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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 57, mai-juin 2008

Peugeot Citroën : La « Gestion prévisionnelle des emplois », ou comment licencier à moindre frais

Mis en ligne le 13 mai 2008 Convergences Entreprises

La loi de janvier 2005, dite de « programmation pour la cohésion sociale » , a rendu obligatoire (à partir du 20 janvier 2008) pour toute entreprise de plus de 300 salariés la négociation tous les 3 ans d’un accord dit de « gestion prévisionnelle des emplois et compétences » , GPEC de son petit nom autour des tapis verts. Selon le ministre délégué au travail de l’époque, Gérard Larcher, ceci devait être « un facteur déterminant pour éviter les restructurations brutales » et permettre « d’éviter les licenciements économiques et d’en limiter le nombre » . Au-delà de tout le fatras des clauses sur la formation, les progressions de carrières ou la gestion des compétences, qui remplissent de promesses les pages de ces accords, le but était clairement annoncé : associer les syndicats aux futures restructurations et suppressions d’emplois.

5 000 suppressions de postes à Peugeot-Citroën

Les clauses destinées à permettre de pousser les travailleurs aux départs « volontaires » , constituent l’un des chapitres, et le seul consistant, de bon nombre d’accords de GPEC signés à ce jour. « C’est sécurisé, moins brutal qu’un licenciement économique, ça préserve le climat social » explique un avocat du monde patronal, président du Cercle des DRH, cité par le journal Entreprises et Carrières du 18 mars dernier. Et c’est « inattaquable […] un salarié qui signe un accord à l’amiable dans le cadre d’un départ volontaire ne peut, par la suite, contester la rupture de son contrat de travail ».

L’utilisation que vient d’en faire le groupe Peugeot-Citroën est parlante. Début mars 2007 la direction négociait au pas de charge un accord de GPEC. Le 6 avril, il était signé par tous les syndicats, sauf la CGT, seule à dénoncer les clauses destinées aux éventuelles réductions d’effectifs. Les signataires vantaient les mérites du futur « comité paritaire » sur l’évolution de l’entreprise ou de l’ « observatoire des métiers et des compétences » pour l’adaptation du personnel aux évolutions technologiques. « Entretiens annuels de progrès » et « bilans de compétences » , devaient favoriser les progressions de carrières, les « mobilités » répondre aux des salariés…

Le journal Les Échos titrait : « les syndicats approuvent le plan de départs volontaires » . Le ministre Larcher demandait à la Commission européenne des aides, sur les fonds destinés aux « victimes de la mondialisation » , pour les sous-traitant de PSA qui allaient faire aussi les frais de la restructuration. Le 9 mai 2007, la direction de PSA annonçait la suppression de 4 800 postes en France (1 800 ouvriers, autant de techniciens et de personnels administratifs, et 1 200 cadres), en grande partie dans les centres techniques. Ils faisaient suite au 7 000 suppressions d’emplois en 2006 dans la production. Les départs « volontaires » aux conditions prévues dans l’accord de GPEC allaient en être l’outil.

Et PSA ne compte pas s’en tenir là, annonçant, le 13 décembre 2007, la poursuite du plan notamment sur les sites de Rennes, Aulnay, Mulhouse. 1 000 suppressions de postes programmées en 2008, majoritairement chez les ouvriers professionnels.

Après un an de « Gestion prévisionnelle »

Si, en moins de six mois, la direction a réussi à obtenir le nombre de volontaires désiré (et même un peu plus, 5 090 départs dénombrés fin décembre 2007, plus 590 départs à la retraite hors GPEC), les pressions de l’encadrement et les menaces voilées (il n’y a plus d’avenir ici pour vous !) ont plus joué que les maigres incitations financières.

Au centre technique de La Garenne, dans la région parisienne, où le nombre de candidats au départ s’est accru à la rentrée de septembre, on notait surtout une certaine résignation, avec le raisonnement qu’il faut sauver sa peau au mieux de ses intérêts avant que la direction n’ait recours à un plan social. Les conséquences, on les ressent aujourd’hui, avec des effectifs réduits alors que PSA multiplie les projets de nouveaux véhicules. Le plan GPEC a eu pour effet de freiner voire de bloquer la mobilité des salariés, tant vantée par l’accord, l’encadrement souhaitant garder le plus possible ses troupes. Et la plupart des services sont débordés, au point que leurs responsables eux-mêmes ne savent plus où donner de la tête. Il y a quelques semaines, une des grandes directions techniques, celle des projets moteurs, a estimé sa charge de travail à 5 000 personnes (estimation déjà en dessous des besoins) alors qu’elle n’en compte plus que 3 500. On nous a alors annoncé le recours accru à la sous-traitance et aux prestataires extérieurs !

Pour les salariés ayant quitté PSA, c’est souvent la galère. À Sochaux, plus de 200 salariés se sont retrouvés aux Assedic après leur départ. Vu leur nombre et l’âge, l’administration s’est retournée vers PSA pour lui réclamer la contribution Delalande exigée dans le cas de licenciements économique de salariés de plus de 50 ans. Pour ne pas la payer, PSA a tenté, par un courrier aux salariés partis, de les pousser à se désinscrire du chômage, sous peine de devoir rembourser les primes de départ.

L’événement le plus dramatique à été révélé fin mars : le suicide d’une ex-salariée du siège. Dans une lettre, l’avocat de la famille dénonce le fait que cette salariée « désespérée s’est retrouvée seule face à son problème d’emploi pendant son congé de reclassement. Elle n’a pu supporter la pression dont elle aurait été victime depuis le mois de septembre 2007 aux fins d’acceptation de la décision irrévocable de son départ volontaire » .

Tout le monde n’a pas été logé à la même enseigne. Le directeur du montage de Sochaux est parti avec une prime de plusieurs centaines de milliers d’euros destinée à faciliter son nouveau projet professionnel : la culture des melons… dans l’entreprise agricole dirigée par son fils. À la Garenne, un haut cadre a tiré sa révérence en touchant un pactole GPEC à la hauteur de ses rémunérations… pour réapparaître dans l’organigramme du site en tant que consultant !

29 avril 2008

Christian COCHET

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