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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 20, mars-avril 2002 > Dossier : Combattre la mondialisation ou le capitalisme ?

Dossier : Combattre la mondialisation ou le capitalisme ?

Mondialisation : faits et méfaits

Mis en ligne le 1er avril 2002 Convergences Monde

La mondialisation c’est d’abord un développement sans précédent des échanges mondiaux. Entre 1960 et 1973, ils ont triplé [1]. Le taux d’exportation pour l’ensemble des pays développés est passé de 9 % avant 1967 à 14 % au début des années 70, pour rester ensuite sensiblement constant au long des années 80 et 90 [2]. Du coup, le commerce international a continué à croître plus vite que les productions nationales (5,3 % par an contre 1,9 % de 1984 à 1994 dans l’ensemble des pays de l’OCDE). On a retrouvé des taux d’exportation du même niveau qu’avant la première guerre mondiale.

L’expansion des firmes multinationales

L’internationalisation des firmes a été au départ la principale marque de la mondialisation. Elle a été due à la volonté d’installer la production dans des pays émergents pour bénéficier du marché intérieur autant qu’à celle de profiter d’une main d’œuvre bon marché. Du coup une bonne partie de l’accroissement du volume du commerce est tout simplement due aux échanges internes aux multinationales, bon nombre de celles-ci fonctionnant comme une gigantesque entreprise qui aurait des ateliers sur les différents continents. Il faut donc relativiser le chiffre des échanges cité plus haut : augmentation du commerce ne signifie pas augmentation équivalente de la production. Ainsi l’investissement transnational, entre 1983 et 1990, aurait augmenté trois fois plus que le commerce mondial et quatre fois plus que la production mondiale.

En tout cas depuis 1980, cette internationalisation ne s’est jamais démentie faisant passer le stock mondial d’investissements directs à l’étranger de 719 milliards de dollars au début des années 80 à 1889 milliards de dollars en 1990 et à 6314 milliards de dollars en 2000 [3] .

Les firmes multinationales (FMN), développées dans les années 60, ont connu un nouvel essor au milieu des années 80. Mais cet essor a aussi été favorable à de nouvelles entreprises, souvent au départ plus petites évidemment. En 1993, on estimait à 35 000 le nombre de FMN dans le monde et les cent principales disposaient d’à peu près 16 % des moyens de production mondiaux.

Les trusts multinationaux sont neuf fois plus nombreux qu’il y a trente ans. Nombre d’entre eux comme Exxon ou General Motors sont autant sinon plus riches et plus puissants que des Etats. Ils disposent de véritables gouvernements, avec des réseaux d’information et d’action et se paient parfois de véritables bandes armées qui maintiennent des populations et des pays entiers sous leur coupe.

La concentration du capital

A partir du milieu des années 90, la concentration des entreprises capitalistes a pris de l’ampleur.

La croissance du volume des fusions-acquisitions a été continuelle et de plus en plus rapide : 130 milliards de dollars en 1994, 200 milliards de dollars en 1995, 550 milliards de dollars en 1998, 1100 milliards de dollars en 2000. Ces sommes considérables représentaient un pourcentage du PIB mondial de 1% en 1997 et presque 4 % en 2000.

Cette concentration a fait passer la part des dix premières multinationales (hors secteur financier) dans les ventes internationales des cent premières sociétés de 25,8 % en 1995 à 29,2 % en 1999. Elle touche cependant inégalement les secteurs d’activité. Elle est fondamentale dans quatre secteurs : matériel électrique et électronique, automobile, industrie pétrolière et alimentation. Viennent ensuite ceux de la pharmacie et la chimie. Elle l’est beaucoup moins dans les autres.

La puissance du capital financier

Encore plus que dans les autres secteurs, le mouvement de concentration des entreprises financières internationales s’est accéléré dans la seconde moitié des années 90. Le montant des fusions-acquisitions dans le secteur financier est passé de 24,3 milliards de dollars en 1994 à 82,6 milliards de dollars en 1997 et à 241,3 milliards de dollars en 2000. Selon la Banque des Règlements Internationaux, la BRI, il n’y a plus mondialement qu’une vingtaine de grandes banques qui gèrent tous les transferts de devises.

