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DOSSIER : Accidents du travail et maladies professionnelles : faux frais de l’exploitation pour le patronat et l’Etat

Massacre à l’amiante : industriels, pouvoirs publics, tous complices

Mis en ligne le 22 juin 2004 Convergences Société

Trois mille travailleurs meurent actuellement chaque année en France du fait de leur exposition à l’amiante. Les spécialistes prévoient de 5 000 à 10 000 décès par an dans une vingtaine d’années, soit jusqu’à 30 décès par jour. 150 000 personnes vont ainsi perdre la vie, victimes des maladies engendrées par ce matériau, qui se déclarent 30, voire 50 ans après avoir respiré ses fibres.

Pourtant la nocivité de l’amiante est connue depuis des décennies. Or, en France, son interdiction totale ne remonte qu’à 1997. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter toute une chaîne de responsabilités et de complicités, qui va des industriels aux ministères, en passant par la médecine du travail.


Catastrophe annoncée

Ce qui choque dans le scandale de l’amiante, c’est l’association de malfaiteurs organisée par les industriels avec l’aide des pouvoirs publics, et même de syndicats pour minimiser les risques et les dangers du matériau, les premiers au nom du profit, les seconds par soumission, et les derniers au nom de la défense de l’emploi. Personne pourtant ne pouvait dire qu’il ne savait pas, puisque le premier rapport attirant l’attention est paru en 1906 sous la plume d’un inspecteur départemental du travail à Caen ! Il s’inquiétait des ravages engendrés dans une usine de filature et de tissage d’amiante à Condé-sur-Noireau, où il avait constaté 50 décès en cinq ans, de sa création en 1890 à 1895. Les compagnies d’assurance américaines et canadiennes quant à elles, refusaient d’assurer les travailleurs de l’amiante dès le début du 20e siècle. Diverses publications de journaux médicaux montraient le pouvoir cancérogène de l’amiante dans les années 1930. Une enquête réalisée en Angleterre en 1955 apportait la preuve épidémiologique définitive de la relation entre l’exposition à l’amiante et le cancer broncho-pulmonaire, et la responsabilité de l’amiante dans la survenue du mésothéliome, cancer de la plèvre spécifique de l’amiante, était établie en 1960.

Les industriels font fortune avec l’amiante

Mais malgré ces connaissances, les industriels ont tout fait pour retarder les échéances. Avec la reconstruction d’après guerre, les besoins en amiante explosent. Le volume des importations est multiplié par cinq jusqu’aux années 1980. Des usines sortent de terre, avec 40 sites de transformation de l’amiante en France. La firme Eternit regroupe ainsi 5800 salariés en 1973, une filiale de Saint-Gobain 2300 personnes à Pont-à-Mousson. Une intense campagne de promotion permet de multiplier les usages de l’amiante en particulier avec le flocage qui date du début des années 1930 mais prend son plein essor avec le développement des immeubles à charpente métallique, à partir de 1959. Les importations annuelles de la France passent de 15 000 tonnes avant guerre, à plus de 177 000 tonnes en 1974.

Ainsi, paradoxalement, plus les connaissances sur la nocivité de l’amiante s’affinent et se répandent, plus on importe d’amiante et expose des populations de plus en plus larges. Malgré l’existence de matériaux de substitution dès les années 1950.

Un retard inacceptable dans la législation

En 1931, la Grande-Bretagne édicte les premières mesures de protection des travailleurs de l’amiante, le cancer broncho-pulmonaire est reconnu depuis 1942 comme maladie professionnelle en Allemagne, et le mésothéliome, cancer spécifique de l’amiante, l’est en Grande-Bretagne depuis 1966.

La législation française, quant à elle, ne reconnaît les deux pathologies cancéreuses dues à l’amiante qu’à partir de 1976, et encore avec de telles restrictions qu’aujourd’hui encore, la grande majorité des cas n’est pas reconnue en maladie professionnelle. Et l’interdiction totale d’importation et d’utilisation de l’amiante date seulement de... 1997 !

Le Comité permanent amiante, pour endormir l’opinion

Devant l’avalanche de rapports sur la nocivité du produit, les industriels contre-attaquent en créant en 1982 le Comité permanent amiante (CPA). Son secrétaire est le chargé de communication à Péchiney, Rhône-Poulenc, et à l’association des industriels du plomb. Il s’associe au président de l’association française des conseils en lobbying. Les pouvoirs publics s’en remettent à ce comité, à la fois juge et partie, pour assurer la surveillance des risques de l’amiante. Comme si l’on confiait à la Seita la responsabilité de prévenir les cancers du poumon ! Autour des industriels, se regroupent des scientifiques qui cautionnent, les pouvoirs publics qui couvrent et des syndicats qui suivent. Le CPA devient l’expert « incontournable » de l’amiante et publie des brochures « d’information » où sont décrites les précautions pour travailler le fibrociment, pour ne pas fumer lorsqu’on travaille l’amiante, etc. A la question « l’amiante est-il dangereux ? « , la brochure répond : « non, l’amiante n’est pas un poison «  ! Il a fallu attendre 1995 pour que le scandale éclate... et que le CPA disparaisse subrepticement.


