Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 31, janvier-février 2004

Que peut-on attendre de la campagne commune LO-LCR ?

Mis en ligne le 12 janvier 2004 Convergences Politique

D’abord évidemment une mesure de l’influence de l’extrême gauche par rapport à la gauche mais aussi à l’extrême droite, sinon à la droite. En présentant des listes communes aux régionales et aux européennes les deux organisations se sont données au moins l’instrument le plus adéquat pour prendre cette mesure.

S’adresser à l’électorat populaire déboussolé

Sans doute, l’extrême gauche n’attirera pas une seule voix supplémentaire de l’électorat a priori hostile, ceux bien décidés à ne pas voter pour elle qu’elle soit unie ou pas. Mais il y a tous les autres : les électeurs déboussolés et dégoûtés des politiciens et des partis de gauche comme de droite. Ceux-là n’ont plus envie de revoter pour les mêmes (le plus souvent la gauche mais pas toujours). En tout cas ils hésitent, envisagent de s’abstenir, voire de voter pour l’extrême droite, ne serait-ce que par défi, dégoût ou vengeance.

Ces mêmes sentiments peuvent en pousser certains à voter à l’extrême gauche. Mais la plupart d’entre eux ne prêteront attention de notre côté que si nous leur donnons d’autres raisons de voter pour nous que par défaut. Pour dire « merde » aux autres, ils ont en effet d’autres moyens de le faire.

En se montrant assez responsables pour s’unir et présenter un front commun sur la base du programme qu’elles partagent, les deux organisations leur ont donné des raisons positives d’envisager de voter pour elles (et pas seulement pour émettre le fameux vote « protestataire » si cher aux politologues, sociologues et journalistes). Et voter pour des raisons positives c’est commencer à prêter attention au programme et aux idées. Il ne faudrait pas exagérer la signification d’un vote : tous ceux qui ont voté Laguiller ou Besancenot aux dernières élections présidentielles n’ont pas voté pour la révolution, c’est sûr. Il ne faudrait pas non plus la nier. Aujourd’hui, les électeurs du FN qui mettent leur bulletin de vote dans l’urne par simple dépit, sont quand même après cela, qu’ils le veuillent ou non, un peu plus sensibles à ses propositions réactionnaires, racistes ou anti-immigrés. Hier, les millions d’électeurs du PCF, au bon temps de celui-ci, auraient peut-être été en peine de préciser ce qu’était le communisme, ils se sentaient quand même un peu communistes. Il en est de même pour l’extrême gauche. C’est bien l’une des raisons de la participation des révolutionnaires aux élections bourgeoises.

Inquiéter la gauche

La gauche ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Si, avant même qu’il soit conclu, l’accord LO-LCR a été depuis trois mois l’objet de ses attaques virulentes, c’est qu’elle en a vu l’enjeu. Après la déculottée reçue en 2002, juste punition pour la politique de cinq ans de gouvernement Jospin, toute la politique du PS, comme de ses satellites PCF ou Verts, a été de laisser passer le temps. Sûre que la droite au pouvoir ne ferait pas mieux qu’elle - un pari gagné d’avance - et finira par se déconsidérer à son tour, elle attend que les électeurs lui reviennent, par lassitude des Chirac et Raffarin sinon par enthousiasme pour les Hollande et consorts. C’est d’ailleurs pourquoi ses principaux leaders, les Fabius, Strauss-Kahn, Lang ou autres, ont l’œil rivé sur 2007 et les présidentielles. De toute évidence ils considèrent 2004, les régionales et les européennes, comme une étape sans importance (et surtout encore trop près de 2002). Ou plutôt ils considéraient, avant que l’extrême gauche vienne troubler leur sieste politique. Aujourd’hui ils s’inquiètent.