Parallèlement les flux de capitaux à court terme ont explosé, supplantant de plus en plus et de très loin les investissements à but industriel et commercial. En 1997, 1300 milliards de dollars étaient échangés chaque jour, contre dix à vingt milliards dans les années 70. Et en 2000, c’est 2000 milliards de dollars qui sont échangés chaque jour soit cent fois plus que le volume des échanges de biens et de services. L’essentiel a un caractère spéculatif, 82 % des opérations durant moins de 7 jours. Autant évidemment qui ne s’investit pas dans l’économie productive.

De plus cette évolution a connu deux phases distinctes. Pendant les décennies 1960 et 70, les flux internationaux de capitaux suivaient un axe « Nord-Sud » (par l’investissement privé dans la dette publique des pays du tiers-monde) mais dans la véritable explosion des marchés financiers, qui a suivi la crise de la dette des pays pauvres de 1982-83, les flux sont devenus essentiellement « Nord-Nord ». C’est à cette époque que les obstacles à la libre circulation des capitaux ont été levés en Amérique du nord, dans l’Union Européenne et au Japon, la réglementation des marchés financiers étant assouplie au Japon, aux USA et en Grande-Bretagne. Rien d’étonnant à ce qu’avec la création d’un marché unique des capitaux, ce soient les USA et la Grande-Bretagne qui aient reçu les plus grands flux d’investissements. Ainsi après avoir entraîné plusieurs crises catastrophiques dans des régions du Tiers-Monde, ces capitaux ont contribué à accentuer l’inégalité de ce Tiers-Monde avec les pays industrialisés.

L’ accroissement des inégalités

La mondialisation a représenté une phase d’accroissement de la richesse globale, multipliée par 2,8. Mais elle ne s’est pas fait égalitairement, contribuant au contraire à accroître la richesse aux pôles les plus riches et la pauvreté aux pôles les plus pauvres. Si le PIB des pays industrialisés a plus que triplé en vingt ans, celui des pays moyens n’a progressé que de 2,2 fois et celui des pays les plus pauvres seulement de 1,5 fois. Et au sein de chacun d’entre eux, pays pauvres surtout mais aussi dans les pays riches, ce n’est qu’une part, parfois bien faible, de la population qui a vu son revenu s’améliorer.

Ainsi le développement des investissements dans les pays pauvres n’a pas nécessairement représenté un développement durable pour eux. Bien souvent les revenus des investissements étrangers ont représenté une sortie de capitaux plus importante que ceux qui y sont rentrés. Ces mouvements étant aggravés par la volatilité des capitaux spéculatifs et l’énormité de la dette publique et donc des intérêts à rembourser.

La mondialisation est donc loin d’être synonyme de l’uniformisation du monde, encore moins de son égalisation. Des régions et même des pays entiers sont exclus de la nouvelle donne. L’Amérique latine et le continent africain ne représentent respectivement que 4,5 % et 2,2 % du commerce mondial. Les cartes économiques qui représentent chaque pays en fonction de son importance économique rayent pratiquement de la planète une grande part de l’Afrique, de l’Amérique du sud et de l’Asie. Au sein de chacun de ces pays, une ou deux zones sont économiquement actives, ce qui est appelé cyniquement l’Algérie « utile » ou le Chili « actif », les autres demeurant parfois quasiment en dehors du fonctionnement capitaliste, souvent dans une misère croissante.

Ainsi l’écart entre riches et pauvres comme l’écart entre pays riches et pays pauvres ne s’est pas résorbé, bien au contraire. Le monde tout entier a beau être entraîné dans le tourbillon capitaliste, une fraction de la planète ne vit toujours pas dans les circuits de l’argent, faute d’en posséder, et ne subsiste que grâce au troc.

Une globalisation relative

Malgré l’internationalisation des firmes, l’« entreprise globale » est encore une exception, que l’on considère cela du point de vue des salariés, des capitaux ou des ventes. Les plus grandes firmes industrielles américaines ont encore la majorité de leurs emplois aux USA. Seule Ford, faisant figure d’exception, emploie plus de 50 % de ses salariés à l’étranger. Au Japon, seule Sony est dans le même cas avec aussi 50 % de l’emploi à l’étranger. Certes ce n’est pas le cas des multinationales de petits pays comme les Pays-Bas, la Suède ou la Suisse, Nestlé, Electrolux, ABB ou Volvo. Mais même celles-ci s’appuient toujours sur leur Etat national d’origine. Ou encore, en particulier en ce qui concerne les firmes européennes, sont parmi les plus fermes partisans de la constitution d’une Europe susceptible de faire pièce et tenir tête aux Etats-Unis ou au Japon. Pierre Veltz peut donc écrire à bon droit dans La mondialisation, au-delà des mythes : « Le cadre national reste et restera sans doute longtemps encore un référenciel de premier rang y compris pour les grandes firmes, leur actionnariat, leur stratégie ».