Patrons contre salariés : la bataille de l’indemnisation

La lutte des salariés

Dès 1921, l’Association Internationale des Travailleurs dépose une plainte devant le Bureau International du Travail (BIT) qui vient de naître à Genève. Elle dénonce la maladie pulmonaire qui atteint les mineurs d’amiante. Une grève en 1949 affecte pendant cinq mois deux grandes villes minières du Canada, premier producteur d’amiante. En 1975 de nouveau, les travailleurs de cinq compagnies minières canadiennes entrent en grève pendant sept mois et sont soutenus par l’opinion publique. Ils obtiennent des compensations financières à leur maladie, mais ne voient pas leur revendication essentielle satisfaite : la diminution des poussières et le pouvoir de contrôler eux-mêmes les niveaux d’empoussièrement. Mais la bataille se mène essentiellement sur le terrain juridique, pour la reconnaissance de la faute des employeurs et une indemnisation la plus juste possible pour les salariés. Ce combat n’est pas terminé.

Aujourd’hui, grâce à l’obstination des victimes et de leurs familles, les employeurs voient leur responsabilité de plus en plus reconnue par les tribunaux. En 1998 d’abord, le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS) de Saint-Lô, reconnaît la faute inexcusable de la Direction des Constructions Navales à l’origine des maladies de ses anciens salariés exposés à l’amiante. Un jugement identique du TASS du Calvados vise par la suite Valéo. L’année 2003 voit de grandes entreprises comme Aventis (Romainville), Alstom (Le Bourget), Pechiney et Creusot-Loire reconnues coupables d’avoir exposé leurs salariés à l’amiante. Et à chaque fois, la Cour de cassation confirme l’évolution de la jurisprudence en matière de faute inexcusable de l’employeur, jurisprudence établie le 28 février 2002. L’action en faute inexcusable permet d’obtenir une majoration de la rente, ainsi que la réparation des préjudices subis, et au-delà de l’aspect financier, d’établir publiquement la responsabilité de l’employeur. Le 3 mars 2004, c’est la confirmation par le conseil d’Etat de la responsabilité de l’Etat dans la contamination par l’amiante de quatre victimes.

Création du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva)

Devant l’ampleur du phénomène et la reconnaissance de plus en plus fréquente par les tribunaux de la faute inexcusable de l’employeur, un fonds d’indemnisation a été créé par les pouvoirs publics, pour essayer de faire baisser le niveau des indemnisations et éviter les procès. Le barème d’indemnisation retenu par le Fiva est très en deçà de ce que les victimes sont en droit d’attendre : les sommes accordées sont moitié moins que ce que donnent en moyenne les tribunaux pour des situations analogues. Ce barème a d’ailleurs été adopté à la suite d’une manœuvre du gouvernement qui a nommé au Conseil d’Administration du Fiva deux membres supplémentaires du Medef et de la CGPME, pour y détenir la majorité.

Laurence Vinon

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Réactions à cet article

  • En ce qui concerne Aulnay sous bois ... http://www.aulnay-amiante.com

    Pour info :

    un dossier de presse regroupant l’ensemble des « actions » passées et des actions à venir est en cours d’élaboration et vous sera prochainement envoyé ;

    une manifestation est organisée le samedi 16 avril à Aulnay (plus d’infos sur le site précédement cité - rubrique derniéres infos.

    Une liste de contacts est disponible sur le site

    Merci de l’éventuel soutiens de ceux qui se sentirons concernés.

    Réagir à ce message

  • Je suis actuellement dans la profession de repérage amiante.

    Les règles pour les particuliers sont « très cool » car la loi autorise n’importe lequel de nos concitoyens à s’exposer avec sa famille dans de l’amiante. Je trouve d’ailleur pas mal d’horreur chez ces derniers (amiante friable dégradée dans les cheminées...).

    Je suis extrêmement choqué de voir que certaines structures organisées pour la location saisonnière, sont placés sous le statut de « particulier » avec possibilité d’évaluer le risque au bon vouloir des propriétaires car ils sont actuellement classés apte à assurer la sécurité de leurs locaux sans connaissances particulières en matière d’amiante.

    Ayant saisi l’autorité pour l’avertir d’un certain danger, sa réponse est la suivante : « dès lors qu’il y a moins de 15 adultes ou 7 enfants, il n’y a pas l’obligation pour le propriétaire de faire évaluer le risque ni d’informer les occupants des locaux... ».

    En fait, force est de constater que le danger actuel ne peut plus venir d’une entreprise ou d’un E.R.P. car ces derniers monopolisent toute la vigilance des services de l’état.

    L’actuel danger potentiel vient donc de ces structures qui acceptent d’exposer chaque jour - de 15 adultes ou 7 Enfants avec un risque réel d’exposition passive à de la fibre d’amiante avec l’autorisation officielle de l’état.

    Comment faire dans des décennies quand des gens qui n’auront jamais travaillés dans l’amiante, qui n’auront jamais été exposé dans les locaux de leurs employeurs, n’ayant pas respirés de l’amiante dans leurs locaux d’habitation mais qui auront été passivement contaminé à de l’amiante dans ces structures et qui finiront par être emportés par des cancers de l’amiante ?

    D’autre part, en dehors de l’aspect « dangerosité »,les contrats locatifs de ces structures peuvent être entachés de « vices de consentement » pour erreur d’obstacle. En effet, le contractant n’ayant pas été informé sur la présence d’amiante qui, au regard de la réputation fondée de l’amiante, peut le faire renoncer à contracter, peut saisir le juge du tribunal civil pour demander l’annulation du contrat avec dommages et intérêt pour dissimulation d’une information empéchant la rencontre sans « équivoque » des volontés.

    Je suis assez « écoeuré » par ce système de « dissimulation volontaire du danger » mis en place.

    Un rapport du sénat vise actuellement ces comportements.

    Comme en 1958, le gouvernement ne prend pas au sérieux cette situation et préfère continuer à répéter ces erreurs. La tirette d’alarme que j’ai sonnée portera ces fruits dans les 30 prochaines années....

    J’espère sincèrement que les mentalités vont évoluer.

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