Certes les prévisions avancées par une certaine presse (Le Monde, Libération…) quant à nos possibles résultats sont sans doute exagérées pour les besoins de leur cause : tenter d’effrayer ceux qui hésitent entre la gauche et l’extrême gauche. C’est une façon de faire croire qu’accorder ses suffrages à cette dernière, même pour donner une bonne leçon à la première, ce serait faire le jeu de la droite, extrême ou pas. Parions que ce thème va être développé sur tous les tons dans les six mois qui viennent. Et qu’importe que tout ait prouvé, et en particulier les dernières élections présidentielles, que la gauche n’a besoin de personne, et pas plus de LO ou de la LCR, pour se tirer dans le pied !

Leur inquiétude est quand même significative. A l’unisson de la droite, la gauche pense que l’extrême gauche peut à nouveau refaire le score des présidentielles, et que l’accord LO-LCR ouvre cette perspective. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’il est de l’intérêt de l’ensemble des militants et groupes révolutionnaires - y compris ceux qui de fait ne sont pas inclus dans l’accord - de faire campagne pour les candidats communs LO-LCR. Meilleurs seront les résultats, en voix et en élus, plus l’extrême gauche toute entière sera dans une position favorable pour affronter la période qui suivra et l’offensive annoncée du patronat et du gouvernement.

Et plus aussi il y aura des chances que cet accord électoral ait des suites après les élections.

Remettre les divergences à leur juste place

Il ne faut pas être grand clerc, en effet, pour deviner que la suite dépendra d’abord des résultats. S’ils sont mauvais ou médiocres, la tentation sera grande dans les deux organisations de briser là, de vaquer chacune de son côté à ses propres affaires et retourner en gros à la situation qui a prévalu entre les élections de 1999 et celles de 2004.

La tendance à ne pas se soucier de ce qu’elles pourraient faire en commun, est déjà une constante chez l’une comme chez l’autre. Sous le prétexte qu’à deux on ne fait pas mieux que chacun de son côté, les adversaires de l’alliance ou ceux qui ne l’ont admis qu’avec réticence reprendront l’offensive. Dans la LCR pour renouer les liens du côté de la gauche, dans LO pour renoncer à toute politique active vis-à-vis du reste de l’extrême gauche.

Et dans LO comme dans la LCR pour brandir le prétexte des divergences de toutes sortes : le type de parti à construire (léniniste ou social-démocrate ?), les milieux visés en priorité (s’investir ou pas dans le mouvement altermondialiste ?), le type d’intervention dans la classe ouvrière (par le biais privilégié des syndicats ou celle directe de l’organisation politique ?) et d’autres encore.

Prétexte, non que ces divergences ne soient pas bien réelles et qu’elles ne limitent pas automatiquement des possibilités d’actions communes. Mais prétexte parce qu’elles ont été invoquées trop souvent là où elles n’avaient rien à faire, là où elles n’étaient pas des obstacles véritables. L’accord LO-LCR le prouve a contrario. Si ces divergences n’empêchent pas une alliance pour les élections, qui peut croire qu’elles étaient, sont ou seront un obstacle insurmontable pour des interventions communes… sur tous les autres terrains ?

Préparer la suite

De bons résultats électoraux ne suffiront certes pas à changer d’un coup les préjugés, les illusions et les sectarismes qui existent dans l’une comme dans l’autre des deux organisations. Peut-être même, s’ils poussaient vers l’extrême gauche un petit courant de nouveaux adhérents et militants, contribueraient-ils à exacerber la concurrence et la rivalité pour savoir laquelle les attirera. Cela n’a d’ailleurs rien de choquant ni d’anormal entre deux organisations révolutionnaires, même alliées, tant qu’elles demeurent deux formations séparées. Or pour que la question d’une fusion se pose (en admettant même qu’elle soit désirable et que certains obstacles politiques soient levés) il faudrait un afflux massif de nouveaux militants et adhérents auquel les deux organisations ne pourraient faire face qu’en commun… et qui exigeraient eux-mêmes qu’elles fassent face en commun.

