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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 79, janvier-février 2012

Projet de cession du pôle Vinylique chez Arkema, ou la sous-traitance des licenciements dans la chimie

Mis en ligne le 22 janvier 2012 Convergences Entreprises

Le 5 décembre dernier, 750 grévistes d’Arkema, venus de presque tous les sites du pays, convergeaient vers le luxueux siège parisien de l’entreprise, à Colombes. À l’intérieur de cet immeuble de verre, proche du quartier de La Défense, la direction du groupe devait en dire un peu plus sur son projet de cession du pôle Vinylique, à l’occasion du Comité Central d’Entreprise extraordinaire.

La marche sur les plates-bandes d’Amarante

Ce groupe de l’industrie chimique, qui compte 15 700 salariés dans le monde, et une quinzaine de sites en France [1], va donc créer une nouvelle société. Malgré l’attaque qui se profile derrière, la direction choisit la poésie en l’appelant Amarante, comme la fleur. Poètes pour poète, sur les pas d’Arthur Rimbaud, les salariés sont partis marcher sur les « plates-bandes d’amarantes jusqu’à l’agréable palais » d’Arkema… à Colom­bes ! De quoi nous aérer de la sinistrose de nos ateliers.

Une telle mobilisation est une première dans le groupe. Plus d’un dixième des salariés d’Arkema en France sont venus montrer leur colère jusque sous les fenêtres du patron. Il a même fallu affréter un TGV pour amener 500 manifestants depuis les régions Rhône-Alpes et PACA. Et, sur le trajet de la Gare de Lyon au siège de Colombes, les grévistes n’ont pas oublié de faire beaucoup de bruit.

Arrivés sur place, les travailleurs ont été plus réactifs que les CRS appelés par la direction pour l’occasion puisqu’ils ont réussi à entrer à l’intérieur du bâtiment, dont ils ne sont sortis qu’à cause des gaz lacrymogènes. Une journée dont tout le monde se souvient, à commencer par le patron. À cause de la détermination affichée par les grévistes et, de façon plus évidente, par les quelques traces laissées par les manifestants tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de cet immeuble classe.

L’argent a l’odeur des licenciements

Cette manifestation était le point culminant d’un mouvement touchant plusieurs sites de l’entreprise [2]. La cause :le 23 novembre dernier, Arkema annonçait son intention de se débarrasser du pôle Vinylique (chlorochimie et PVC), pas assez rentable à son goût. Depuis ce jour, l’action d’Arkema en bourse s’envole. Plus de 2 600 salariés sont concernés, dont plus de 1 800 en France, principalement autour de Lyon [3] et en région PACA [4], sans oublier les différentes filiales intégrées au paquet cadeau. Soit quasiment un tiers des salariés du groupe en France.

L’heureux bénéficiaire de cette cession est le fonds d’investissement Gary Klesch. Heureux, car il a touché le jackpot : outre des centaines de millions d’euros d’actifs (des usines entières, etc.), la nouvelle acquisition de M. Klesch hérite d’une trésorerie positive de 96 millions d’euros. Cerise sur le gâteau, Arkema se paye le luxe de garder les dettes du pôle pour lui. Si l’on ajoute à cela la réputation de « nettoyeur » de ce fonds d’investissement qui a, entre autres, liquidé le fabricant de chaussures Myrys en deux ans avec des centaines de licenciements à la clé, on comprend que, si cette magouille a des dessous obscurs (et les travailleurs auraient tout intérêt à pouvoir les connaître), ses objectifs sont parfaitement clairs : en échange des profits engendrés et du gros chèque de bienvenue, le repreneur doit restructurer à la place d’Arkema. Un simple contrat de sous-traitance... des licenciements.

Pour les besoins de la cause patronale, le pôle Vinylique est présenté comme le boulet du groupe, qui l’empêcherait d’investir dans les autres branches, et donc de créer des emplois. Une tentative grossière de diviser les travailleurs, et un trait d’égalité abusif tiré entre investissements et emplois. C’est aussi compter sur le fait qu’on oublie que le groupe s’est enrichi pendant des années à l’aide du pôle Vinylique ainsi que ses profits importants (109 millions d’euros de bénéfice net rien qu’au troisième trimestre 2011).

La direction se veut rassurante. Sur la base d’informations invérifiables par les travailleurs, voire qui se sont avérées être fausses [5], elle promet un avenir radieux à la nouvelle société – ladite Amarante, donc – ainsi créée. Elle jure que ce qu’elle présente encore comme le « vilain petit canard » d’Arkema se transformera en champion de la rentabilité. À se demander pourquoi elle ne garde pas son poulain au sérail. Mais, surtout, aux questions sur les emplois, elle répond par un argumentaire sur la rentabilité, qui n’est absolument pas notre problème.

