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Première victoire, première brèche

15 avril 2006

L’obstination et la détermination du mouvement étudiant et lycéen ont donc payé. Le soutien des salariés lors des manifestations massives des dernières semaines ont joué. Le maintien de la mobilisation de la jeunesse toute la semaine dernière également. Le gouvernement a craint une contagion sociale plus explosive et a reculé. Du moins sur le CPE, en lui substituant toutefois un projet de loi qui prévoit de nouvelles subventions... au patronat. Reste que la retraite précipitée de Chirac et de Villepin du début de cette semaine marque une première victoire notable, voire historique, pour la jeunesse et le monde du travail.

La gauche gouvernementale et les confédérations syndicales ont sablé le champagne et semblent pleinement satisfaites et soulagées. Objectif 2007 pour la première ; en avant toute pour le retour tant attendu aux négociations, pour les secondes.

Les objectifs des étudiants

Pas le même son de cloche du côté des étudiants et des lycéens.

Tout d’abord, parce que leurs revendications ne se limitent pas au simple retrait du CPE, mais à celui de toute la loi dite sur « l’égalité des chances », et à celui du CNE. Et ils estiment à juste titre que le recul du gouvernement n’est que partiel.

Ensuite, parce que suite à l’énorme succès, à une semaine de distance, des manifestations du 28 mars et 4 avril, ils tenaient à renforcer le nouveau rapport des forces et à se donner les moyens de remporter une victoire décisive. Ce n’était pas au moment où la mobilisation se renforçait au-delà de toute attente qu’il fallait en rabattre, faire une pause et attendre gentiment les gestes du gouvernement. Mais c’est précisément au lendemain du succès du 4 avril, là où il fallait pousser l’avantage, que les confédérations syndicales, après avoir jusque-là maintenu un langage ferme, ont à moitié lâché les étudiants en se refusant à se joindre à leur appel pour une nouvelle manifestation le 11 avril. Et si le gouvernement a reculé lundi, c’est qu’en dépit de l’attentisme des mêmes confédérations, les étudiants et les lycéens n’ont pas baissé la garde et maintenu toute la semaine blocages, occupations de gares et rocades, visites aux entreprises et autres actions en tous genres, avec bien souvent le soutien des syndicats de salariés locaux.

Cette semaine, les nouveaux appels aux manifestations n’ont rassemblé que des minorités d’étudiants, et des votes serrés ont obtenu la fin des blocages, voire la reprise des cours dans différentes facultés. Quoi qu’il en soit, les étudiants qui restent mobilisés, même minoritaires désormais, ont raison de réaffirmer clairement leurs revendications et objectifs. De rappeler entre autres ce qu’est le CNE et la si mal nommée loi sur l’Égalité des chances. Ne serait-ce que pour les négociateurs ne fassent pas prendre aux jeunes et aux salariés des vessies pour des lanternes. Ne serait-ce que pour bien montrer que si première victoire il y a, la véritable épreuve de force reste à remporter. C’est bien pourquoi, même si c’était nettement anticiper sur l’état d’esprit des travailleurs, leur coordination nationale, sur le fond, a eu bien raison de parler de grève générale. Et bien raison d’appeler à de nouvelles journées de manifestations.

Ceux de la gauche et des confédérations syndicales

Le rapport de force établi par ces deux mois de mouvement, et la première victoire remportée, devrait ouvrir de nouvelles perspectives de mobilisation pour le monde du travail. Cette première victoire devrait marquer un début, et certainement pas une fin.

Du côté du PS on est loin de telles préoccupations. Ses leaders se félicitent qu’on soit enfin sortis de la « crise », du retour à l’ordre. Le PS a certes accompagné le mouvement, verbalement, à sa manière toute particulière : il y a quelques semaines encore, Hollande voyait mal comment le gouvernement pourrait revenir sur sa loi et parlait d’abroger le CPE... si la gauche était élue en 2007 !

Du côté des confédérations syndicales, l’attitude a été plus ferme. Les appels aux grandes manifestations nationales que proposaient les étudiants ont incontestablement contribué à faire basculer le rapport de forces... du moins jusqu’au mardi 4 avril. Mais depuis, la CGT, par exemple, puisque c’est tout de même toujours elle qui donne le ton, se montre beaucoup plus floue. Certes, elle reste « vigilante », et rappelle que la question du CNE n’est pas réglée. Mais aucun autre objectif de mobilisation, si ce n’est de vagues allusions au 1er mai, dans près de trois semaines. Il ne s’agit pas de pousser l’avantage, comme le proposent les étudiants, mais uniquement de négocier entre « partenaires sociaux », et même d’accepter les rendez-vous séparés auxquels l’UMP (la semaine dernière) et le patronat (cette semaine) convoquent les différentes confédérations. Alors même que le gouvernement et le patronat sont en position de faiblesse, les confédérations font assaut de « sagesse ».

Certes, les travailleurs n’en sont pas à se mettre spontanément en grève, ni à répondre par-dessus la tête des syndicats aux appels à la grève des étudiants, malgré toute la sympathie qu’ils leur manifestent. Et il est clair, qu’en l’absence de discours et d’actes fermes des confédérations, la grande majorité des travailleurs se réjouissent de la victoire remportée et, pour l’heure, s’en contentent. Mais ils peuvent aussi prendre bonne note de ce que leur ont dit et disent toujours les étudiants les plus mobilisés.

Le mouvement contre le CPE, le CNE et la loi sur l’Égalité des chances, en deux mois, a changé la donne sociale du pays : oui, le gouvernement et le patronat peuvent reculer. Oui, les salariés peuvent se mobiliser ensemble et remporter des victoires. Reste à exploiter cette nouvelle donne. La jeunesse a ouvert la brèche. À la classe ouvrière, en dépit des réticences de ses confédérations syndicales, de s’y engouffrer dans la période à venir.

Huguette CHEVIREAU

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