Mais de bons résultats changeraient quand même la donne. Les travailleurs qui voteront pour des listes communes LO-LCR peuvent se moquer de savoir s’il y a une ou deux organisations. En revanche, surtout s’ils se savent nombreux à l’avoir fait, ils ne pourront manquer de demander ce que l’extrême gauche leur propose d’autre que de mettre un bulletin dans l’urne. Si les résultats électoraux aident les travailleurs à retrouver le moral (l’un des buts que se fixe à juste titre la campagne électorale commune) ils ne pourront manquer de demander ce que LO et la LCR proposent maintenant pour défendre le programme pour lequel, ensemble, elles leur ont demandé de voter.

Et c’est bien ce que nous pouvons espérer de mieux de cette campagne. Que l’extrême gauche soit mise en demeure par la pression des résultats (et des travailleurs qui lui auront accordé leur suffrage) de définir une politique, d’envisager des interventions sur le terrain même de la lutte de classe, les problèmes des licenciements, du chômage, de la défense des services publics, de la Sécurité sociale… bref tous ceux pour lesquels la LCR et LO s’engagent dans leur profession de foi à aider « à préparer les luttes collectives de demain ».

Certes aucune intervention commune de l’extrême gauche, même lorsqu’elle est possible, ne se mettra sur pied automatiquement. Tout le passé l’a montré. Il faudra dans les deux organisations, et aussi à côté, des batailles politiques pour l’imposer. Les résultats de la campagne commune peuvent cependant nous servir de points d’appui pour ce combat. En tout cas nous ferons tout pour cela.

Jacques MORAND


Une alliance qui ne fait pas que des heureux

Nous avons reçu dans notre courrier :

Cette alliance est à mon avis un très mauvais choix. Ce rassemblement entre LO et la LCR ressemble de très près au rassemblement qu’avait effectué le PS avec les Verts et le PC ; sous le nom de gauche plurielle. On en a vu les résultats. Ce rassemblement est, selon moi, plus une façon pour les dirigeants des deux partis de gagner les élections (et donc assouvir leur pouvoir) plus que pour servir le peuple. Une fois de plus, l’idée qu’en politique les intérêts privés passent avant les publics, se vérifie.

Enfin, il est tout à fait acceptable que la LCR ait enlevé ce paragraphe « dictature du prolétariat ». Dirigeants de LO et militants : comment est-il possible de prôner la justice sociale tout en espérant une dictature ? Tout ceci me semble bien contradictoire, dangereux et surtout très triste.

Jovialement, « véritables pensées d’extrême gauche ». C. M.

Le rassemblement LO-LCR « pour gagner les élections » ? Sérieusement ? Qui a dit que tout argument exagéré était nul et non avenu ?

Mots-clés : | | |

Réactions à cet article

  • Assez ignorant des débats (voire plus) entre les courants trotskistes, il m’apparaît :

    • que ce qui rapproche ces formations est infiniment plus large que ce qui les éloigne (ou alors je n’ai rien compris au film) ;
    • qu’il convient d’unir le plus souvent possible l’ensemble de ces forces afin de peser dans les luttes et lors des élections ;
    • que présenter un front commun et organisé offre plus de crédibilité à la radicalité affichée (tandis qu’aujourd’hui on présente ces partis, au mieux, comme des utopistes irresponsables et sans perspectives réelles (idée du vote utile assénée par les partis en place et leurs relais médiatiques) ;
    • que les différences entre courants devraient pouvoir permettre l’enrichissement de tous, par le débat et un vrai sentiment de fraternité.

    S’agissant de la « dictature du prolétariat » telle que je la comprend, elle n’exprime que la ferme volonté de ne pas laisser, le moment venu, une minorité entraver, par la force, la volonté d’un peuple de tourner la page du capitalisme. Or, je doute que les capitalistes qui clament la démocratie acceptent dans les faits de céder la place. Cette « dictature », dont on trahit à dessein le sens, me parait inévitable ; il faut bien en expliquer le sens.

    Réagir à ce message

Imprimer Imprimer cet article