Cette propagande ne trompe personne, les travailleurs d’Arkema sont très largement conscients des objectifs réels de cette opération financière. Peut-être aussi parce qu’Arkema est issu de l’ancienne branche chimie de Total, séparée du grand groupe pétrolier pour cause de... trop faible rentabilité. Avaient suivi les restructurations en cascades, les réactions restant limitées à Arkema.

La stratégie de la montre

La direction a bien tenté de se servir de quelques « dégra­da­tions » [6] du siège de l’entreprise lors de la manifestation pour effrayer les travailleurs les plus éloignés du mouvement. La DRH de l’usine de Saint-Fons n’hésitant pas à qualifier les manifestants de « terroristes »  ! Mais, depuis la mi-décembre, la direction ne communique plus sur la cession. Peut-être le choix de faire retomber la pression, voire de jouer avec l’attente pénible pour les salariés concernés.

Entre un plan de licenciements qui ne dit pas son nom, une opération financière dont on ne sait pas tout, des assurances qui n’engagent que ceux qui y croient et un silence-radio de plus d’un mois, on peut dire que la direction d’Arkema louvoie. Pour lui faire ravaler son plan, il faudra bien la contraindre à jouer cartes sur tables.

Rien n’est gagné. Mais ce mouvement de fin 2011 sonne comme un avertissement : nous ne sommes pas dupes et, quand les masques tomberont un peu plus, elle risque de nous voir fin prêts à répondre.

12 janvier 2012

Toni ROUVEL et Maya PALENKE


À Arkema, la réaction ne s’est pas fait attendre

Le jour même de l’annonce de la cession du pôle Vinylique, le 23 novembre donc, les travailleurs des usines de Fos-sur-Mer, Lavéra, Saint-Auban et Saint-Fons sont partis en grève. Le lendemain, ceux de Pierre-Bénite les ont rejoints.

Le sentiment général des grévistes était qu’il n’était pas possible de laisser passer une telle annonce sans rien faire. C’est encore plus vrai pour les salariés directement concernés par la cession. Certains d’entre eux ne dépendaient du pôle Vinylique que depuis quelques mois, et se retrouvent quand même dans ce qui ressemble beaucoup à une « charrette » !

À Pierre-Bénite, près de Lyon, 17 postes sont touchés, mais nombreux sont ceux qui ont fait grève par solidarité. La production a été arrêtée. Une centaine de grévistes ont envahi le Comité d’entreprise, bousculant le train-train bien huilé accompagnant ce genre d’attaques.

Dans toutes ces usines, les grévistes ont attendu la venue d’Otto Takken, futur PDG de la nouvelle entité, pour reprendre le travail (sauf à Pierre-Bénite, où il n’est pas venu). Ceux de Saint-Fons, près de Lyon, qui sont tous concernés par la cession, ont donc fait cinq jours de grève. Le dernier jour, un rassemblement était organisé devant l’usine. Outre des travailleurs des sites de Saint-Fons et Pierre-Bénite, sont venues des délégations de cinq entreprises. De l’industrie chimique, mais aussi de la SNCF et de Véninov, fabricant de toiles cirées à Vénissieux, en lutte depuis un an contre la fermeture de leur usine et pour sauver leurs emplois. Un comité d’accueil qui a copieusement hué Otto Takken à sa sortie – qui se voulait très discrète – de l’usine.

Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas retrouvés ainsi en grève, ensemble, sur plusieurs usines d’Arkema, pas prêts à avaler toutes les couleuvres de la direction.

T.R. et M.P.


[1Sans compter les filiales.

[2Voir « À Arkema, la réaction ne s’est pas fait attendre »

[3Usine de Saint-Fons cédée en entier, cession partielle à Balan et Pierre-Bénite.

[4Usines de Fos-sur-Mer et Lavéra cédées en entier. L’usine de Saint-Auban est partiellement touchée.

[5Ils ont tenté de faire croire que les « ajustements » se feraient sur les « frais variables », comme les tarifs de matières premières telles que l’éthylène. Un gros mensonge.

[6En fait, de simples ornements et fioritures relevant de l’art brut. C’est que certains manifestants trouvaient le décalage trop important entre ces locaux flambant neufs et nos ateliers vétustes.

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