Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 24, novembre-décembre 2002 > DOSSIER : Pétrole : ces trusts qui saignent la planète

DOSSIER : Pétrole : ces trusts qui saignent la planète

Pétrole : ces trusts qui saignent la planéte

Mis en ligne le 22 novembre 2002 Convergences Monde

Assurant une part de 40 % de la consommation énergétique mondiale (celles du gaz naturel, du charbon et du nucléaire sont respectivement de 23, 22 et 7 %), le pétrole reste bien la source d’énergie essentielle en ce début du vingt-et-unième siècle. Et cette suprématie, conquise sur le charbon il y a cinquante ans, a toutes les chances de demeurer encore un bon bout de temps. Non seulement parce que les réserves sont encore loin d’être épuisées mais surtout parce que les trusts énormes qui ont assis leur fortune sur son exploitation n’ont nullement l’intention de laisser la place.

Tenir les robinets de cette source d’énergie c’est en effet tenir la clé de l’économie capitaliste. D’où les paniques à chaque menace, vraie ou supposée, et d’où qu’elle vienne, de voir ces robinets se fermer ou réduire leur débit. D’où aussi la vigilance des grandes compagnies comme des Etats sur lesquels elles s’appuient à garder, défendre ou étendre leur contrôle.

Cette vigilance s’impose d’autant plus que la situation est en constant changement et développement, avec des périodes d’accélération, comme actuellement, semble-t-il. La demande toujours accrue du marché exige en effet l’exploration et l’exploitation incessantes de nouveaux gisements, donc du contrôle de près ou de loin de nouvelles régions, celles des gisements mais celles aussi par lesquelles transitent l’or noir, oléoducs ou gazoducs (car l’exploitation du gaz naturel est intimement liée à celle du pétrole proprement dit, à la fois parce qu’on les trouve dans les mêmes zones et parce que ce sont souvent les mêmes groupes capitalistes qui exploitent l’un et l’autre).

Par tous les moyens

C’est donc la course constante entre les principaux trusts. Course à la concentration pour regrouper les moyens, capitaux et technologies, qui permettront de tenir tête aux concurrents ou les supplanter. Dans la courte période 1998-2000, cinq super-majors ont fini par s’imposer, américaines, britannique ou française, assurant à elles seules plus de la moitié de la production du secteur privé du pétrole et détenant 74 % de ses réserves. Ce qui n’empêche pas des outsiders, espagnols, italiens, russes ou mêmes chinois, de lorgner sur les places à prendre. Course surtout pour acquérir la bienveillance et « l’amitié », volontaire ou forcée, par l’argent si possible mais par la force si besoin est, des gouvernements et des Etats des pays qui ont le bonheur (ou plutôt souvent le malheur pour leur peuple) de poqséder des gisements d’importance.

Car cette lutte pour acquérir droits d’exploration ou d’exploitation mais surtout monopole de la commercialisation et garantie que l’écoulement du précieux liquide se fera sans anicroche ne se mène pas entre gens de bonne compagnie par les seuls moyens diplomatiques, ni même ceux de la corruption des gouvernements et des autorités (ce sur quoi l’actuel procès en France des anciens dirigeants de Elf a permis de lever un instant un voile que d’aucun entendent faire retomber au plus vite d’ailleurs). C’est par la guerre qu’en dernier ressort, s’il le faut, les trusts imposent leur mainmise, directe ou indirecte, même s’ils préfèrent en règle générale que cette guerre soit menée par des mercenaires et les armées des pays exploités que par celles de l’Etat impérialiste auquel ils s’adossent.

Et d’abord par la force

Il suffit d’énumérer les zones des conflits depuis la fin de l’URSS et des deux grands blocs (qui devait ouvrir une ère de paix sur la planète, rappelons-nous !) pour constater que pratiquement partout étaient ou sont impliqués des intérêts pétroliers (pas seuls évidemment, les autres trusts impérialistes depuis ceux de l’agro-alimentaire jusqu’aux marchands d’armes ou de béton n’entendant pas laisser piétiner leurs propres intérêts).

