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DOSSIER : Moyen-orient, Israël, Etats arabes, Autorité palestinienne... Les pions de l’impérialisme

Quand les gouvernements arabes se préoccupent des Palestiniens

Mis en ligne le 16 mai 2002 Convergences Monde

Israël est engagé depuis des mois dans une opération de répression de grande envergure, détruisant et massacrant, comme l’a illustré l’entrée de Tsahal à Jénine. Mais si les peuples arabes ont parfois exprimé massivement dans la rue leur solidarité avec les Palestiniens, les gouvernements sont restés étonnamment discrets.

Ce n’est pas seulement que la supériorité militaire de l’Etat d’Israël les fait évidemment hésiter à risquer un nouveau conflit. C’est que leur première préoccupation est de ne pas se fâcher avec l’impérialisme américain auquel dans la pratique ils ont remis depuis longtemps le soin de régler le problème palestinien. La seule initiative arabe, le plan de paix du régent Abdallah d’Arabie saoudite – en échange d’un Etat et d’un territoire pour les Palestiniens, reconnaissance par tous les Etats arabes de l’Etat d’Israël – n’est que la répétition de ce que prétend vouloir Georges Bush lui-même et donc d’abord un geste pour se mettre bien avec les USA.

Dès la création d’Israël ces Etats arabes ont laissé croire qu’ils étaient sur le pied de guerre pour aider les Palestiniens. Mais ils ne se sont jamais lancés à l’assaut d’Israël, notamment au début, que dans leur propre intérêt, dans le désir d’augmenter leur propre territoire ou par démagogie envers leur population, quant à elle réellement solidaire des Palestiniens. Les plus virulents naguère, l’Egypte ou encore la Jordanie, furent parfois les premiers à faire la paix, sans plus se soucier du sort des Palestiniens. Quant à ceux qui se posent toujours en ennemis irréductibles d’Israël, comme la Syrie ou l’Irak, que les Etats-unis changent d’attitude envers les dictateurs Assad ou Saddam Hussein et l’on verra ce que vaut leur prétendue sollicitude pour leurs frères de Palestine !

Egypte, Jordanie, Liban : le chemin de croix des Palestiniens

Tous ces Etats arabes, aux mains de minorités de féodaux ou d’une bourgeoisie d’Etat réactionnaires et sans base sociale solide, ont toujours vu d’un très mauvais oeil la mobilisation et l’organisation armée des Palestiniens. N’allait-elle pas donner des idées à leurs propres masses exploitées ? Ne l’a-t-elle pas fait même à plusieurs reprises, de l’Egypte au Liban, en passant par la Jordanie ?

En Egypte c’est dès 1967 que cette menace s’est profilée, comme le raconte Mahmoud Hussein dans son ouvrage L’Egypte. Après l’échec militaire contre Israël, les masses descendent dans la rue pour demander le retour de Gamal Nasser, démissionnaire, mais aussi parce que le mécontentement est grand. Les travailleurs sont révoltés que les Palestiniens soient abandonnés par le pouvoir et une armée défaite dont on leur avait tant vanté les mérites. La première étincelle part d’une banlieue ouvrière, Hélouan, siège de grandes usines modernes dont les ouvriers manifestent en dénonçant l’armée égyptienne mais aussi sous le slogan : « pas de socialisme sans liberté ! ». Les autres banlieues ouvrières s’enflamment, manifestent, élèvent des barricades, s’attaquent à la police, rejointes par les jeunes des quartiers pauvres et les étudiants. Le président de l’assemblée nationale, Anouar el-Sadate, est contraint de recevoir une délégation des manifestants. Autour de l’assemblée des milliers de manifestants réclament les droits démocratiques. Malgré une interdiction, une immense manifestation a lieu au Caire. Etudiants, jeunes ouvriers et chômeurs livrent une bataille rangée à la police, amenant l’armée à intervenir et tirer dans la foule. Le gouvernement égyptien vient de faire l’expérience de la puissance explosive qu’a le sentiment de solidarité avec le peuple palestinien des masses arabes pauvres et du danger qu’il y a à manier la démagogie sur ce terrain, alors qu’il n’a ni les moyens ni la volonté de forcer Israël à rendre justice à ce peuple. Il n’est que le premier de la liste.

