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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 49, janvier-février 2007

RDC Congo : Le pillage nécessite d’établir quelques règles

Mis en ligne le 18 janvier 2007 Convergences Monde

Après les élections présidentielles qui viennent d’avoir lieu en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et ont donné la victoire à Joseph Kabila, c’est des capitales occidentales que les félicitations sont venues. Toutes, prétendant être rassurées par le parfait respect des formes légales et démocratiques, se sont réjouies de ce que le principal perdant et concurrent de Kabila, Jean-Pierre Bemba, ait renoncé à contester l’élection par les armes et dans les rues.

Le peuple congolais, pour sa part, n’a pas vraiment de motifs de se réjouir. Il est loin d’être tiré d’affaire. Non seulement la reconduction au pouvoir de Kabila ne fait que maintenir le dictateur actuel en place, mais les guérillas et autres bandes armées sont loin d’avoir posé les armes dans les régions où elles sévissent, par exemple au Nord-Kivu, ou en Ituri. Les armées étrangères qui ont mis le pays à feu et à sang sont toujours là aussi et ne semblent pas prêtes à en partir. En particulier les 40 000 soldats des Interahamwe qui ont fui le Rwanda après avoir participé aux massacres de 1994 (avec l’appui des autorités et des militaires français) écument toujours le pays.

Un espoir de paix ?

Il y a eu, durant les guerres étrangères ou civiles, plus de 1,7 million de morts, deux millions de personnes déplacées et des destructions incalculables. Les routes sont à l’abandon. Les bandes armées parcourent le pays, empêchant tout développement économique. Même les grandes puissances et les bandits auraient donc intérêt à rétablir un peu d’ordre : après tout il y a moins à piller dans un pays plein de richesses mais dont l’économie a complètement sombré.

Tous les puissants, nationaux comme étrangers, ceux justement qui ont mis le Congo à feu et à sang durant des années, sont d’accord, momentanément, pour penser qu’il faut faire taire, sans doute tout aussi momentanément, leurs dissensions pour rentabiliser à nouveau leurs investissements. Les uns avaient soutenu Kabila (la France) et les autres Bemba (les USA), mais tous veulent maintenant consolider le pouvoir en place pour lui permettre d’assurer la sécurité des exploitations minières qui sont parmi les plus riches du continent noir. Pour le moment, chaque camp s’efforce de circonvenir le président réélu. Mais cela n’exclut nullement la reprise rapide du scénario joué depuis des décennies. Ceux qui s’estimeront lésés financeront à nouveau la lutte armée, soit pour renverser Kabila, soit pour lui imposer un partage des dépouilles plus favorable. C’est dire que ces élections n’auront certainement pas été le tournant qui pourrait amener un changement du sort de la population.

La fin du pillage ?

En fait, le principal motif de satisfaction des pays riches dans l’élection réussie de Kabila ne provient pas de l’espoir d’une pacification du pays et encore moins du développement du bien-être des plus pauvres mais de celui de voir l’exploitation des richesses du pays garanties par un pouvoir qu’ils espèrent un peu renforcé. La liste est longue : cuivre, cobalt, zinc, diamant, uranium et or ne sont qu’une partie des richesses du sous-sol auxquelles on peut encore rajouter coltan, manganèse, germanium, cassitérite... Nombre de ces gisements sont les plus riches du continent. Il y a même du pétrole à l’embouchure du fleuve Congo. Rajoutez que cet immense pays est parfaitement irrigué avec un potentiel hydroélectrique considérable, vous comprendrez pourquoi il est victime des attaques de tous les rapaces du globe et, du coup, que sa population est une des plus pauvres du monde (120 dollars de revenu par habitant) !

Tous les pays qui possèdent des trusts miniers ont ou ont eu, à un moment ou à un autre, des hommes de main sur le sol de la RDC et ont lutté pour exercer leur mainmise sur ses matières premières et les obtenir au plus bas prix possible. Les pires zones de la guerre civile ont toujours été, comme par hasard, les secteurs miniers les plus riches. Et le pillage a été d’autant plus facile qu’il était organisé d’en haut par l’État, ou favorisé par les pouvoirs régionaux, et transitait par les mafias locales qui ont leurs bandes armées, elles-mêmes aidées par les différentes armées qui ont occupé le pays.

Le « maréchal » Mobutu, dictateur de 1965 à 1997 d’un royaume corrompu en pleine déliquescence, a longtemps été le grand organisateur des prébendes des profiteurs et des assassins. Sa chute, organisée par l’impérialisme anglo-américain (à l’aide des armées rwandaise, ougandaise et de la guérilla de Laurent-Désiré Kabila) a mené à la prise de pouvoir du père du président actuel, alors combattu par les armées (proches de l’impérialisme franco-belge) du Tchad, de l’Angola, de la Namibie et du Zimbabwe. Cela n’a pas empêché Kabila de changer de camp après sa prise du pouvoir. Il a alors failli être renversé, en août 1998, par les armées rwandaise et ougandaise qui l’avaient aidé à venir au pouvoir. Et son fils et successeur est maintenant soutenu et combattu par les premiers alliés de son père. Cela explique que Bemba, l’adversaire malheureux de Kabila et fondateur du Mouvement congolais de libération, MLC, soit financé par ce camp anglo-américain-ougandais-rwandais. Il vient de toucher une petite fortune pour se retirer du Congo comme il avait été payé pour attaquer le Centrafrique avant de s’en retirer là aussi ; il y combattait déjà pour le compte de l’impérialisme anglo-américain, contre le dictateur du coin soutenu par la France.

Les nouveaux venus à la rescousse

Tout n’est donc qu’affaire de marchandages politiques et économiques. Les concurrences sont multiples à tous les niveaux. Et le niveau supérieur est celui des trusts dont le plus bel exemple est celui du belgo-canadien Kinross-Forrest. Georges Forrest est à la fois belge, consul de France à Lumumbashi (capitale de la province minière du Katanga dont il est surnommé le « vice-roi »), lié à des fonds canadiens, au Medef français, ancien ami de Mobutu, puis de Kabila (père) et maintenant proche de Kabila (fils). Il détient à la fois mines et transports, cimenteries et tuyauteries, écoles et hôpitaux. Mais il tient aussi dans sa main politiciens, bandes armées, gouvernants locaux comme ceux de certains pays impérialistes.

Derrière l’État corrompu et les bandes armées qui violent et tuent, derrière les États étrangers qui les manipulent, il y a les trusts capitalistes qui tirent des fortunes considérables. Tout ce à quoi l’ONU préside, ou ce que la Banque mondiale et la « communauté internationale » organisent, c’est éventuellement des accords de partage du pouvoir entre ces trusts. La seule nouveauté des années 2000 est l’arrivée de nouveaux rapaces, concurrents des précédents français, anglais, américains ou belges : les trusts sud-africains, chinois et indiens ! Pas vraiment des colombes annonciatrices d’une paix prochaine ou de la fin du pillage !

12 janvier 2007

Robert PARIS

À lire sur ce sujet :

  • La revue Afrique-Asie d’avril 2006 intitulé Main basse sur le Congo
  • Géopolitique du Congo (RDC) de Marie-France Cros et François Misser (éditions Complexe)
  • Kabila prend le pouvoir de Colette Braeckman (éditions Complexe-GRIP)
  • L’Afrique centrale dix ans après le génocide de Arnaud Zaccharie (éditions Labor-Bruxelles)

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