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Qui attise le feu des nationalismes en mer de Chine ?

19 avril 2005

Une grande campagne nationaliste anti-japonaise secoue la Chine depuis plus de deux semaines, marquée par des mobilisations massives les week-ends, des mouvements d’étudiants et de jeunes et d’attaques violentes contre des bâtiments, des intérêts ou des citoyens japonais. Le motif de départ invoqué est la dénonciation d’un ouvrage scolaire d’histoire du Japon, récemment paru, qui continue à délivrer le mensonge officiel minimisant les crimes du Japon contre les Chinois durant la guerre. Il n’est pas étonnant que la population chinoise soit indignée que, des décennies après, l’Etat japonais soit incapable de reconnaître sa responsabilité dans les crimes du fascisme et de la guerre, notamment ceux contre le peuple chinois. Il n’est cependant que trop évident que cette révolte n’est pas vraiment spontanée, qu’elle est sinon totalement téléguidée, du moins instrumentalisée par le pouvoir.

L’information a été diffusée à grande échelle, les média chinois ont fait monter la pression dans l’opinion et on sait combien ils sont tenus fermement en main. Alors que le pouvoir a une certaine efficacité pour empêcher la circulation des courriers électroniques politiques quand ils ne lui conviennent pas, il a autorisé et même encouragé les envois par internet de réactions et d’appels à protester et à manifester. Quant aux premières violences de rue, les forces de répression sont loin de s’y être fermement opposées. Même le week-end dernier où la manifestation était officiellement interdite, les manifestants n’ont pas vraiment été empêchés de prendre pour cible à coups de pierre et de bouteilles le consulat du Japon à Shangaï. On ne peut pas dire que la population aient été habituée à tant de mansuétude.

Si la question de départ est la reconnaissance des violences perpétrées par le Japon contre des citoyens chinois pendant la guerre entre 1937 et 1945, d’autres litiges bien plus actuels opposent les bourgeoisies de ces deux pays. Comme la contestation de la délimitation d’eaux territoriales entre Chine et Japon en mer de Chine orientale où se situent d’importantes réserves d’hydrocarbures. L’une des limites du développement industriel de la Chine est aujourd’hui le manque de matières premières et particulièrement l’insuffisance des sources énergétiques. C’est avant des négociations au sommet Chine/Japon programmées sur ce thème que cette mobilisation a pris naissance. Elle dérange d’autant plus le Japon que ce pays a maintenant de nombreux intérêts économiques en Chine. Il est même l’un des pays, avec les USA, qui a le plus investi dans ce pays. Les intérêts commerciaux croisés, sont de plus en plus nombreux. Le débouché chinois devrait aider le Japon à sortir de sa crise. Quant à la Chine, le pays le plus dynamique du monde capitaliste en termes d’investissements, de développement industriel et d’accumulation de plus-value issue de la production, elle envisage l’avenir en termes d’accroissement de son emprise sur la région. Savoir qui des deux pays imposera sa prédominance sur cette partie du monde, est un enjeu à la fois économique et politique.

Le grand marchandage auquel procèdent ainsi les Etats chinois et japonais se fait en grande partie de façon ouverte. La Chine s’oppose à l’admission du Japon au conseil permanent des Nations Unies pendant que le Japon fait pression pour que la Chine ne reçoive pas les armements modernes que l’Europe rêve de lui vendre. Pour autant, cela n’exclut pas qu’ils finissent par parvenir à un compromis. A court et à moyen terme, les deux bourgeoisies, même concurrentes, ont sans doute plus d’intérêts communs qu’opposés. Mais dans le long terme la poussée de fièvre nationaliste qu’elles favorisent pour l’occasion, peut avoir des conséquences graves pour les deux peuples.

En Chine, où la montée des inégalités commence à entraîner des réactions sociales, le nationalisme pourrait servir à dévoyer les luttes ouvrières et à masquer aux travailleurs les vraies causes de leur misère et de leur oppression. L’union nationale face au danger nippon, pourrait assurer une certaine paix sociale au pouvoir. C’est une fausse piste sur laquelle égarer les opposants politiques, les étudiants et la jeunesse qui se heurtent toujours, développement capitaliste ou pas, à la dictature politique du parti unique prétendument « communiste ».

Au Japon où les couches populaires sont également frappées par la crise depuis des années, il est porteur de mobilisations d’extrême droite, une menace mortelle contre la classe ouvrière.

Les travailleurs, comme les deux peuples, ne pourraient qu’y perdre à se laisser prendre à cette surenchère nationaliste.

Robert PARIS

Réactions à cet article

  • Le nationalisme chinois ou japonais a une histoire séculaire, mais la domination de la région par les colonialistes européens puis l’impérialisme US est encore plus importante ! Combien la Chine a-t-elle de têtes nucléaires capables d’atteindre les USA ? à peine quelques dizaines. C’est peu... en comparaison des armes nucléaires françaises. Et surtout les Etats-Unis restent bien le seul Etat à avoir jamais fait usage de la bombe A sur des cités ouvrières d’Hiroshima et Nagasaki, contre des populations civiles. Quand cette politique aura pris fin, on pourra juger le « nationalisme chinois » avec plus de sévérité.

    Il reste pourtant une question fondamentale pour le mouvement ouvrier, la constitution d’une internationale ouvrière qui pourra empêcher, dans chaque pays, la bourgeoisie de saigner la population dans ses guerres ou même seulement pour entretenir des armées aussi pléthoriques que dangereuses pour la population laborieuse.

    Mais, pour cela, il faut situer les responsabilités des uns et des autres. Un film chinois montre actuellement la Chine après les licenciement dans la sidérurgie. Et une équipe de télévision a montré que les Français ne sont pas les derniers à s’implanter dans cette même région sinistrée. Michelin y produit des pneus !

    Est-ce à dire que les deux révolutions chinoises de 1919 et de 1945 n’auraient servi à rien ? Qu’il n’en resterait rien ? C’est douteux, il doit bien en rester quelque chose d’autre que les extraordinaires « relations économiques » dont on nous rebat les oreilles.

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