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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 84, novembre-décembre 2012

PSA : les chauds et froids de l’usine d’Aulnay

Mis en ligne le 28 novembre 2012 Convergences Entreprises

Ces dernières semaines ont été marquées par quelques coups de colère dans l’usine, prenant au dépourvu la direction... mais aussi parfois les syndicats.

Colère contre le gouvernement et Peugeot

Le 9 octobre, les 500 travailleurs d’Aulnay qui avaient manifesté devant le salon de l’Automobile le matin et ceux d’entre eux qui l’avaient fait avec des camarades de Renault l’après-midi, en étaient revenus contents d’y avoir côtoyé des délégations d’autres usines automobile, des sous-traitants et aussi des postiers ou des cheminots... mais ulcérés de s’être vu interdire l’entrée du salon par des centaines de gendarmes mobiles et des gaz lacrymogènes. Cela avait ouvert des yeux de ceux qui s’étaient laissés impressionner par les rodomontades de Montebourg contre la famille Peugeot et espéraient en ses promesses. « C’est bien la dernière fois que je vote pour Hollande ou les socialistes » fut le refrain dans l’usine les jours suivants.

Mais la direction a donné bien vite une autre occasion de se mobiliser. Elle a régulièrement arrêté les chaînes au cours de la journée ; durant ces arrêts dits « managés », les travailleurs en avaient profité pour se réunir et débattre. Ils ont alors été déclarés grévistes et se sont vu retirer ce temps de pause forcée sur leur fiche de paie ! Illégal et insupportable. Pour exiger l’arrêt de cette pratique, les 16 et 17 octobre, des débrayages ont eu lieu dans chaque équipe et des cortèges ont sillonné l’usine. Un directeur le premier jour et un chef particulièrement détesté le lendemain se sont vu imposer quelques heures de cohabitation avec des grévistes qui demandaient la fin de ces retenues sur salaire et le paiement des heures consacrées aux assemblées générales hebdomadaires. Sous la pression de ce qu’elle a appelé bien exagérément des « séquestrations », la direction locale a d’abord accepté – la direction du groupe s’empressant ensuite de refuser. Au risque de faire durer l’agitation. Pour l’instant, ces revendications demeurent.

Irritation contre les syndicats

Philippe Poutou, porte-parole d’une cinquantaine d’ouvriers de l’usine Ford de Blanquefort, près de Bordeaux, venus en soutien à un meeting à Aulnay, avait été empêché d’intervenir par les responsables syndicaux du 93, de Sud à la CGT, mais aussi par le secrétaire de la CGT de Citroën lui-même. Ce même 29 septembre, le SIA avait organisé de son côté une action concurrente au salon de l’Automobile. Ces faits une fois connus, 150 travailleurs, syndiqués et non syndiqués, de l’atelier du Montage, se sont réunis, spontanément et sans les syndicats pour demander des comptes à ces derniers. Les jours suivants, ils élisaient leurs représentants à un comité de base.

Ils exprimaient par là clairement leur volonté de contrôler les décisions prises en leur nom. Et, concrètement, ils demandaient qu’une délégation d’ouvriers du rang participe à toutes les négociations avec la direction, une revendication qui avait déjà été exprimée à plusieurs reprises, ici ou là dans l’usine. Ils ne se contentèrent d’ailleurs pas de le signifier lors des séances de l’intersyndicale qui se réunit tous les lundis. À leur tour ils convoquèrent les secrétaires de tous les syndicats, un peu ébahis de recevoir des ordres de la base : les ouvriers voulaient tester la détermination des syndicalistes dans la lutte contre la fermeture de l’usine.

L’activité de ce comité de base est en baisse ces dernières semaines. Dès ses débuts, il s’était d’ailleurs heurté au dénigrement systématique de certains syndicalistes, y compris de la CGT. Mais l’idée d’avoir des représentants de la base lors des rencontres avec la direction Peugeot est pourtant toujours présente et réapparaît régulièrement dans les AG. Celles-ci ont même ratifié les noms de quelques volontaires, dont certains finalement ont été inclus dans les premières délégations CGT, SIA, Sud, et CFDT. Pourtant la méfiance est toujours là. Lundi 12 novembre encore, une vingtaine d’ouvriers sont allés demander des comptes aux chefs syndicaux à propos des revendications défendues par eux lors des négociations tenues quelques jours avant à la préfecture du 93.

