaine dernière quelques centaines de profs, d’étudiants et aussi d’Atoss, les personnels non enseignants des facs, se sont réunis à Lyon, à Jussieu, à Toulouse pour dénoncer la réforme. Ils pourraient bien donner le signal du grand chahut de la rentrée.

Bernard RUDELLI

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