Septembre noir

Le 17 septembre 1970, les blindés, l’artillerie et l’aviation jordaniennes sont lancés contre les combattants palestiniens et les camps de réfugiés. Non seulement les misérables bidonvilles dans lesquels sont retranchés les fedayins sont bombardés mais aussi la capitale, et les civils ne sont pas épargnés. C’est le début du « Septembre noir », durant lequel l’armée jordanienne fait des milliers de morts, plus que l’armée israélienne n’en a jamais fait ! Un accord est finalement signé selon lequel la résistance palestinienne doit reconnaître l’autorité du roi Hussein et accepter de quitter les villes jordaniennes. Les combattants et civils palestiniens ont fait les frais de la volonté du pouvoir de faire un exemple préventif. Les organisations palestiniennes n’avaient nulle intention de s’en prendre au régime en place, mais celui-ci voulait rendre clair à toute sa population qu’il ne tolérerait aucun embryon d’organisation populaire susceptible de servir de pôle de ralliement au mécontentement.

Et en effet, quelques temps plus tard, au Liban cette fois, la simple présence des combattants palestiniens en armes contribue à encourager les travailleurs. De 1972 à 1975, la classe muvrière libanaise et les couches populaires se radicalisent : aux balles des militaires répondent des grèves générales ouvrières en novembre 1972, décembre 1973, janvier et août 1974. En même temps cette classe ouvrière fait une certaine jonction avec les Palestiniens : le 1er avril 1973, par exemple, un cortège de 250 000 personnes traverse Beyrouth pour l’enterrement de trois leaders palestiniens tués par un commando israélien.

Devant la menace d’une alliance entre Palestiniens et Libanais pauvres la bourgeoisie libanaise active ses milices d’extrême droite, les Phalanges. D’abord contre les grèves ouvrières ou les paysans en lutte contre les féodaux, voire les pêcheurs en révolte. L’armée unie aux bandes fascistes ne vient pourtant pas à bout de la radicalisation de la population pauvre unie aux Palestiniens armés. Bien au contraire. Et pas plus l’OLP d’Arafat qui tentant de calmer le jeu déclarait en juin 1975 : « Tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. La révolution palestinienne sait que le véritable champ de bataille se trouve en Palestine ». Finalement même Yasser Arafat doit s’allier à George Habache, chef du FPLP, et accepter que la gauche libanaise et la résistance palestinienne (les forces dites palestino-progressiste) lancent une offensive dans le centre de Beyrouth et dans la montagne. L’insurrection est alors en voie de gagner sur toute la ligne et de défaire une armée libanaise alliée aux phalangistes mais divisée.

La Syrie à la rescousse des massacreurs

Mais la révolte du Liban menace d’autres pays voisins où des Palestiniens ont aussi trouvé refuge. En premier lieu la Syrie. Et alors que les dirigeants de la gauche libanaise et des Palestiniens accueillent avec satisfaction l’intervention d’un « pays frère arabe », les tanks syriens qui rentrent au Liban se rangent aux côtés de l’extrême droite chrétienne contre le camp « palestino-progressiste ». Pour tous ceux qui croyaient encore, malgré les exemples de l’Egypte ou de la Jordanie, à la solidarité des gouvernements arabes, la chute est d’autant plus dure que la Syrie était, en paroles, particulièrement radicale. Un des « hauts faits d’armes » de l’armée syrienne contre les Palestiniens est le pendant exact de ce qui s’est passé en Jordanie. L’armée syrienne pilonne méthodiquement pendant deux mois le camp de Tall El-Zaatar où les réfugiés refusant de se rendre sont affamés puis massacrés. Armée syrienne et phalanges fascistes chrétiennes collaborent dans cette élimination méthodique de la gauche et des Palestiniens.

L’intervention militaire syrienne au Liban en 1976 a été un cinglant démenti, un de plus, à la prétendue solidarité entre les Etats arabes et la cause palestinienne. Les sentiments de leurs peuples peuvent les contraindre à des déclarations hypocrites de solidarité, de sordides calculs de leurs intérêts aussi. Mais Israël n’est pas leur ennemi à cause du traitement qu’il a infligé aux Palestiniens. Il leur sert avant tout à agiter un leurre devant leur peuple, faire oublier à celui-ci qu’ils en sont eux-mêmes les premiers et plus féroces ennemis et, quand il est nécessaire, dévoyer sa colère dans la voie du nationalisme ou même de l’antisémitisme.

Il suffit d’ailleurs de rappeler que les Territoires occupés depuis par Israël, le furent d’abord pendant de longues années par les Etats arabes eux-mêmes (Egypte et Jordanie). Et alors il était encore moins question qu’aujourd’hui d’un Etat palestinien. A Gaza, occupée par l’Egypte, les Palestiniens étaient parqués dans des camps comme au Liban ou en Jordanie, avec en plus l’interdiction de passer en Egypte. La Cisjordanie palestinienne était gouvernée par le roi de Jordanie de façon si draconienne que ce même roi, sans illusion sur les sentiments de ses sujets à son égard, estima devoir massacrer les mêmes Palestiniens réfugiés chez lui.

Robert PARIS

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