L’Afrique à feu et à sang ? Au Congo, en Angola, au Tchad ou au Soudan, les compagnies essentiellement françaises d’un côté, américaines de l’autre, mais parfois aussi canadiennes, italiennes, voire russes, paient et arment dictateurs et milices pour s’assurer l’exploitation des gisements offshore ou sahariens découverts depuis dix ans. Les affrontements sanglants de leurs hommes de main ne les empêchant évidemment pas de s’entendre aussi parfois pour se partager exploitation et bénéfices. La compétition n’a jamais empêché les ententes temporaires ou ponctuelles et les retournements d’alliances font partie de la vie des affaires.

L’Afghanistan ? Pendant des années les Etats-Unis ont soutenu les talibans dans l’espmir que ceux-ci imposeraient la paix au pays (fut-elle celle des cimetières et des burkas) et permettraient donc la construction de l’oléoduc nécessaire à l’évacuation du pétrole de certains des pays asiatiques de l’ex-URSS. Puis, à peine Ben Laden leur a-t-il fourni le prétexte d’intervenir dans la région, qu’ils n’ont surtout pas raté l’occasion de prendre pied militairement dans ces pays qui passent, à tort ou à raison, pour le nouvel eldorado pétrolier du vingt-et-unième siècle (en 2000, la découverte de deux gisements géants, Shah Deniz en Azerbaïdjan (5,9 milliards de barils) et surtout Kashagan au Kazakhstan (25 milliards de barils) a mis l’eau à la bouche de tous les pétroliers de la planète).

La Tchétchénie ? L’ignoble guerre menée par l’Etat russe contre un petit peuple n’est pas seulement due au nationalisme grand-russe de l’ex-KGB Poutine mais à la situation stratégique du pays, passage du seul oléoduc actuel qui permet le transport d’une partie du pétrole de la Mer Caspienne. Pas question de lâcher au moment où les Américains envisagent la construction de tuyaux contournant la Russie ou l’Iran (la construction du gigantesque oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (1750 km de long) a été inaugurée en septembre 2002 en présence des présidents d’Azerbaïdjan, de Géorgie, de Turquie, et... du secrétaire d’Etat américain à l’énergie).

L’Irak enfin ?

Personne ne doute que si Bush, dont la famille fait partie de « l’aristocratie texane du pétrole » a choisi l’Irak (plutôt que la Corée du Nord par exemple qui, elle, a réellement l’arme atomique) pour objectif de sa prétendue croisade anti-terroriste, c’est en bonne partie pour le pétrole. Les réserves du pays sont parmi les plus importantes au monde et donc guignées par les compagnies américaines. S’en emparer serait aussi un excellent moyen de faire pression sur l’Arabie Saoudite, cette alliée si longtemps docile mais qui depuis quelque temps, forte de sa position dominante tant en matière de production que de réserves, a des velléités de prendre ses distances et de mener sa vie. Un Irak à la botte et son pétrole sous contrôle permettraient de tenir la dragée haute à toute velléité de chantage de l’Arabie Saoudite.

Comme personne ne doute non plus que les postures de la France et de la Russie, faisant mine de s’opposer aux va-t-en-guerre américains, n’avaient d’autre objectif que de préserver les intérêts de leurs marchands en Irak, et en premier lieu leurs pétroliers (Total aurait déjà négocié des droits pour Majnoon, un champ prometteur de 20 milliards de barils, et de Nahr Umr, la compagnie russe Lukoil ceux sur le champ de West Qurna). Aussi le compromis passé à l’ONU a-t-il bien des chances d’avoir simplement couvert un partage, mais lui plus discret, et dont on ne connaîtra la teneur que plus tard, pour la répartition de l’exploitation des ressources pétrolières irakiennes.

Les loups se mordent parfois entre eux, mais au final ce sont les moutons qu’ils dévorent.

15 novembre 2002,

S.C.

image 300 x 268

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article