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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 15, mai-juin 2001

Point de vue

Réactions au dossier « la vache folle et les dérives de l’agriculture capitaliste » de janvier 2001

Mis en ligne le 1er juin 2001 Convergences Société

Dans cette rubrique, militants des deux tendances qui publient Convergences Révolutionnaires, mais aussi lecteurs appartenant à d’autres courants, font part de leurs réactions ou points de vue. Nous leur demandons simplement de respecter les contraintes d’une pagination forcément limitée.


Sur le sujet de la « vache folle » en particulier, je pense qu’il faudrait se garder d’adopter un certain nombre de « formules chocs ».

L’alimentation des bovins est décrite comme un « gavage » à base de protéines issues de « cadavres », fait d’autant plus choquant que les animaux sont des « herbivores » (éditorial et fin de l’article de N. BURMA). Tout d’abord les farines animales, quand elles ont été employées dans les aliments composés du bétail, n’ont été introduites qu’à hauteur de 1 ou 2 % de l’aliment (qui s’ajoute lui-même à une ration de base faite de fourrages, tels que l’herbe, le maïs, les betteraves, etc.).

D’autre part, les aliments du bétail, même (et surtout !) les plus industriels, sont fabriqués en prenant bien soin de respecter les « besoins du bétail », contrairement à ce qui est dit dans l’article de R. COUTE. C’est précisément pour augmenter la productivité des animaux, tout en minimisant les coûts de production, que les besoins nutritionnels des animaux d’élevage sont étudiés par les zootechniciens et les nutritionnistes avec beaucoup de soins.

Enfin, il faut réfléchir avec un peu de recul à ce prétendu scandale d’avoir donné à manger des protéines « animales » à des herbivores. Un herbivore est certes un animal qui se nourrit de végétaux exclusivement ; mais ces végétaux sont transformés dans son estomac (la panse des ruminants) par une importante population bactérienne, qui se nourrit elle-même en dégradant les fibres végétales (la cellulose), et ce que l’herbivore digère, en définitive, ce sont les protéines d’origine microbienne, qui sont finalement elles-mêmes de type « animal », et non les protéines « végétales » issues de son fourrage. Par ailleurs ces distinctions entre protéines « animales » et « végétales » ne sont plus pertinentes une fois la digestion commencée… En effet, les protéines sont des chaînes d’acides aminés (les éléments de base codés par l’ADN) et l’ensemble du monde biologique, animal et végétal, est composé de la même vingtaine d’acides aminés. S’il y a une petite distinction entre protéines animales et végétales, c’est dans la proportion de certaines acides aminés « soufrés », qui est plus grande chez les animaux que chez les végétaux. C’est un détail important pour les nutritionnistes, mais qui ne remet pas en cause l’unité du vivant, sauf éventuellement à prendre en compte des aspects religieux.

Alors, quel est le problème ? Le fait est que l’utilisation de farines de viande et d’os dans les rations des animaux, qui a commencé dès la fin du XIXe siècle, s’est accrue et rationalisée au cours des dernières décennies avec le développement de l’industrie des aliments du bétail. L’utilisation des sous-produits et déchets agricoles constitue une forme de recyclage, donc de lutte contre le gaspillage, qui est souhaitable. Mais comme tout recyclage il pose problème car tous les déchets, qu’ils soient animaux, végétaux, minéraux, industriels…, ne sont pas inoffensifs. De même qu’on ne met pas dans son compost des déchets de plantes contaminées par des parasites ou des champignons, au risque de les disséminer, il vaut mieux éviter, parmi les déchets animaux, d’utiliser ceux d’animaux morts de maladie. Ce qui n’a pas toujours été le cas, et ce qui était une imprudence. Toutefois, ce recyclage systématique était sécurisé (pensait-on) par un traitement industriel, lequel par imprudence, et pour minimiser les coûts bien sûr, a été allégé dans un contexte de déréglementation générale et de démantèlement des services publiques de contrôle (services vétérinaires) ; la logique de la société capitaliste est bien à l’œuvre, précisément ici… S’il y a eu fautes humaines, dans lesquelles les motivations économiques n’étaient bien sûr pas absentes, c’est surtout pour avoir tardé à prendre des mesures d’interdiction des farines, sans oublier le cynisme qui a permis la poursuite des ventes à l’exportation pendant de nombreux mois.

Quant au recyclage des déchets animaux dans l’alimentation, il faut sans doute le suspendre, peut être l’arrêter définitivement par mesure de précaution. Mais, à moins d’en découvrir une nouvelle valorisation, ce sera une « déséconomie d’échelle », une perte à mettre au débit de l’industrialisation de l’agriculture, dont on ne peut pourtant se passer dans un monde qui compte déjà plus de 6 milliards de personnes à nourrir.

21 mars 2001, A.P. ingénieur agronome (Toulouse)

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