Le rapport de la Banque Mondiale de décembre 2001 affirmait : « La mondialisation a souvent été un facteur très important de réduction de la pauvreté mais trop de pays et d’individus sont restés en marge ». Et en effet plus que de mettre en relation le monde entier, la mondialisation a surtout tissé des liens entre des îlots de richesse. La production de Tokyo se compare aujourd’hui à celle du Royaume-Uni, elle vaut deux fois celle du Brésil dont plus du quart est concentré à Sao Paulo et Rio.

En réalité, même dans les pays pauvres qui ont été grand ouverts à la mondialisation, elle est bien loin de représenter un développement de la prospérité pour les peuples. Les exemples récents de la Turquie, de l’Afrique du Sud et de l’Argentine le montrent bien.

L’extension de la sphère d’action du capital signifie aussi et surtout l’extension de sa ponction sur les richesses du monde. Cela explique que les inégalités se soient accrues au sein de la population des pays riches comme entre pays riches et pays pauvres. Selon le Bilan du monde 2002 « 2 milliards de personnes font figure d’exclus de la mondialisation ».

Dans Le basculement du monde Michel Beaud écrit : « Jamais tant de richesse, jamais tant de pauvreté ». Et effectivement, une part considérable de la planète reste pauvre alors que le produit mondial par habitant est passé de 360 dollars par personne en 1900 à 1500 dollars 1975 et à 4500 dollars en 1994. Le développement capitaliste n’a fait que mondialiser l’exploitation et, à l’occasion, les crises. Pas de surprise. Ce sera au développement de la lutte de classe de mondialiser la révolution et le progrès pour tous.

Simone CANETTI


Les nouvelles majors du pétrole

En 2000, les principales opérations dans le secteur pétrolier ont été la fusion des deux majors américains Chevron et Texaco pour constituer le quatrième groupe mondial après ExxonMobil, Royal-Dutch/Shell et British Petroleum (BP), l’acquisition du premier indépendant américain, Arco, par le groupe BP, l’acquisition, par L’ENI italienne, des grands indépendants britanniques British Bornéo et surtout Lasmo. Ces opérations font suite aux grandes concentrations antérieures : BP-Amoco en 1998 ; Exxon-Mobil en 1998-1999 ; Repsol-YPF puis TotalFina et Elf en 1999. Ces 3 années de concentration ont donc profondément modifié la configuration de l’industrie du pétrole. Un important écart s’est installé entre les 5 « super-majors » et les sociétés qui suivent immédiatement. Ces 5 majors assurent plus de la moitié des productions d’hydrocarbures du secteur privé et détiennent 74 % de ses réserves.


L’accumulation des richesses et de la pauvreté

En 1960, les 20 % les plus riches de la population mondiale disposaient de trente fois le revenu des 20 % les plus pauvres. En 1997, ce rapport atteignait 74 contre un. (Rapport 1998 du PNUD, programme des nations unies pour le développement) En 30 ans, la part des 20 % les plus pauvres est passée de 2,3 % à 1,4 % des richesses du monde et la part des 20 % les plus riches est passée de 70 % à 85 %. Et ces riches de la planète englobent un grand nombre de personnages fortunés des pays pauvres. Les 225 personnes les plus riches du monde possèdent plus de mille milliards de dollars soit l’équivalent du revenu annuel de 2,5 milliards de personnes, presque la moitié la plus pauvre de la planète. Les trois personnes les plus riches du monde possèdent une fortune supérieure aux PIB combinés des 48 pays les plus pauvres. (Rapport mondial sur le développement humain du PNUD).


[1Bilan du Monde, 1997

[2La mondialisation, au-delà des Mythes, Cordelier, Editions La Découverte. Une partie des chiffres cités dans cet article sont tirés de cet ouvrage.

[3Alternatives Economiques, numéro hors série, deuxième trimestre 2002. Un autre ouvrage qui a fourni une partie des chiffres cités ici.

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