Ce n’est donc pas que la minorité mobilisée jusqu’ici ne veuille plus se battre. Il y a deux semaines, une soixantaine ouvriers d’Aulnay ont rendu visite à une usine Faurecia dans l’Oise (un sous-traitant de Peugeot qui vient d’annoncer 1 500 suppressions d’emplois qui s’ajoutent donc aux 8 000 de PSA proprement dit). Jeudi 15 novembre, à l’appel de la seule CGT, une autre bonne centaine ont participé à une distribution de tracts aux ouvriers de l’usine PSA de Poissy (Yvelines), où, théoriquement, 1 500 salariés d’Aulnay devraient atterrir (une promesse qu’on ne voit pas PSA être en capacité de tenir).

Le problème reste que cette minorité qui se mobilise dans les actions n’a jamais vraiment dépassé quelques centaines, 500 au plus atteints au salon de l’Auto. Or, seule une lutte d’envergure imposera leurs objectifs, qu’il s’agisse du maintien du site jusqu‘à la fin 2016 ou des revendications dites spécifiques. Une lutte qui ne sera possible qu’en impliquant Aulnay mais aussi d’autres entreprises automobile du pays, voire d’Allemagne ou de Belgique (telle que Ford Genk où une délégation d’Aulnay s’est rendue le weekend dernier, les 10 et 11 novembre). La tâche pour la minorité combative est donc immense mais, au moment où le nombre de licenciements et fermetures de boîtes montent encore d’un cran, les opportunités pour les travailleurs de Citroën Aulnay d’être à l’origine de cette lutte d’envergure ne sont certainement pas « pliées ».

15 novembre 2012, Pierre BECKER


Du bon (ou mauvais) usage des négociations

Lors du Comité central d’entreprise du 25 octobre, la direction a annoncé l’ouverture de négociations qui ont effectivement débuté le mercredi 7 novembre à l’échelle de tout le groupe PSA, et le jeudi 8 novembre pour l’usine d’Aulnay. Sans grand résultat pour l’instant si l’on en croit un tract du SIA, lui-même publié à l’issue de la séance du 15 novembre : « Les négociations se révèlent difficiles ». Et le SIA est pourtant un chaud partisan de la négociation, quand ce n’est pas de la collaboration avec le patron.

En effet, PSA est bien décidé à se débarrasser de 8 000 emplois (voire plus...) à l’échelle du groupe et de fermer l’usine d’Aulnay. L’attitude de ses représentants est significative, ne faisant pas la moindre concession même de forme, lors de ces premières séances. Pour Peugeot, les négociations ne sont donc pour l’instant qu’un moyen de faire reculer les syndicats qui ont campé sur la revendication « Non à la fermeture d’Aulnay ». Et aussi, sans doute, non moins important, de diviser le front commun qui s’était créé entre les syndicats de façon plus ou moins informelle, en particulier les deux plus importants, SIA et CGT.

Avant même l’annonce de l’ouverture des négociations circulaient, dans certains secteurs, des cahiers de revendications « spécifiques », à l’initiative soit des salariés, qui sont toujours nombreux à douter de la possibilité d’empêcher la fermeture de l’usine, soit de certains syndicalistes... qui n’y croient pas non plus. Depuis, la CGT elle-même a entrepris de consulter largement pour dresser la liste de ces revendications spécifiques. C’est bien la moindre des choses, de la part d’un syndicat qui appelle les travailleurs à la lutte, de leur demander sur quels objectifs ils sont prêts à l’engager !

Mais des clivages syndicaux ont alors fait leur apparition. Et Sud d’accuser la CGT, et derrière elle tous les travailleurs qui ont accepté sa liste de revendications spécifiques (indemnité de licenciement de 130 000 euros plus 2 500 par année d’ancienneté ; indemnité de mutation de 60 000 euros ; préretraite payée à 100 % pour les plus de 55 ans...) de trahir en abandonnant la revendication de la non-fermeture (ce qui n’est pas exact) ! Et SIA, FO et CFTC de se démarquer à la baisse de revendications acceptées pourtant formellement en AG ! Et tous de se méfier plus ou moins de la participation aux négociations de représentants désignés par la base.

Le refus de la fermeture et les revendications dites spécifiques peuvent et doivent être accolées et non opposées. Ce que fait la CGT, de fait, en continuant à demander le « maintien de la production jusqu’à ce que PSA trouve un CDI acceptable à chaque salarié... »

De toute façon, les unes et les autres de ces revendications ne pourront être obtenues que si les travailleurs d’Aulnay suscitent une lutte d’envergure englobant et même dépassant le cadre du groupe PSA. N’oublions pas que la famille Peugeot a le soutien du Medef comme de tous les patrons qui ne veulent certainement pas qu’un succès des travailleurs d’Aulnay serve d’exemple à tous ceux qui sont concernés par des plans de fermeture ou de licenciements.

C’est sur ce programme que les travailleurs, sinon les syndicats, pourront s’unir dans la lutte. Un objectif dans les cordes de la minorité combative... si elle sait elle-même s’organiser.

P.B.

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