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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 107, septembre-octobre 2016 > Alstom, SFR, Latécoère, Arkema... tous ensemble contre les licencieurs

Que proposer, que revendiquer ?

5 octobre 2016 Convergences Politique

Contrairement aux Montebourg, Mélenchon, Chevènement… nous n’avons pas de « solution industrielle » à proposer au capitalisme français. En revanche, nous avons des mesures de sauvegarde du monde du travail, des plans d’urgence sociale à proposer aux salariés. C’est une question de rapport de force, de lutte de classe.

Les dirigeants d’entreprise n’obéissent pas aux donneurs de conseils, ex-ministres ou en exercice, syndicalistes pratiquant la collaboration de classe, prompts à céder à leur chantage. Ces patrons « stratèges », quant à eux, pratiquent systématiquement la lutte de classe et convoquent toutes les structures de l’appareil d’État (juridiques, financières, centralisatrices… répressives) pour imposer un rapport de force aux salariés. On a affaire à des « conglomérats puissants » (comme les aime Mélenchon) qui sont loin d’être acculés par une quelconque conjoncture économique, dont les décisions sont avant tout politiques. Les « baisses de commandes » ont bon dos. Leurs choix de prédateurs à la conquête de marchés mondiaux passent par des opérations de fusions/acquisitions, de réorganisation et de concentration du capital. Avec toujours la même « variable d’ajustement » : les exploités, les salariés ou assimilés.

Des objectifs qui rassemblent tous les salariés

Reste donc aux travailleurs à engager à leur tour leur nombre et leurs moyens dans l’épreuve de force, la lutte de classes, et de fixer des objectifs qui les rassemblent tous.

Ces mesures de sauvegarde, de plan d’urgence, s’adressent à l’ensemble de la classe ouvrière, en butte partout aux mêmes attaques, aux mêmes plans de restructurations, de destruction d’emplois, dans le secteur privé comme public, avec partout désormais les mêmes techniques patronales de management agressif contre le personnel. Et ce plan de sauvegarde rassembleur se décline, entre autres, en quelques grandes exigences :

  • interdiction des licenciements et des suppressions de postes ;
  • partage du travail entre tous ;
  • hausse des salaires ;
  • embauche définitive des précaires (intérimaires, CDD, prestataires…) ;
  • embauches dans les services publics.

Voilà pour la perspective d’ensemble, le programme du monde du travail dans le contexte actuel. Et qu’on ne nous dise pas qu’il n’est pas réalisable dans l’un des pays les plus riches du monde, mais où les inégalités comme la pauvreté explosent.

Du programme au rapport des forces

Mais imposer ce programme (à commencer par l’interdiction des licenciements), comme imposer le contrôle des travailleurs sur les comptes des entreprises (un contrôle qu’ils pourraient prendre eux-mêmes car, des agents comptables aux employés de banques, ils sont dans tous les rouages du fonctionnement de la société), ce sont des objectifs atteignables dans un contexte de généralisation des luttes. Ce que peut une lutte dépend du rapport de force qu’elle crée : on n’obtient pas la même chose quand seuls les travailleurs d’une entreprise ou d’une région y sont engagés, ou quand leur lutte réussit à devenir contagieuse à une échelle bien plus large.

Depuis 2009, on a vu toute une série de luttes locales contre des fermetures et des plans de licenciements avec des revendications diverses, en fonction de la situation : indemnités de licenciement plus importantes, reclassements de tous les salariés dans des conditions équivalentes à leur emploi en cours pour que personne ne reste sur le pavé, voire tentative de Scop, comme ont fait les travailleurs de Fralib à Marseille (malgré toutes les limites de viabilité de telles Scops). Chacune peut se discuter, même si les autres objectifs souvent privilégiés par les appareils syndicaux, tels que la recherche d’un repreneur (un « bon » patron) ou les nationalisations sont souvent bien illusoires. Mais sur le fond, tous se battent contre les licenciements. C’est pourquoi, à cette échelle locale, il ne s’agit pas d’opposer une revendication à une autre. Le problème réel étant de sortir de son isolement, et du même coup de faire évoluer le rapport des forces en faveur des travailleurs.

Sortir de l’isolement

Ce que le patronat redoute plus que tout, c’est l’explosion de colère qui regroupe tous les travailleurs menacés, voire qui entraîne avec eux les travailleurs des autres secteurs, à commencer par ceux des régions où la fermeture d’une grande entreprise (comme l’Alstom à Belfort) menace aussi des milliers d’emplois de plus petits sous-traitants. Et ce qui le rassure, c’est l’éparpillement des mêmes luttes. Simple exemple : après avoir eu chaud en 2009, avec les luttes de Continental, Goodyear, Molex, New Fabris, Philips et tant d’autres, une note de conjoncture de l’association Entreprise & personnel, qui regroupe les DRH des grandes entreprises, écrivait, avec un « ouf » de soulagement : « Les conflits sont restés épars et n’ont jamais été voués à se rejoindre. Au-delà d’exemples radicaux et très médiatisés, le climat social reste relativement calme dans les entreprises, avec des salariés attentistes, dont le moral évoluera entre fatalisme et pointe d’espérance sur fond d’inquiétude diffuse. » [1] On y lit encore : « on est quasiment dans la cogestion de la crise et les syndicats ont démontré l’importance de leur rôle dans la régulation sociale ».

Ce qu’ils redoutent, nous devons le rechercher : faire se rejoindre les conflits, ne pas les laisser « épars ». Faire converger nos luttes, voilà l’autre volet de notre programme de sauvegarde, de mobilisation.

La loi El Khomri, au printemps dernier, a révolté tout le monde, y compris la jeunesse qui n’était pas directement concernée mais sentait bien que son avenir était en jeu. Même si seule une minorité du monde du travail, mais numériquement importante, a participé aux manifestations, les autres approuvaient manifestants et grévistes sans oser encore en être. Il a manqué notamment un secteur en pointe dans la lutte pour donner confiance aux autres, et ça aurait pu être à la SNCF, si la savante tactique syndicale des journées « saute-mouton » n’avait pas œuvré à démobiliser les cheminots.

Aujourd’hui la série de suppressions d’emplois annoncée est la poursuite d’une offensive générale qui nous concerne tous. Une offensive pour précariser la main d’œuvre, baisser le coût du travail, en utilisant le chômage pour faire pression sur les salaires, en surchargeant de boulot une partie des travailleurs pendant que l’autre est au chômage.

Loin d’en rester à la défense entreprise par entreprise, d’en rester à la recherche de solutions locales toutes plus illusoires les unes que les autres, au nom du « savoir faire » de tel ou tel site ou d’en appeler à l’État, qui vient de montrer avec sa « loi travail » son intention d’ouvrir grand la porte aux licenciements faciles, c’est à l’ensemble des travailleurs que ceux qui se retrouvent directement acculés à la lutte pour leur emploi peuvent s’adresser. Car leur détermination pourrait donner confiance à d’autres, pour qu’un nouveau coup de colère, rassemblant bien au-delà d’eux-mêmes, fiche à nouveau la trouille au patronat et au gouvernement et les fasse reculer. Car la vague de licenciements annoncée en cette rentrée nous concerne tous, autant que la loi El Khomri essentiellement destinée à les faciliter. Voilà comment nos différents mots d’ordre, de l’interdiction des licenciements au partage du travail entre tous, en passant par l’embauche des précaires, viendraient concrètement à l’ordre du jour.

23 septembre 2016, Léo BASERLI


[1Les Échos, « Les DRH estiment que le climat social s’apaise », 30 septembre 2009

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